Question au Gouvernement n° 3414 :
Assassinat de Samuel Paty

15e Législature

Question de : M. Patrick Mignola
Savoie (4e circonscription) - Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés

Question posée en séance, et publiée le 21 octobre 2020


ASSASSINAT DE SAMUEL PATY

M. le président. La parole est à M. Patrick Mignola.

M. Patrick Mignola. La République s'est forgée dans l'épreuve et, souvent, elle a dû recourir à la force pour se protéger. La force d'une école qui enseigne la liberté, la force d'une démocratie qui la conforte, celle d'un État qui la défend.

Nous sommes à nouveau confrontés à l'exigence de l'histoire. Si la République a résisté à la réaction, aux impérialismes, aux totalitarismes, l'ennemi qu'elle doit nommer et combattre aujourd'hui, c'est l'islamisme.

Monsieur le Premier ministre, pas un jour ne doit passer sans frapper nos ennemis et tous ceux qui les arment ; pas un jour sans entraver ceux qui dérivent vers la violence en dévoyant leur religion – ils font honte aux musulmans de France ; pas un jour sans expulser les étrangers radicalisés et les imams qui prêchent la supériorité de la foi sur la loi ; pas un jour sans débusquer les mosquées où on ne se retrouve plus pour prier, mais pour s'isoler et pour fomenter.

Nous serons à vos côtés pour interdire les associations qui veillent pour victimiser, qui victimisent pour défier, qui manipulent pour intimider, déchaîner les réseaux sociaux et inspirer des meurtriers ; pour sanctionner aussi ces réseaux qui colportent les haines, pourvu que ça rapporte du flux. Car ceux qui prêchent et qui livrent les armes sont aussi coupables que celui qui les utilise.

Notre combat passera aussi par le réveil républicain de tous ceux qui, de syndicats étudiants à la dérive à associations sous faux pavillon antiraciste, relativisent les principes dont ils usent pour abuser la République.

Plusieurs députés des groupes LaREM et LR . Très bien !

M. Patrick Mignola. Et nous l'emporterons si l'école est sanctuarisée, pour y enseigner inlassablement que des individus différents forment un peuple libre si la laïcité les unit. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, LaREM, Agir ens, LT, UDI-I, LR et SOC.)

Monsieur le Premier ministre, comment le Gouvernement va-t-il amplifier ses efforts pour abattre ces nouvelles formes prises par les ennemis de la République, pour que, lorsqu'un hussard tombe – que son nom résonne ici, Samuel Paty –, mille autres hussards se dressent ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, LaREM, LT, UDI-I, LR, GDR et SOC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Vendredi soir, dans la commune d'Éragny-sur-Oise, un professeur, Samuel Paty, a été sauvagement assassiné à quelques pas du collège de Conflans-Sainte-Honorine où il enseignait. Il a été martyrisé pour avoir fait son métier auprès de ses élèves, dans un cours d'éducation civique. Il voulait simplement éveiller leur conscience et les préparer à devenir des femmes et des hommes libres, des citoyennes et des citoyens éclairés.

Demain, en accord avec sa famille, un hommage national sera rendu à Samuel Paty par le Président de la République. Chacun de nous, d'un bout à l'autre de cet hémicycle et quel que soit le banc qu'il occupe, s'y associera et, avec nous, je le sais, la France tout entière.

Une fois encore, le terrorisme a frappé notre pays avec une sauvagerie inouïe. Oui, l'ennemi est là, clairement identifié, et je n'ai pas peur de le désigner pour ce qu'il est, car toute ambiguïté à son égard est déjà un début de renoncement. Cet ennemi, c'est l'islamisme radical.

Mme Émilie Bonnivard. Très bien !

M. Thibault Bazin. C'est bien de le nommer !

M. Jean Castex, Premier ministre . C'est une menace permanente qui peut venir de l'extérieur, mais qui peut aussi, je le dis sans détour, recruter ses tueurs parmi nos propres compatriotes.

L'islam radical s'est infiltré au cœur même de notre société de tolérance et de liberté. Il se cache, agit dans l'ombre et avec lâcheté. Mais il ne peut en aucun cas être confondu avec ces millions d'hommes et de femmes, français ou étrangers, qui vivent dans notre pays en respectant les valeurs et les lois de la République.

Cet intégrisme criminel est porté par des hommes qui, sous couvert de religion, détournent la liberté de culte. Il se cache derrière des associations qui manipulent les consciences. Il utilise des réseaux sociaux qui aveuglent et cloisonnent notre société pour mieux attiser la haine.

Face à un tel drame, notre responsabilité est de ne tomber ni dans la naïveté ni dans la facilité. La République n'a pas attendu ce drame atroce pour agir depuis les attentats de 2015, et particulièrement depuis 2017 puisque cette majorité a adopté, dès les premiers mois de cette législature, en octobre 2017, une loi sur la lutte contre le terrorisme.

Mme Frédérique Meunier. Insuffisante, vous le savez !

M. Jean Castex, Premier ministre . Cette loi a renforcé nos moyens juridiques pour mieux suivre les individus dangereux.

Mme Émilie Bonnivard. Ce n'est pas ce qu'on attend !

M. Jean Castex, Premier ministre . Près de 8 000 personnes font ainsi l'objet d'une surveillance permanente. Cette loi a aussi donné à nos services les moyens d'agir dont ils étaient dépourvus. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

En cinq ans, près de 2 000 postes ont été créés dans nos services de renseignement. À la seule direction générale de la sécurité intérieure – DGSI –, les 1 260 recrutements auront permis d'augmenter les effectifs de 45 %. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe LR. –« Chut ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

M. le président. S'il vous plaît, chers collègues !

M. Jean Castex, Premier ministre . S'il vous plaît, écoutez-moi. L'heure est grave, ayez un peu de respect. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, Agir ens, UDI-I et LT ainsi que sur quelques bancs du groupe FI.)

