Question au Gouvernement n° 3438 :
Haine sur les réseaux sociaux

15e Législature

Question de : Mme Laetitia Avia
Paris (8e circonscription) - La République en Marche

Question posée en séance, et publiée le 21 octobre 2020


HAINE SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX

M. le président. La parole est à Mme Laetitia Avia.

Mme Laetitia Avia. Ma question s'adresse à M. le ministre de la justice, garde des sceaux.

M. Christian Hutin. Ah !

Mme Laetitia Avia. Vendredi la barbarie nous a touchés en ce que nous avons de plus cher, notre liberté d'expression, d'éducation, de conscience.

Elle a ôté à un homme une vie qu'il a dédiée à la transmission de nos valeurs. Depuis cette tragédie, beaucoup ont pointé du doigt la responsabilité des réseaux sociaux. Ne nous trompons pas d'ennemi : le responsable de cet assassinat est le terrorisme islamiste, contre lequel nous luttons avec fermeté.

Cela ne doit cependant pas nous empêcher de nous interroger sur le rôle des réseaux sociaux. Des vidéos ont été publiées sur Facebook, faisant de Samuel Paty une cible, parce que c'est ainsi que fonctionnent les réseaux sociaux : pour nuire à quelqu'un, il suffit de les utiliser et d'y relayer des messages. Le crime a d'ailleurs été revendiqué sur Twitter, avec des images abominables, que l'on peut encore retrouver sur certains sites.

Surtout, nous savons que c'est à travers internet et les réseaux sociaux que croît le radicalisme.

Ces lieux qui étaient censés servir l'ouverture, la communication et le partage deviennent ainsi des vecteurs de diffusion pour l'obscurantisme et les actes terroristes, où la liberté d'expression est chaque jour mise à l'épreuve – chacun craignant, s'il l'exerce, d'en subir les conséquences.

Oui, il faut réguler les réseaux sociaux pour qu'ils soient à la hauteur de leur promesse initiale, pour que les hébergeurs déploient tous les moyens nécessaires à la lutte contre ces dérives et soient responsabilisés autour d'un socle commun de règles. Les pouvoirs publics doivent aussi être au rendez-vous pour lutter contre chacun de ceux qui déversent cette haine, pour les identifier, les poursuivre et les sanctionner.

Le parquet numérique, dont nous avons voté la création récemment, doit être mobilisé. Il y va de la protection de tous, de notre ordre républicain et de notre société.

La majorité est déterminée dans ce combat, et nous sommes prêts. Ma question, monsieur le ministre, est simple : serez-vous au rendez-vous ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Pierre Cordier. À mon avis, il va juste répondre « non ! » !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame Avia, je sais que vous avez beaucoup travaillé sur cette question. Vous avez raison, les réseaux sociaux ont beaucoup évolué depuis vingt ans. Tout à l'heure, j'ai entendu certains fixer à 2012 le début du terrorisme dans notre pays. Certains sont amnésiques : il est là depuis bien plus longtemps !

M. Patrick Hetzel. C'est scandaleux ! Ce n'est pas du tout ce qu'a dit notre collègue !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux . Les réseaux sociaux ont beaucoup changé. À l'évidence, ils sont à la fois le merveilleux instrument d'une démocratie participative et une poubelle à ciel ouvert. Nous devons donc intervenir, et le faire sérieusement.

Nous savons tous que, dans le drame qui nous bouleverse, ils ont été d'une très grande importance, avant ce crime absolument atroce mais aussi après, puisque certains s'y sont félicités qu'il ait été commis.

Madame la députée, le Gouvernement est bien sûr à vos côtés. Si des réponses judiciaires existent déjà, comme vous le savez, je voudrais que nous allions plus loin, en accélérant l'identification et le blocage des sites et des comptes haineux, en accentuant la réponse pénale et en la professionnalisant par un traitement centralisé. Oui, le parquet numérique spécialisé sera installé d'ici la fin de l'année.

Par ailleurs, comme l'a indiqué tout à l'heure M. le Premier ministre, nous étudions très sérieusement la création d'un délit de mise en danger de la vie d'autrui sur les réseaux sociaux.

Enfin, quelques ajustements doivent être apportés au niveau européen, relativement à plusieurs directives et notamment à celle qui, comme vous le savez, date de 2000. J'y travaille, et suis en contact permanent avec mes homologues européens afin d'accélérer des discussions qui se poursuivent depuis 2018.

J'ai entendu, à droite de l'hémicycle, certains de vos collègues pousser des « Oh ! » et des « Ah ! ». J'espère que la famille de Samuel Paty n'aura retenu de cet après-midi que notre minute de silence. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

Données clés

Auteur : Mme Laetitia Avia

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Internet

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 octobre 2020

partager