Liberté d'enseigner
Question de :
M. Philippe Meyer
Bas-Rhin (6e circonscription) - Les Républicains
Question posée en séance, et publiée le 21 octobre 2020
LIBERTÉ D'ENSEIGNER
M. le président. La parole est à M. Philippe Meyer.
M. Philippe Meyer. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, la représentation nationale a été profondément choquée, comme tous les Français, par le meurtre atroce et sauvage de Samuel Paty. Nous l'avons largement exprimé cet après-midi.
Plusieurs députés siégeant sur différents bancs de cet hémicycle sont enseignants de profession ; quelques-uns sont professeurs d'histoire-géographie et d'enseignement moral et civique. Pour ma part, j'enseignais encore il y a quelques semaines.
Nous pouvons enseigner sans difficulté et sans susciter de réactions et de remous l'histoire des croisades, de la colonisation, de l'esclavage, ou de la guerre d'Algérie, qui sont pourtant des événements douloureux de notre histoire. Il en va tout autrement du récit des génocides juif et arménien, de l'islamisme radical et de la liberté d'expression, pilier de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Ces sujets figurent dans nos programmes, doivent éveiller la conscience citoyenne de nos élèves, leur faire comprendre la chance qui est la leur de vivre dans notre démocratie, qui porte des valeurs et respecte les croyances de chacun.
Les enseignants ne doivent pas se livrer à une forme d'autocensure sur ces faits historiques par peur de réactions hostiles d'élèves, de parents ou d'autorités religieuses locales.
M. Sylvain Maillard. C'est vrai !
M. Philippe Meyer. Les enseignements scientifiques doivent aborder la théorie de l'évolution. Et il n'est pas acceptable, monsieur le ministre, que certaines jeunes filles puissent être dispensées de cours de natation pour de prétendues allergies au chlore, afin de contourner la mixité.
L'école de la République ne doit pas reculer, et encore moins abdiquer. Les enseignants doivent être soutenus par toute leur hiérarchie, sachant que les difficultés liées à ces enseignements ne se limitent pas aux établissements situés dans les quartiers sensibles : la majorité des écoles sont concernées.
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour assurer nos enseignants du soutien réel et concret de la nation et de la liberté d'enseigner les programmes de la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Agnès Thill applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Vous avez raison, en aucun cas nous ne saurions reculer en ce qui concerne le contenu des programmes. Exigeants et riches, ils sont l'un des atouts de la France. Nous sommes d'ailleurs allés dans le sens de cette exigence et de cette richesse avec la réforme des programmes du lycée. Et, bien entendu, nous n'avons pas reculé d'un pouce sur l'ensemble des enjeux que venez de mentionner, notamment sur cette culture scientifique que nous devons absolument donner à tous nos élèves, en ce qu'elle concourt à l'élévation de leurs connaissances et de leur conscience.
Cela étant, il nous faut être attentifs à ce que les professeurs d'histoire-géographie ne se retrouvent pas dans une situation comme celle que vous avez décrite. À cet égard, je recevrai dans les prochains jours les représentants de l'association des professeurs d'histoire-géographie pour aborder l'ensemble des enjeux et identifier les soutiens supplémentaires que nous pourrons leur apporter dans le futur. L'une des pistes est d'ailleurs qu'ils ne soient plus les seuls à enseigner l'éducation morale et civique, mais que cette tâche incombe à l'ensemble du corps professoral, qu'il s'agisse de la dimension théorique ou pratique de cet enseignement. Le même raisonnement vaut pour les sciences : nous ne devons laisser aucune discipline seule vis-à-vis des différentes contestations qui peuvent exister. Il convient non seulement de rappeler, au quotidien, les principes de la laïcité, mais aussi de ne jamais reculer sur le contenu des programmes.
Les organisations syndicales m'ont demandé, pour le 2 novembre, un document clair, net, fort et précis sur l'encadrement des pratiques dont nous parlons : je le fournirai bien volontiers. C'est pourquoi j'ai demandé au Conseil des sages de la laïcité, en lien avec le Conseil supérieur des programmes, de siéger de façon permanente pendant cette période pour recevoir toutes les parties prenantes, et éventuellement les élus de la nation qui le désirent, afin d'étudier l'ensemble des mesures que nous devons prendre pour aller plus loin, de manière qu'il n'y ait aucune compromission en ce qui concerne l'enseignement et les pratiques laïques de notre école républicaine. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Agir ens.)
Auteur : M. Philippe Meyer
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Enseignement
Ministère interrogé : Éducation nationale, jeunesse et sports
Ministère répondant : Éducation nationale, jeunesse et sports
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 octobre 2020