Question au Gouvernement n° 3492 :
Vote à distance

15e Législature

Question de : M. Jean-Noël Barrot
Yvelines (2e circonscription) - Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés

Question posée en séance, et publiée le 11 novembre 2020


VOTE À DISTANCE

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Barrot.

M. Jean-Noël Barrot. Monsieur le ministre de l'intérieur, les députés du groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés saluent l'élection de Joe Biden, quarante-sixième président des États-Unis d'Amérique, et de Kamala Harris, première femme à devenir vice-présidente de cette grande nation. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, SOC et Dem.) Nous saluons aussi la mobilisation historique des citoyens américains, qui, en pleine crise sanitaire, se sont plus massivement exprimés qu'ils ne l'avaient fait depuis 120 ans. Dans ce sursaut démocratique, le vote à distance aura joué un rôle clef : 65 millions de citoyens américains ont voté à distance, sans qu'aucun cas de fraude ne soit avéré à ce jour. (Exclamations sur les bancs du groupe LR et parmi plusieurs députés non inscrits.)

S'il y a une seule leçon à tirer de cette élection, c'est que la progression de l'abstention de scrutin en scrutin n'est pas une fatalité, que la France peut elle aussi traverser les crises sans avoir à mettre la démocratie à l'arrêt et que nos concitoyens ne doivent pas avoir à choisir entre l'expression de leurs droits civiques et leur santé.

La France a renoncé au vote par correspondance en 1975, en raison de risques de fraude. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

M. Raphaël Schellenberger. Et pour cause !

M. Jean-Noël Barrot. Cinquante ans plus tard, ne sommes-nous pas capables de les maîtriser ? Nos collègues représentant les Français de l'étranger dans cet hémicycle ont été élus par correspondance.

M. Pierre Cordier. Avec une très faible participation !

M. Jean-Noël Barrot. Sont-ils moins légitimes que les autres ? Nous ne le croyons pas. C'est la raison pour laquelle les députés du groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés ont déposé, dès le mois de juin, une proposition de loi pour inviter le Gouvernement à ouvrir le chantier du vote à distance.

Six mois plus tard, le virus est toujours là et il est toujours aussi urgent de mener cette réforme difficile et exigeante. Monsieur le ministre, vous qui avez réussi le tour de force de déployer, contre les vents contraires, le prélèvement à la source, pourrons-nous compter sur vous pour ouvrir sans délai le chantier du vote à distance ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et LaREM.)

M. Raphaël Schellenberger. Bourrage des urnes !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur. Merci d'avoir souligné que l'intégralité de la représentation nationale était désormais favorable à l'impôt à la source et se félicite, j'imagine, de son application dans chaque circonscription. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

M. Régis Juanico. Aucun rapport !

M. Gérald Darmanin, ministre . Vous avez salué l'élection du président Biden et de sa vice-présidente, élection sur laquelle le Président de la République s'est exprimé. Vous avez noté qu'en période de pandémie, les Américains ont pu voter et ont notamment utilisé le vote à distance pour le faire. Vous avez évoqué cet exemple dans le but de l'importer en France, si j'ose dire. Permettez-moi de penser – sans porter de jugement sur le scrutin américain, monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères –, que le système électoral français fonctionne bien et qu'il répond probablement à des critères qui ne permettent pas d'aller vers le vote à distance que vous appelez de vos vœux.

Tout d'abord, il y a la question de la lutte contre la fraude. Vous avez rappelé que le vote par correspondance avait été supprimé sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing pour des raisons de fraude et de difficultés d'exploitation postale. Ces motifs n'ont pas beaucoup changé depuis les années soixante-dix. Les services de La Poste contribuent évidemment à la vie électorale par l'intermédiaire du port des plis – professions de foi et bulletins de vote –, mais chacun a pu constater dans les élections où il s'est présenté qu'il y a parfois des retards, les plis arrivant parfois après le jour de l'élection.

Ensuite, des cas de fraude ayant été relevés, le ministère de l'intérieur n'est pas capable aujourd'hui de s'assurer que le vote à distance par voie postale, comme d'ailleurs par voie électronique, soit entièrement incontestable – mais la question peut en effet se poser.

Si nous faisons toujours le choix de l'isoloir – systématiquement dans les préaux d'école, selon la caricature – et de l'urne, c'est pour la bonne et simple raison qu'il y a une grande force dans ce mode de scrutin : un tiers ne peut pas peser sur le choix de l'électeur, que ce soit par le poids de la communauté ou par le poids de la famille – le mari envers sa femme ou inversement, un parent sur ses enfants, etc. –, chacun vote librement dans l'isoloir. Et je souhaite pour ma part qu'on puisse continuer à voter librement dans un isoloir. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ainsi que sur de nombreux bancs des groupes FI et GDR.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Noël Barrot

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Élections et référendums

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 novembre 2020

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