Question au Gouvernement n° 352 :
protection des lanceurs d'alerte

15e Législature

Question de : M. Michel Larive
Ariège (2e circonscription) - La France insoumise

Question posée en séance, et publiée le 30 novembre 2017


PROTECTION DES LANCEURS D'ALERTE

M. le président. La parole est à M. Michel Larive, pour le groupe La France insoumise.

M. Michel Larive. Monsieur le Premier ministre, Céline Boussié est une lanceuse d'alerte. En tant qu'aide médico-psychologique à l'institut médico-éducatif – IME – de Moussaron, dans le Gers, elle a dénoncé des mauvais traitements infligés à des enfants polyhandicapés au sein de cet établissement. Son employeur l'a attaquée en diffamation. Elle a été relaxée le 21 novembre dernier, après des années de lutte.

M. Fabien Di Filippo. Olivier Dussopt aussi se voulait un lanceur d'alerte !

M. Michel Larive. Naël, Naïma, Kamel, Franck et Eddy, cinq enfants de cet IME, ne le sauront jamais ; ils sont morts. Le tribunal de Toulouse indique dans ses attendus que « l'émergence des lanceurs d'alerte » appelle « un débat plus important, d'ordre public et national ».

Aujourd'hui, c'est Karim, intérimaire chez ArcelorMittal, qui subit les affres du désespoir. Hospitalisé pour un burn out, il sort demain. Il n'a plus de travail. Il est en fin de droits. Sa femme et ses enfants l'attendent dans un minuscule appartement. Dans la vallée, parce qu'il a dénoncé son employeur, il est devenu un paria.

Je pourrais vous parler de Cédric, d'Irène ou d'Antoine. Combien sont-ils ? Combien sont-elles, ces ultimes vigies citoyennes, ces femmes et ces hommes qui, par leur courage, rendent un immense service à la démocratie et à la liberté ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

Derrière chacun d'entre eux, il y a des personnes en grande souffrance pendant des années, juste parce qu'elles ont osé briser l'omerta. Le soupçon de délation, le procès en diffamation sont les seuls remèdes que leur délivre notre société. Nous devrions les honorer plutôt que de les criminaliser ! Monsieur le Premier ministre, à partir du moment où les lanceurs et les lanceuses d'alerte sont de bonne foi et vont dans le sens de l'intérêt général, quelles sont les mesures effectives que vous comptez prendre pour les protéger efficacement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, le dispositif des lanceurs d'alerte repose sur une exigence éthique fondée à la fois sur la responsabilité individuelle et le sens de l'intérêt général. Ces dispositions ont d'abord été conçues au niveau international dans le cadre de différentes conventions, notamment d'une convention de l'ONU, puis transposées dans notre droit interne par la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, et par la loi Sapin 2 du 9 décembre 2016.

Cette dernière loi met en place un régime du lanceur d'alerte, qui assure une protection des personnes physiques, quels que soient leur secteur d'activité et leur statut juridique et professionnel. Elle donne une définition du lanceur d'alerte et détermine la procédure d'alerte, découpée en trois temps. Enfin, elle assure la protection des lanceurs d'alerte contre toute discrimination, sanction ou licenciement en raison du signalement.

Aux termes de ces lois, le lanceur d'alerte peut également bénéficier d'une immunité pénale et même d'une inversion de la charge de la preuve en cas de litige. Toute personne qui vient faire obstacle à la transmission d'un signalement peut être sanctionnée pénalement jusqu'à 15 000 euros d'amende et un an de prison.

Ce dispositif est utile, mais récent, puisqu'il date de la loi Sapin 2, et il serait sage d'attendre encore quelque temps pour en dresser le bilan. C'est d'ailleurs ce à quoi deux députés – MM. Fabien Matras et Olivier Marleix – se livrent dans le cadre de la récente mission d'information de la commission des lois sur la déontologie des fonctionnaires et l'encadrement des conflits d'intérêts. Le résultat de cette mission sera très intéressant de ce point de vue. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.)

Données clés

Auteur : M. Michel Larive

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Droits fondamentaux

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 novembre 2017

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