Assassinat de Samuel Paty
Question de :
Mme Jennifer De Temmerman
Nord (15e circonscription) - Libertés et Territoires
Question posée en séance, et publiée le 21 octobre 2020
ASSASSINAT DE SAMUEL PATY
M. le président. La parole est à Mme Jennifer De Temmerman.
Mme Jennifer De Temmerman. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, j'y associe l'ensemble des députés de mon groupe Libertés et territoires, qui rendent hommage à l'action et à la mémoire de Samuel Paty, cet enseignant tombé au front de l'obscurantisme et de l'intolérance parce qu'il contribuait à former des esprits libres et éclairés.
Comme mon collègue Olivier Falorni, j'ai été enseignante, en l'occurrence pendant douze ans en zone d'éducation prioritaire près de Valenciennes, douze années enrichissantes mais également éprouvantes, au point d'avoir abandonné le métier dont j'avais rêvé pour me protéger des incivilités, ces violences ordinaires, physiques ou verbales, qui rongeaient mes collègues depuis trop longtemps et qui ne sont l'apanage d'aucun groupe. Dans une ville où plus de 60 % de la population est d'origine étrangère, nous emmenions, ma collègue professeur d'histoire-géographie et moi, nos élèves visiter le même jour Notre-Dame de Paris et la Grande Mosquée de Paris, et personne n'y trouvait à redire… Est-ce que ce serait encore le cas aujourd'hui ?
Dans le drame qui s'est noué vendredi soir, certains des maux de notre école, ce miroir de notre société, sont à la fois amplifiés et résumés. Était-il alors vraiment imprévisible ? Il y a l'héroïsme d'un enseignant accomplissant sa mission, mais aussi la crainte de sa hiérarchie de le défendre, de peur en peur, d'échelon en échelon jusqu'au plus haut – peut-être un peu trop éloigné du terrain –, avec en plus la haine criminelle de certains parents et la barbarie d'une minorité de fanatiques en guerre contre notre modèle de société… longue déliquescence, jusqu'au pire.
Après les manifestations de dimanche, le recueillement, l'hommage national demain et la remise de la Légion d'honneur, une fois l'effroi passé et l'émotion dissipée, qu'est-ce qui va changer concrètement pour les enseignants ? Monsieur le ministre, acceptez-vous, par exemple, de revoir la logique des statistiques qui pousse les chefs d'établissement comme les DASEN – les directeurs académiques des services du ministère de l'éducation nationale – à cacher les incivilités et les violences pour se prévaloir d'une bonne gestion (Applaudissements sur les bancs du groupe LT et sur plusieurs bancs du groupe LR. – M. Stéphane Peu applaudit également),…
M. Olivier Falorni. Absolument !
Mme Jennifer De Temmerman. …à révéler et à instruire ces faits, à accompagner et à protéger ceux qui servent nos idéaux républicains ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LT et sur plusieurs bancs du groupe LR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Vous me permettrez, puisque c'est la première fois que je prends la parole dans l'hémicycle depuis ce drame, d'exprimer mes pensées pour Samuel Paty et pour sa famille aussi, je pense à son fils de 5 ans qui sera désormais pupille de la nation et à qui nous devrons penser non seulement aujourd'hui mais aussi pendant toute les décennies qui viennent. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Je suis d'accord avec ce qui inspire votre question, madame la députée. Le ministère de l'éducation nationale doit, en effet, être derrière chaque professeur, je l'ai dit depuis le premier jour où j'ai pris mes fonctions. Et nous avons bien sûr avancé sur le sujet. Vous me demandez si l'on doit arrêter la politique des statistiques, mais référez-vous à ce que j'ai dit et à ce que j'ai fait : c'est exactement ce que j'ai décidé dès le premier jour en indiquant à tous les chefs d'établissement de France qu'ils ne seraient plus évalués à partir des statistiques sur les violences mais aussi des statistiques sur les orientations. Le ministère a donc changé sur ces deux points, et il y a eu des résultats : les statistiques sur les orientations, par exemple, montrent plus de choix vers l'enseignement professionnel, tout simplement parce qu'il n'y a plus eu d'autocensure, de même que celles sur les violences montrent davantage de remontées du fait de la disparition de l'autocensure.
Maintenant regardons ce qui a été fait depuis : j'ai créé dès 2017 le conseil des sages de la laïcité à partir de rien,…
Mme Sylvie Tolmont. Vous oubliez tout ce qui avait été fait avant !
M. David Habib. Et la charte, elle n'existait pas ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre . …grâce auquel nous disposons désormais d'un système de normes de référence qu'appliquent des équipes de la laïcité dans chaque rectorat de France. Une de ces équipes est venue en soutien à M. Paty en lui assurant, je le redis ici, un soutien institutionnel complet. Bien entendu, nous ne pouvions prévoir un assassinat politique, mais il a été évidemment soutenu vis-à-vis de la diffamation dont il était victime. Aujourd'hui, nous voyons bien que les violences ont des causes multiples, et le ministère les traite à la base et, depuis trois ans, nous avons fait évoluer les problèmes dont vous faites état. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)
M. David Habib. Nous l'avions fait avant vous !
Auteur : Mme Jennifer De Temmerman
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Terrorisme
Ministère interrogé : Éducation nationale, jeunesse et sports
Ministère répondant : Éducation nationale, jeunesse et sports
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 octobre 2020