Je veux ici rendre hommage à l'action de ces services, car depuis mai 2017, trente-deux attentats – près d'un par mois – ont été déjoués, empêchés par l'intervention préventive de nos services de renseignement. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

M. Pierre Cordier. Alors, tout va bien !

M. Jean Castex, Premier ministre . Je veux aussi saluer l'efficacité, la diligence et le courage de nos forces de sécurité intérieure qui ont neutralisé immédiatement l'auteur de ce crime barbare, comme elles avaient, le 25 septembre dernier, arrêté au bout d'une heure, l'auteur présumé de l'agression sauvage devant l'ancien siège de Charlie Hebdo. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et Dem.)

Mme Frédérique Meunier. C'est à pleurer !

M. Thibault Bazin. Et la prévention ?

M. Jean Castex, Premier ministre . Face au drame de vendredi, notre responsabilité première est d'organiser la riposte et d'amplifier encore notre action. L'enquête judiciaire, conduite sous l'autorité du parquet national antiterroriste, a déjà permis l'interpellation de seize personnes susceptibles d'avoir été directement impliquées.

Tous ceux, qui ont soutenu publiquement ce crime, font l'objet de visites domiciliaires sous le contrôle du juge. Cela a commencé dès hier, et cela se poursuivra dans les heures et les jours qui viennent. La mosquée de Pantin, qui a véhiculé ces messages de soutien, fera l'objet, d'ici à la fin de la semaine, d'un arrêté de fermeture. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

Cet après-midi, le Président de la République, accompagné du ministre de l'intérieur, se rendra en Seine-Saint-Denis où quinze établissements – écoles, lieux de culte et salles de sport – ont été fermés à l'initiative de l'État depuis 2012. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

À cette riposte judiciaire immédiate, va aussitôt succéder une action administrative, de façon à prononcer la dissolution de toutes les associations dont la complicité avec l'islamisme radical peut être établie. (Mêmes mouvements.) De premières décisions seront prises en conseil des ministres dès la semaine prochaine.

Enfin, doit venir une réponse légale et politique qui s'inscrive dans la durée. Vous voyez, mesdames et messieurs les députés, combien était pertinente, l'annonce du Président de la République, le 2 octobre dernier aux Mureaux (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR) : la saisine du Parlement, dès la fin de cette année, d'un projet de loi destiné à renforcer notre arsenal juridique contre le séparatisme et sa forme la plus radicale et la plus manifeste, l'islamisme politique.

Ce texte comprendra des dispositions très concrètes sur le respect de la laïcité dans les services publics. Il s'attaquera aux nouvelles formes insidieuses que prend l'islamisme radical pour corrompre les esprits à travers des structures prétendument cultuelles, associatives ou éducatives. Il confortera l'école de la République actuellement visée au cœur, qui doit être défendue car, plus que tout autre service public, elle est l'incarnation des valeurs qui sont la cible du radicalisme. Défendre l'école, c'est défendre ses enseignants et leur enseignement, c'est aussi interdire les formes clandestines d'enseignement qui ne sont qu'un endoctrinement.

Enfin, nous ne pouvons plus nous résoudre à assister passivement au déchaînement de la haine sur les réseaux sociaux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Cette majorité en avait déjà la conviction quand elle a eu le courage, au travers de la proposition de loi de Mme Laetitia Avia, de mettre les plateformes devant leurs responsabilités de diffuseurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens. – Exclamations sur les bancs des groupes LR et FI.)

M. Thibault Bazin. Concrètement, vous faites quoi ?

M. Stéphane Peu. C'est ça, donnez les clés aux Américains !

M. Jean Castex, Premier ministre . La censure du Conseil constitutionnel doit nous amener à reprendre ce sujet sous une autre forme, qui devra créer un délit de mise en danger par la publication de données personnelles. En même temps, j'ai décidé d'affecter sans délai des renforts aux services chargés de surveiller l'islamisme radical sur les réseaux sociaux. C'est bien parce qu'il a été nommément désigné par les réseaux sociaux, que Samuel Paty a été assassiné.

Dans le cadre de la discussion de ce texte, le Gouvernement étudiera toutes les propositions, d'où qu'elles viennent dans cet hémicycle, dès lors qu'elles seront constitutionnelles, efficaces et applicables. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) C'est ensemble que nous devons répondre par l'action à une menace qui concerne tout le pays.

Pour ce faire, la République n'hésitera pas à user de la force et du droit pour se protéger, pour protéger tous ses concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Elle n'hésitera pas à poursuivre la bataille des esprits et des consciences contre tous ceux qui cherchent à combattre ses valeurs.

Ce faisant, la République ne se déjugera pas, elle ne se reniera pas. La République restera le grand projet collectif qui a construit la France depuis deux siècles. (Mmes et MM. les députés des groupes LaREM, Dem, Agir ens et UDI-I se lèvent et applaudissent.)

M. le président. Je vous en prie, chers collègues ! Ce jour n'est pas un jour tout à fait comme les autres. (Protestations sur les bancs du groupe LR.)

M. le président. Aujourd'hui, comme d'ailleurs en temps ordinaire, il serait bon de ne pas interrompre les orateurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

Données clés

Auteur : M. Patrick Mignola

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Terrorisme

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 octobre 2020

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