Conservation des données et lutte contre le terrorisme
Question de :
Mme Laure de La Raudière
Eure-et-Loir (3e circonscription) - Agir ensemble
Question posée en séance, et publiée le 21 octobre 2020
CONSERVATION DES DONNÉES ET LUTTE CONTRE LE TERRORISME
M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière.
Mme Laure de La Raudière. Vendredi dernier, un professeur d'histoire-géographie a été égorgé parce qu'il avait fait son travail, qui consistait à éveiller les consciences de nos enfants aux valeurs fondamentales de la République : la liberté d'expression, première de toutes les libertés, qui va de pair avec la laïcité, valeur constitutive de notre vivre ensemble, si honnie de tous les fondamentalistes.
Au nom du groupe Agir ensemble, permettez-moi de saluer la mémoire de Samuel Paty et son engagement au service de la République, et de dire notre profonde tristesse à sa famille, mais aussi à tous les enseignants dont le rôle est si essentiel pour que nos enfants deviennent des citoyens de la République française. Nous apportons aussi tout notre soutien à l'action du Gouvernement dans la lutte contre l'islamisme radical…
M. Michel Herbillon. Bravo…
Mme Laure de La Raudière. …et nous formulerons des propositions au cours des débats qui se tiendront sur cette question.
Mme Frédérique Meunier. Bien sûr !
Mme Laure de La Raudière. Les premiers éléments de l'enquête montrent une nouvelle fois le rôle joué par les réseaux sociaux dans la propagande de la haine et le manque de moyens des services de sécurité pour répondre aux signalements effectués à l'encontre du terroriste sur la plateforme Pharos.
Le cadre légal existant a permis aux enquêteurs d'avoir accès à toutes les données concernant les réseaux des personnes identifiées dans le champ de leurs investigations, qu'il s'agisse des numéros appelés, des adresses IP, des localisations, des dates et heures ou des sites consultés. Toutes ces données sont des mines d'informations absolument essentielles : sans elles, nos forces de sécurité seraient comme aveugles dans leurs enquêtes.
Or, le 6 octobre dernier, la Cour de justice de l'Union européenne – la CJUE –, saisie par le Conseil d'État, a jugé que notre loi devait être revue : notre champ de conservation des données serait trop large, seule une conservation ciblée pouvant être autorisée, et uniquement en matière de criminalité grave. La restriction du champ des données conservées serait pourtant catastrophique pour les services de police et de justice, mais aussi pour les services de renseignement, notamment dans l'exercice de leur mission de lutte contre le terrorisme.
Aussi souhaité-je savoir quelle action est actuellement entreprise par la France afin que nos policiers, nos services de renseignement et nos magistrats puissent continuer à enquêter en disposant des données de connexion des internautes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Vous avez raison : sans ces données, nous serions complètement impuissants. Je crois savoir que 60 % des affaires connaissent un épilogue judiciaire grâce à elles. Vous l'avez rappelé avec raison : dans l'affaire qui, malheureusement, nous bouleverse tous, les données et leur conservation ont joué un rôle essentiel.
La décision de la CJUE du 6 octobre dernier confirme sa jurisprudence dite Tele2 Sverige, par laquelle elle prohibe la conservation de données. Cependant, à y regarder de plus près, cette jurisprudence permet heureusement des exceptions, notamment en cas de menace grave contre la sécurité nationale. Ce champ peut naturellement être entendu comme incluant la lutte contre le terrorisme.
S'agissant de la délinquance de droit commun, je puis vous assurer de la totale détermination du Gouvernement à ne pas renoncer à l'utilisation de ces données, malgré la jurisprudence européenne.
M. Maxime Minot. Alors tout va bien !
M. Éric Dupond-Moretti. Le travail est en cours en la matière et je reviendrai évidemment sur ce sujet pour vous faire part des évolutions. Nous avons bien sûr pleinement conscience que, sans ces données, notre police et notre justice sont totalement démunies sur le terrain probatoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Auteur : Mme Laure de La Raudière
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Terrorisme
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 octobre 2020