Budget de la justice
Question de :
Mme Michèle Crouzet
Yonne (3e circonscription) - Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés
Question posée en séance, et publiée le 7 octobre 2020
BUDGET DE LA JUSTICE
M. le président. La parole est à Mme Michèle Crouzet.
Mme Michèle Crouzet. Monsieur le ministre de la justice, je veux, en préambule, vous assurer de toute ma confiance…
M. David Habib. C'est bien la seule !
Mme Michèle Crouzet. …ainsi que de celle de bon nombre de mes collègues.
M. Charles de la Verpillière. On est soulagé !
M. Thibault Bazin. Il fallait le dire car on pouvait en douter…
M. Fabien Di Filippo. Dommage que vous n’ayez pas la confiance des Français !
Mme Michèle Crouzet. Toutefois, la confiance n'exclut pas le contrôle. Ces derniers temps, quelques magistrats vous prêtent des volontés sur la base de supputations ; il convient de rappeler ici que l'on ne juge pas sur des mesures hypothétiques, mais sur du concret.
Lors de vos différentes prises de parole, vous avez indiqué vouloir une justice de proximité et une réconciliation entre les Français et leur justice. Voilà une volonté que l'on ne peut qu'approuver et dont on ne peut que se réjouir. Aujourd'hui, malheureusement, force est de constater que la réalité est tout autre dans les territoires, en particulier dans les territoires ruraux.
J'en ai un exemple concret dans ma circonscription : en juin dernier, les auditeurs de justice ont dû choisir leur affectation pour une prise de fonction en septembre 2020. Oubli ou volonté, aucun poste de juge d'instruction n'a été ouvert pour le tribunal judiciaire de Sens ; seul un juge judiciaire y a été affecté.
M. Fabien Di Filippo. Quoi ? Le Gouvernement aurait menti ?
Mme Michèle Crouzet. Par conséquent, ladite juridiction n'a plus de magistrat instructeur et son président sera amené à confier par délégation la compétence de juge d'instruction au juge judiciaire.
Cette organisation ne renforce ni la justice de proximité, ni la justice de la confiance.
M. Patrick Hetzel. Très juste !
Mme Michèle Crouzet. Il sera en effet très compliqué pour ce magistrat d'instruire correctement les affaires compte tenu de ses autres prérogatives. Un magistrat instructeur entretient des liens étroits avec les enquêteurs ; ces liens risquent d'être distendus et de rendre ainsi la résolution des affaires plus complexe. Par ailleurs, point essentiel à mes yeux, la délégation dont bénéficiera le juge en question ne lui apportera pas les mêmes garanties que celle dont jouit un magistrat instructeur – je parle ici de l'inamovibilité.
Un tribunal sans cabinet d'instruction ne correspond pas aux ambitions affichées du Gouvernement.
M. Thibault Bazin. Parce qu'il n'y a plus de justice de proximité !
M. Patrick Hetzel. Il faudrait l'aider à régler ça…
Mme Michèle Crouzet. Monsieur le ministre, que pensez-vous faire concrètement et rapidement concernant la situation du tribunal de Sens ? Pouvez-vous vous engager devant la représentation nationale à ne pas vider les juridictions de proximité et à leur permettre de rester opérationnelles ?
M. Jean-Paul Dufrègne. Il serait temps de s'en apercevoir.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Fabien Di Filippo. Le fossoyeur des tribunaux !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Aimer la justice, c'est d'abord la défendre – pendant l'été meurtrier par exemple –, mais c'est aussi être intransigeant quand elle dysfonctionne et lui donner les moyens d'agir.
Je suis fier de vous indiquer que l'année prochaine, si vous le voulez bien, la justice sera dotée d'un budget historique en augmentation de 8 %.(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.) Merci, monsieur le Premier ministre, pour votre écoute attentive. (« Fayot ! » sur les bancs du groupe LR.) C'est la hausse la plus forte depuis un quart de siècle (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens) : 607 millions supplémentaires, qui seront répartis entre la protection judiciaire de la jeunesse, l'administration pénitentiaire et les juridictions.
M. Jean-Paul Lecoq. Le budget sera gelé en mars.
M. Fabien Di Filippo. Des actes ! Elles sont où, les 15 000 places de prison ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux . Cela correspond à 2 450 recrutements, dont 750 postes ouverts dès maintenant et 764 autres qui renforceront la justice dès le 1er janvier prochain pour aider les magistrats. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) Les services du ministère sont déjà au travail…
M. Fabien Di Filippo. Plus que le ministre, j’espère !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux . …pour permettre aux renforts obtenus d'être opérationnels dès cette date, et j'ai rencontré ce matin les procureurs généraux. Concrètement, cela signifie que chaque juridiction de chaque territoire recevra des moyens humains.
S'agissant de la juridiction qui vous occupe, trois personnels supplémentaires, un juriste assistant et deux renforts de greffe, viendront compléter le tribunal de Sens.
M. Thibault Bazin. Pas de juges ?
M. Fabien Di Filippo. Tu parles d'une question téléphonée !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux . C'est cela, aimer la justice de notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)
Auteur : Mme Michèle Crouzet
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 octobre 2020