Question au Gouvernement n° 3323 :
Rachat de Tiffany par LVMH

15e Législature

Question de : M. Aurélien Pradié
Lot (1re circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 23 septembre 2020


RACHAT DE TIFFANY PAR LVMH

M. le président. La parole est à M. Aurélien Pradié.

M. Aurélien Pradié. Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, nous respectons dans cette assemblée votre parole. Votre voix est celle de notre diplomatie et donc la voix de la France. Votre signature n'est pas n'importe quelle signature, elle engage la France.

Or, le 30 octobre dernier, votre signature a manifestement servi des intérêts privés bien plus que l'intérêt national. En novembre, le groupe LVMH a fait le choix de se porter acquéreur de la marque américaine Tiffany, à hauteur de 13,8 milliards d'euros. C'était un choix d'entreprise, dont celle-ci était pleinement libre et dont elle se devait, tout aussi librement, d'assumer l'entière responsabilité. Le groupe de luxe s'est depuis ravisé. Et, dans une lettre que vous avez personnellement adressée à M. Bernard Arnault, vous volez au secours de son conseil d'administration, sans aucun fondement juridique, sans aucun argument solide et en créant un précédent historique en matière de diplomatie française.

Cette lettre devait rester secrète, sauf qu'elle a été rendue publique. Le bras de fer entre deux groupes internationaux aurait dû seulement agiter les milieux d'affaires, pas mobiliser la diplomatie française. Les intérêts supérieurs de notre nation étaient-ils menacés ? Non, au contraire, même, puisqu'il s'agissait d'une nouvelle conquête française sur le marché américain. Qui, au sommet de l'État, vous a passé cette commande ? Nous apprenons aujourd'hui qu'un procès se tiendra le 5 janvier, et votre courrier est versé à la procédure. Les tensions commerciales et judiciaires entre la France et les États-Unis vont s'aggraver.

La protection d'intérêts privés et de liens privilégiés aurait-elle dépassé la défense de l'intérêt général ? Dans une démocratie, nous devons combattre toutes les tentations d'instrumentalisation de l'État. Il y va de la crédibilité du politique, de la crédibilité de la France et donc de notre souveraineté.

Monsieur le ministre, je vous pose la question clairement, parce qu'elle est grave : quels intérêts la France a-t-elle servis dans cette affaire  ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et quelques bancs du groupe UDI-I.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Vous avez brièvement rappelé la situation internationale et la complexité des relations commerciales avec les États-Unis. Vous le savez, les États-Unis, en représailles à la taxe française sur les services numériques, ont adopté en juillet 2020 des sanctions tarifaires contre les exportations françaises, singulièrement dans le secteur du luxe. Ces sanctions ont été suspendues jusqu'en janvier 2021.

Nous avons engagé avec l'Organisation mondiale du commerce des négociations pour éviter que ces menaces ne soient mises à exécution à cette date butoir, qui demeure néanmoins.

Dans ce cadre, quel est le rôle du ministre des affaires étrangères ? En matière de diplomatie économique, mon rôle revêt trois aspects : d'abord, faire part aux groupes français de vocation internationale de la politique commerciale transatlantique suivie par le Gouvernement ; ensuite, répondre à leurs interrogations politiques, quel que soit le pays – singulièrement sur les États-Unis ; enfin, indiquer, le cas échéant, l'avis du Gouvernement et son appréciation de nature politique sur la gestion des grandes échéances internationales à venir.

C'est la raison pour laquelle j'étais totalement dans mon rôle en répondant à une interrogation du groupe LVMH. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

Données clés

Auteur : M. Aurélien Pradié

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Commerce extérieur

Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères

Ministère répondant : Europe et affaires étrangères

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 23 septembre 2020

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