Question au Gouvernement n° 3600 :
Disparition de Valéry Giscard d'Estaing

15e Législature

Question de : M. Jean-Louis Bourlanges
Hauts-de-Seine (12e circonscription) - Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés

Question posée en séance, et publiée le 9 décembre 2020


DISPARITION DE VALÉRY GISCARD D'ESTAING

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bourlanges.

M. Jean-Louis Bourlanges. Monsieur le Premier ministre, la disparition de Valéry Giscard d'Estaing nous fait vivre un singulier paradoxe. L'ancien président de la République était un homme de 94 ans, qui avait quitté le pouvoir voici près de quarante ans et à qui la faveur du peuple n'avait accordé qu'un mandat de sept ans. Eh bien, cet homme-là, tout le montre, dans les commentaires, les images et les éloges qui entourent son départ, est resté notre contemporain capital. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et LaREM.)

Que nous dit donc aujourd'hui Valéry Giscard d'Estaing qui nous importe au premier chef et qui doit, monsieur le Premier ministre, vous importer comme à nous ?

Nous mesurons d'abord que son œuvre, une œuvre dont tant de nos concitoyens avaient tendance à oublier qu'il en était l'auteur, pétrit toute notre vie quotidienne. Au lendemain de mai 1968, il n'a pas inventé la modernité, mais il l'a inscrite décisivement dans nos lois et dans nos usages. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

Ses combats, l'égalité des femmes et des hommes, l'émancipation de la société civile, la reconnaissance des droits et du rôle de la jeunesse et la construction d'une Union européenne ambitieuse et politique, sont aujourd'hui nos combats de tous les jours. (Même mouvements.)

À l'affrontement des Gorgones et des Méduses, il a passionnément voulu substituer le règne de ce qui nous manque le plus cruellement aujourd'hui : une démocratie paisible et réfléchie construite autour d'une idée partagée du bien commun.

Monsieur le Premier ministre, vous êtes confronté à une France plurielle, fragmentée, divisée et qui semble en permanence être au bord de la crise de nerfs. Nous vous demandons d'aller plus loin dans la fidélité au message du président Giscard d'Estaing. Nous vous demandons de prendre les initiatives qui s'imposent pour que notre pacte républicain, aujourd'hui si mal en point, soit refondé et que la démocratie représentative, dont nous sommes dans cette chambre les dépositaires, soit pleinement réhabilitée. Êtes-vous prêt, monsieur le Premier ministre, à écrire avec nous un nouveau chapitre de la démocratie française ? (Mmes et MM. les députés du groupe Dem se lèvent et applaudissent – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

Un député du groupe Dem . Excellent !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Je choisis de répondre à votre question, monsieur Bourlanges, non seulement pour m'associer une nouvelle fois à l'hommage que l'ensemble de la nation rend à l'œuvre et à la personne du président Valéry Giscard d'Estaing, récemment disparu, mais aussi parce que je sais combien son héritage est fièrement revendiqué par la formation politique à laquelle vous appartenez, vos collègues députés et vous-même, et combien il a inspiré votre implication au Parlement européen et ici même.

En vous voyant, je pense d'abord à l'engagement européen du président Valéry Giscard d'Estaing. Je tiens à rappeler à cet égard qu'il ne fut pas toujours compris,…

M. Guillaume Larrivé. Ah non !

M. Jean Castex, Premier ministre . …qu'il fut même combattu. Pourtant, il a ouvert de nombreuses voies, et le couple qu'il formait – selon la formule consacrée – avec le chancelier Schmidt demeure d'une étonnante modernité.

Je n'oublie pas que le président Giscard d'Estaing fut élu en 1974, année où la France, l'Europe et le monde entrèrent dans une crise grave, suscitée par le premier choc pétrolier et mettant un point final aux Trente Glorieuses, qui nous paraissent désormais si lointaines. Nous ne sommes d'ailleurs pas encore tout à fait sortis de cette crise.

M. Pierre Cordier. Raison de plus pour ne pas fermer les centrales nucléaires !

M. Jean Castex, Premier ministre . Le président Giscard d'Estaing lutta contre elle avec énergie. Là encore, vous le savez, cela n'alla pas sans controverses, sans divisions, sans problèmes. Pourtant, il fit face sans démagogie, prenant des mesures parfois incomprises, mais toujours nécessaires.

Enfin, le président Giscard d'Estaing fit, comme on le dit aujourd'hui, bouger les lignes de notre société. Je ne vous ferai pas l'injure de rappeler toutes les réformes essentielles que vous avez vous-même évoquées et qui marquent encore profondément notre vie collective. Pourtant, vous le savez, cela n'alla pas de soi, les contestations furent vives et l'apaisement fut long.

Lorsque l'on évoque la mémoire du président Giscard d'Estaing, on se dit qu'il faut oser et qu'il est parfois difficile d'avoir raison trop tôt. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Louis Bourlanges

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : État

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 décembre 2020

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