Question au Gouvernement n° 3340 :
Mineurs non accompagnés

15e Législature

Question de : M. Jean-Louis Thiériot
Seine-et-Marne (3e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 30 septembre 2020


MINEURS NON ACCOMPAGNÉS

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Thiériot.

M. Jean-Louis Thiériot. Il est arrivé du Pakistan de manière irrégulière, en se déclarant mineur. (Rumeurs sur quelques bancs du groupe LaREM.) Un juge a validé cette prétention. Le 25 septembre, c'est avec un hachoir qu'il a remercié le pays qui l'avait accueilli. En fait, il avait 25 ans. Ce périple criminel met en lumière les carences du traitement des mineurs non accompagnés, qui étaient plus de 40 000 à la fin de l'année 2018 selon l'Assemblée des départements de France – un chiffre multiplié par trois depuis 2016. (Mme Cendra Motin proteste.)

À leur majorité, ces mineurs obtiennent presque automatiquement un titre de séjour. Ce statut protecteur constitue un puissant appel d'air pour les trafiquants d'êtres humains. Il est aussi une incitation à la fraude. Dans le département de Seine-et-Marne, dont j'ai présidé le conseil départemental, le taux de fraude avoisine ainsi les 80 %. Quant à votre loi du 10 septembre 2018, dite loi asile et immigration, qui élargit le regroupement familial, c'est une folie ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.) Que comptez-vous faire, monsieur le ministre de l'intérieur, pour endiguer ce flux ?

Fidèle à sa tradition d'humanité, la France doit accueillir dignement les mineurs qui se trouvent sur son sol. Mais pour s'assurer qu'il s'agit bien de mineurs, il faut que le refus de se soumettre à un test d'âge osseux constitue une présomption de majorité. (Mêmes mouvements.) Pour décourager les réseaux de passeurs, il faut que l'attribution d'un titre de séjour à la majorité reste une exception, justifiée par le droit d'asile ou par un parcours exceptionnel d'assimilation. Seriez-vous prêt à agir en ce sens ?

Ne pas inciter de jeunes mineurs à quitter leur famille et leur pays, c'est l'humanisme français. Ne pas les laisser tomber entre les mains des réseaux mafieux, c'est l'humanisme français. L'heure est à l'action ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur. C'est parce que vous étiez président d'un conseil départemental et que vous êtes élu de longue date que vous connaissez la difficulté de cette question.

Mme Émilie Bonnivard. La difficulté s'est accrue !

M. Gérald Darmanin, ministre . Vous auriez pu la poser à un gouvernement précédent : il y aurait eu un débat, et M. Mariani aurait proposé de pratiquer des tests ADN pour lutter contre la fraude. Vous-mêmes n'avez d'ailleurs toujours pas réglé collectivement la question, tant elle est difficile, parce que l'accueil sur le sol national de personnes parfois persécutées dans leur pays, parfois isolées de leur famille, parfois fraudeuses – ces cas n'étant pas majoritaires…

M. Christian Jacob. La fraude a été multipliée par quarante !

M. Gérald Darmanin, ministre . Il me semblait que le sujet était grave et qu'il ne méritait pas de telles politicailleries. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe LR.)

Vous avez évoqué, monsieur Thiériot, le drame des mineurs isolés en France – d'abord de ceux qui relèvent du droit d'asile et méritent l'accueil de la République, mais aussi de ceux qui, au contraire, méritent d'être reconduits à la frontière, soit qu'ils ne soient pas mineurs, soit qu'ils doivent repartir dans leur pays. Permettez-moi de souligner que le parallèle que vous avez dressé, au cours votre démonstration, avec l'attentat ignoble du vendredi 25 septembre n'est pas tout à fait juste. Le préfet du Val-d'Oise et le département ont fait leur travail. Le test osseux a été certes refusé par le juge, mais c'est parce que ce test, vous le savez bien, n'est pas précis à 100 %. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

Il y a aujourd'hui un drame des mineurs isolés, notamment venant du Maroc, d'Algérie, mais aussi de Tchétchénie ou du Pakistan. Je me rendrai la semaine prochaine au Maghreb, à la demande du Premier ministre et du Président de la République, pour traiter des problèmes propres à ces pays, qui constituent l'essentiel des difficultés que nous connaissons.

M. Éric Ciotti. Ce n'est pas sérieux !

M. Gérald Darmanin, ministre . J'attends également les propositions de l'Assemblée nationale, tous groupes confondus, pour qu'au cours de l'examen des textes qui seront prochainement inscrits à l'ordre du jour, monsieur le garde des sceaux et moi-même puissions au moins mettre fin au débat concernant la présomption de majorité. Il est effectivement inacceptable que des majeurs fraudeurs prennent la place des vrais mineurs que nous devons protéger. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LR)

M. Fabien Di Filippo. Être avocat n'est pas simple…

Un député du groupe LR . Équilibriste !

Données clés

Auteur : M. Jean-Louis Thiériot

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Étrangers

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 septembre 2020

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