Question au Gouvernement n° 321 :
pratique des institutions républicaines

15e Législature

Question de : M. Christian Jacob
Seine-et-Marne (4e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 23 novembre 2017


PRATIQUE DES INSTITUTIONS RÉPUBLICAINES

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe Les Républicains.

M. Christian Jacob. Monsieur le Premier ministre, votre pouvoir nous a déjà gratifiés d'un grand nombre de curiosités en matière institutionnelle : un groupe majoritaire qui bâillonne ses députés (Vives protestations sur les bancs du groupe REM – Applaudissements sur les bancs du groupe LR), leur interdisant de cosigner un amendement ou une proposition de loi émanant d'un autre groupe parlementaire ; un Président de la République qui, au mépris de la tradition républicaine, promulgue les lois devant les caméras de télévision, hors de votre présence, monsieur le Premier ministre, alors que c'est vous qui êtes responsable devant l'Assemblée ; vous-même, monsieur le Premier ministre, qui n'êtes pas vraiment le chef de la majorité, contrairement à vos prédécesseurs (Protestations et huées sur les bancs du groupe REM) – vous n'êtes ni issu ni membre de la majorité (Applaudissements sur les bancs du groupe LR) – ; un Président de la République qui veut charcuter nos circonscriptions électorales et mettre en place une dose de proportionnelle ; un Président de la République qui désigne, dans un simulacre de démocratie, M. Castaner chef de son parti politique (Exclamations sur les bancs du groupe REM – Applaudissements sur les bancs du groupe LR) et s'apprête, si j'ai bien compris, à le maintenir ministre en charge des relations avec le Parlement.

Cette décision, si elle était confirmée, monsieur le Premier ministre, constituerait un conflit d'intérêts caractérisé.

M. Fabien Di Filippo. Eh oui !

M. Christian Jacob. Ce serait une caporalisation des députés, une mise en coupe réglée de l'Assemblée nationale, avec un seul objectif : affaiblir le Parlement,…

Mme Bérengère Poletti. Exactement !

M. Christian Jacob. …transformer l'Assemblée nationale en une chambre d'enregistrement et imposer un pouvoir personnel. (Protestations sur les bancs du groupe REM.)

Un député du groupe LR . Godillots !

M. Christian Jacob. Sincèrement et en conscience, monsieur le Premier ministre, pensez-vous que cette décision serait conforme à l'esprit de nos institutions et à l'idée que l'on doit se faire de la séparation des pouvoirs dans une grande démocratie comme la France ? Je vous remercie de me répondre avec sincérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Jacob, puisque vous m'invitez à la sincérité sur un ton mesuré (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe REM), je vous répondrai sur le même ton avec la même sincérité.

C'est l'article 8 de la Constitution de la Ve République, que vous et moi respectons, monsieur le président Jacob, et considérons comme un point de stabilité pour notre pays, qui prévoit, comme vous le savez – je ne vous ferai pas l'injure de le citer devant vous – que le Président de la République nomme les ministres et met fin à leurs fonctions sur proposition…

M. Christian Jacob. Du Premier ministre !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . …du Premier ministre, je vous le confirme, monsieur le président Jacob. (Rires sur les bancs du groupe REM.)

Je suis, comme vous, attaché à la Constitution et je la respecte, comme vous, je l'espère, à la lettre.

M. Claude Goasguen. Jésuitisme !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Vous indiquez, après avoir porté sur l'action du Gouvernement un certain nombre de considérations qui vous appartiennent, et ayant choisi de consacrer votre temps de parole à des sujets qui sont véritablement de fond pour les Français (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe REM)…

M. Christian Jacob. Vous avez un problème !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Je réponds au président Jacob avec la sincérité à laquelle il m'a appelé, et il s'agace ! (Mêmes mouvements.) Enfin, président !

M. Aurélien Pradié. Arrêtez ce ton arrogant !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Vous faites preuve d'une grande émotion à propos d'une décision qui n'a pas été prise, monsieur le président Jacob. Permettez-moi de vous dire rapidement qu'en 2006,…

M. Patrice Verchère. Je croyais que nous étions entrés dans un nouveau monde !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . …vous étiez un membre important et respecté d'un Gouvernement, sous l'autorité du Président de la République Jacques Chirac, dont le ministre de l'intérieur présidait un parti politique.

M. Thibault Bazin. Ce n'était pas le ministre des relations avec le Parlement !

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous prétendiez être moderne !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. J'ai tendance à penser, monsieur le président Jacob, sans faire injure à M. Castaner, qu'un ministre de l'intérieur a plus de prise sur l'organisation des affaires publiques, sur le débat public ou sur les libertés publiques qu'un secrétaire d'État en charge des relations avec le Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.)

Peut-être ma mémoire me fait-elle défaut, mais je ne me souviens pas, et vous non plus d'ailleurs, monsieur Jacob, que vous ayez manifesté à l'époque une opposition frontale à cette convergence.

M. Christian Jacob. Ce n'est pas une réponse ça !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Je ne vous ai pas interrompu, monsieur le président, alors laissez-moi ajouter un mot.

M. Sébastien Chenu. Quand parlerez-vous de la France ?

M. Christian Hutin. Le Premier ministre fait du théâtre !

M. Alexis Corbière. C'est une réunion de famille ou c'est le Parlement ?

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Je crois, monsieur le président, que l'article 8 de la Constitution permet au chef du Gouvernement de faire des propositions au Président de la République en se fondant sur ce qu'il croit utile. Et dans les propositions que j'ai à formuler au Président de la République, la seule contrainte que je m'impose n'est pas de savoir si tel ou tel est membre de telle ou telle formation politique ou si, à l'issue de tel ou tel parcours politique, l'usage veut ou non qu’on devienne ministre. La seule considération qui vaille à mes yeux, c'est de savoir si la personne que je propose pour occuper un poste au sein du Gouvernement accomplira sa mission conformément à ce que je crois être le rôle d'un gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.)

M. Fabien Di Filippo. Si c'était vous qui composiez le Gouvernement, ça se saurait !

M. Thibault Bazin. C'est Jupiter qui décide !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Ce sera, monsieur le président, la seule considération qui sera la mienne, comme, je pense, cela aurait été ou sera peut-être un jour la vôtre.

J'insiste là-dessus, monsieur le président Jacob. Je sais, indépendamment de la forme que peut prendre cet échange, que vous êtes autant que moi attaché à la Ve République,…

Mme Émilie Bonnivard. Vous l'abîmez !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. …mais en voulant limiter le pouvoir de nomination du Président de la République ou le pouvoir de proposition du Premier ministre, je pense que vous ne lui rendez pas un service signalé. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM. – Protestations sur les bancs du groupe LR.)

M. Fabien Di Filippo. En affaiblissant l'opposition, vous faites pire !

Données clés

Auteur : M. Christian Jacob

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Gouvernement

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 23 novembre 2017

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