Question au Gouvernement n° 3587 :
Sécurité globale : utilisation des drones

15e Législature

Question de : M. Jean-Christophe Lagarde
Seine-Saint-Denis (5e circonscription) - UDI et Indépendants

Question posée en séance, et publiée le 2 décembre 2020


SÉCURITÉ GLOBALE : UTILISATION DES DRONES

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le Premier ministre, au terme d'une semaine ubuesque, vous avez décidé de réécrire l'article 24 du texte relatif à la sécurité globale. C'est heureux, car si, contrairement à ce qu'on entend dans tous les médias, il n'interdisait rien, il ne protégeait en rien non plus la vie privée de nos policiers et gendarmes.

Les députés du groupe UDI et indépendants n'ont pas cessé de le dire, car pour nous, le bon équilibre consiste à consacrer dans la loi le droit de filmer et de diffuser les interventions des forces de l'ordre afin que les citoyens puissent savoir ce qui s'est passé et, en même temps, à interdire que l'on puisse connaître l'identité des agents, qui ne regarde que les magistrats, afin de protéger policiers et gendarmes dans leur vie privée. L'article 24 tel qu'il a été adopté n'était donc pas liberticide ; il était inutile.

En revanche, ce texte comporte un article clairement et gravement attentatoire aux libertés individuelles. L'article 22 crée un droit de perquisition visuel permanent à l'aide de drones, sans aucun contrôle du juge. Les forces de l'ordre pourraient surveiller en tout temps et en tout lieu, tout citoyen qu'elles suspecteraient d'être coupable d'un délit pénal. Seuls nos domiciles échapperaient à cette possibilité, mais monsieur le Premier ministre, ce que vous dites, ce que vous écrivez, ce que vous lisez, ceux que vous rencontrez, tout cela pourrait être espionné à tout moment par les services de l'État, que ce soit dans votre bureau, dans votre voiture, dans un restaurant, dans une salle de sport, sans que jamais un magistrat n'exerce le moindre contrôle sur cette surveillance.

Les députés du groupe UDI et indépendants trouvent cela hallucinant. Il n'y a qu'en Chine que cela n'émouvrait personne.

M. Jean Castex, Premier ministre. Houlà !

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous l'avons dénoncé au cours du débat parlementaire, mais ni le Gouvernement ni la majorité ne voulaient l'entendre. Nous saisissons donc cette tribune, et l'occasion de ce moment où vous réalisez que vous écrivez parfois des lois mal pensées et mal rédigées, pour poser une question simple : sans qu'il soit besoin d'une commission, acceptez-vous de travailler avec le Sénat et l'Assemblée nationale pour réécrire un article 22 qui respectera nos libertés fondamentales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président Lagarde, vous avez commencé par évoquer à nouveau l'article 24 au sujet duquel j'ai déjà répondu à votre collègue Olivier Falorni. Il n'y a rien d'ubuesque, bien au contraire, à remettre sur le métier – c'est le rôle du législateur – un texte qui n'a pas encore atteint son point d'équilibre.

M. Pascal Brindeau. Il y avait bien un problème !

M. Jean Castex, Premier ministre . L'article 22 de la proposition de loi relative à la sécurité globale, sur lequel vous m'interrogez, concerne la captation d'images par caméras aéroportées, autrement dit le recours aux drones. Je veux d'abord indiquer – mais vous le savez parfaitement, monsieur le président Lagarde – que ce texte vise à réglementer une pratique qui existe déjà.

M. Jean-Luc Mélenchon. Et que vous n'avez pas révoquée !

M. Jean Castex, Premier ministre . Il fait donc œuvre utile à la fois en faveur de la protection de nos concitoyens et pour améliorer l'efficacité du recours à cette technique. Les dispositions en question trouvent d'ailleurs leur origine dans des avis émis par le Conseil d'État et par la CNIL, la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

Les services de l'État ne pourront recourir à cette technique que pour des finalités limitativement énumérées et prévues par la loi, finalités qui sont en rapport avec leurs missions comme la prévention d'actes de terrorisme, la sécurité des rassemblements de personnes lorsque les circonstances font craindre des troubles graves, ou encore le constat d'infractions et la poursuite de leurs auteurs. Dans ce cadre, ces images constitueront des éléments de preuve dans les procédures. Je rappelle que cette technique ne concerne pas les seuls services de police et de gendarmerie, mais également ceux d'incendie et de secours, qui y voient un recours très précieux.

L'encadrement du recours aux drones est un sujet de préoccupation parfaitement légitime – c'était votre question. L'article 22 me semble prévoir un nombre très important de garanties, dont certaines, de nature à répondre à vos inquiétudes, ont été introduites en commission à la demande de la CNIL : interdiction de la captation d'images à l'intérieur des domiciles ou de leurs entrées,…

Mme Marie-George Buffet. Quand même !

M. Jean Castex, Premier ministre . …principe d'information obligatoire du public, interdiction de capter de manière permanente, durée de conservation des images limitée à trente jours, tenue d'un registre des traitements mis en œuvre précisant la finalité poursuivie. Je suis de plus en mesure de vous indiquer qu'une fois la loi définitivement adoptée, des garanties supplémentaires seront apportées par un décret en Conseil d'État, mentionné à l'article 22, pris après avis de la CNIL. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous ne sommes pas opposés aux drones ; nous voulons que leur usage soit encadré, ce qui ne doit pas se faire par un décret en Conseil d'État, mais dans la loi. Je vous invite à relire l'article 22 : vous constaterez qu'il n'est prévu aucune limite à la capacité de filmer dans un bureau pour savoir ce que vous lisez, ce que vous dites, qui vous rencontrez – et aucun magistrat n'en sera jamais informé.

M. Paul Molac. Tout à fait !

M. Jean-Christophe Lagarde. La garantie des libertés publiques nécessite l'intervention d'un magistrat dans le cadre d'une enquête. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I et sur quelques bancs des groupes SOC, LT et FI.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Christophe Lagarde

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Sécurité des biens et des personnes

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 2 décembre 2020

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