Question au Gouvernement n° 3518 :
Diffusion des forces de l'ordre

15e Législature

Question de : Mme George Pau-Langevin
Paris (15e circonscription) - Socialistes et apparentés

Question posée en séance, et publiée le 18 novembre 2020


DIFFUSION D'IMAGES DES FORCES DE L'ORDRE

M. le président. La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour sa dernière question au Gouvernement. Je lui adresse tous mes vœux de succès dans ses nouvelles fonctions auprès de la défenseure des droits. (Mesdames et messieurs les députés se lèvent, à l'exception des députés du groupe LR et de quelques députés du groupe LaREM, et applaudissent longuement.)

Mme George Pau-Langevin. Merci, chers collègues.

Monsieur le ministre de l'intérieur, le droit à la sécurité et à la tranquillité est fondamental pour nos concitoyens en cette période troublée, et il est important pour toute la société qu'il soit assuré par une force publique dotée d'une solide déontologie. Mais il importe aussi que soit respectée la liberté d'expression, pilier de notre système démocratique.

Ce texte, s'il comporte des avancées souhaitables comme la constitution d'une police municipale à Paris, inclut cependant des dispositions qui nous inquiètent. Ainsi l'article 24 permettra-t-il d'interdire la diffusion d'images de policiers en action, quand celle-ci peut porter atteinte à l'intégrité physique ou psychique de ces fonctionnaires.

Nous avons en cours, depuis plusieurs mois, une commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre, qui s'interroge sur la dégradation du lien de confiance entre nos forces de sécurité intérieure et une partie de la population. Nous avons procédé à diverses auditions, dont celle du défenseur des droits sortant, d'associations investies dans le respect des droits de la personne et de chercheurs. Or, alors que cette commission n'a pas terminé ses travaux, une proposition de loi de Jean-Michel Fauvergue…

M. Sylvain Maillard. Excellent député !

Mme George Pau-Langevin. …est soumise à notre examen, sans étude d'impact ni avis du Conseil d'État, sur un sujet essentiel.

Ce texte, s'il comporte des avancées souhaitables comme la constitution d'une police municipale à Paris, inclut cependant des dispositions qui nous inquiètent. Ainsi l'article 24 permettra-t-il d'interdire la diffusion d'images de policiers en action, quand celle-ci peut porter atteinte à l'intégrité physique ou psychique de ces fonctionnaires.

Comment ces atteintes seront-elles définies dans la loi ? La conséquence directe de cet article constitue une atteinte grave à la liberté d'informer et à la liberté de la presse. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC GDR et FI.) En effet, nombre d'affaires qui ont défrayé la chronique n'auraient pas pu être révélées, si cette loi avait été en vigueur.

Pourquoi ne pas attendre nos propositions avant d'entamer l'examen de ce texte ? Pourquoi ne pas d'ores et déjà retirer l'article 24, qui choque les juristes, les associations et certains organismes internationaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, GDR, FI et sur quelques bancs du groupe LaRem.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Pierre Cordier. Et bientôt à l'extérieur !

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur. Indépendamment du fait que ce n'est pas au ministre de l'intérieur de retirer des propositions de loi déposés par les parlementaires…

M. Ugo Bernalicis. Il vient de vous, assumez !

M. Gérald Darmanin, ministre. … permettez-moi d'abord de souligner le courage, la force et la détermination des policiers, des gendarmes et des policiers municipaux qui risquent chaque jour leur vie, dans des conditions extrêmement difficiles.

Ces fonctionnaires qui sont les premiers blessés quand ils interviennent pour garantir l'ordre public agissent dans le parfait respect des règles déontologiques imposées aux forces de l'ordre par le ministre de l'intérieur.

M. Ugo Bernalicis. Ah ! C'est donc sous votre responsabilité, c'est votre faute !

M. Gérald Darmanin, ministre. J'ajoute qu'ils sont également les fonctionnaires les plus contrôlés, les plus inspectés et, proportionnellement, les plus sanctionnés de toutes les administrations.

M. Olivier Faure. C'est normal, ils font usage de la force !

M. Gérald Darmanin, ministre. Je suis fier d'être leur ministre !

Quant à l'article 24, il n'est absolument pas ce que vous dites : Les journalistes pourront-ils continuer à filmer ? Oui. Pourront-ils continuer à diffuser ? Oui. (« Oui ! » sur les bancs du groupe LaREM. – « Non ! »sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR.) Un citoyen pourra-t-il filmer une intervention policière ? Oui. (« Oui ! » sur les bancs du groupe LaREM. – « Non ! »sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR.)

M. Ugo Bernalicis. Menteur ! Menteur !

M. Gérald Darmanin, ministre . Pourra-t-il dénoncer au procureur de la République des faits délictueux ? Oui. (« Oui ! » sur les bancs du groupe LaREM. – « Non ! »sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR.)

M. Ugo Bernalicis. Retrait ! Retrait !

M. Gérald Darmanin, ministre . Pourra-t-on en revanche appeler au viol de policières ? Pourra-t-on faire appeler aux meurtres de policiers ?

M. Pierre Cordier. Restez calme, Darmanin !

M. Gérald Darmanin, ministre. Pourra-t-on demander qu'on s'en prenne à leurs femmes, à leurs enfants ou à eux-mêmes lorsqu'ils sont au supermarché ou devant chez eux, comme ces policiers de Magnanville qui ont été égorgés ? Égorgés, madame la députée, devant leur enfant de six ans, parce qu'on les avait reconnus ! Non, et tant mieux si, pour cela, l'article 24 est adopté ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, AE et plusieurs bancs du groupe LR. – M. Alexis Corbière applaudit ironiquement.)

Données clés

Auteur : Mme George Pau-Langevin

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Police

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 novembre 2020

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