Tension en Nouvelle-Calédonie
Question de :
M. Jean-Christophe Lagarde
Seine-Saint-Denis (5e circonscription) - UDI et Indépendants
Question posée en séance, et publiée le 9 décembre 2020
TENSIONS EN NOUVELLE-CALÉDONIE
M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
M. Jean-Christophe Lagarde. En préambule, monsieur le président, veuillez permettre aux députés du groupe UDI et indépendants de s'associer à vos hommages au président Valéry Giscard d'Estaing, qui contribuent à rendre justice à un homme trop longtemps incompris, et de vous remercier des initiatives que vous prenez pour saluer sa mémoire.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, au nom de nos collègues Philippe Dunoyer et Philippe Gomès, députés de Nouvelle-Calédonie.
La Nouvelle-Calédonie se trouve au bord d'un chaos politique, économique et social. Le projet de reprise de l'usine du Sud suscite chaque jour davantage de tensions. Des milliers de Néo-Calédoniens ne peuvent plus circuler librement. Le conflit s'est étendu à de nombreux sites miniers et Nouméa a été ces derniers jours le théâtre de véritables scènes de guérilla urbaine, avec de nombreux blessés du côté des forces de l'ordre, auxquelles nous souhaitons rendre hommage pour leur dévouement exemplaire.
Des indépendantistes ont décidé de boycotter le groupe de dialogue créé par le ministre des outre-mer dans la perspective du troisième référendum. Ces événements nous ramènent aux heures les plus sombres de l'histoire néo-calédonienne, que nous avons connues il y a trente ans.
L'État doit désormais piloter au plus haut niveau ce dossier, à l'instar de Michel Rocard lors des accords de Matignon de 1988 ou de Lionel Jospin lors de l'accord de Nouméa de 1998. Dans ce territoire, l'État est un partenaire incontournable, non seulement en tant que signataire des accords, mais également en tant qu'acteur du processus de vente de l'usine. En effet, les financements qu'il apporte représentent 50 % de l'enveloppe globale permettant son rachat, soit 500 millions d'euros. Rien ne peut se faire sans lui !
Le 4 octobre, au soir du deuxième référendum, le Président de la République avait appelé les Néo-Calédoniens à dialoguer et à imaginer l'avenir. Pour donner corps à cette perspective, l'État ne peut se contenter de prendre acte de la situation, comme un simple greffier des accords politiques qui lient indépendantistes et anti-indépendantistes. Il est un acteur majeur du processus engagé depuis trente ans et doit le rester.
Votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, doit donc prendre la main et obliger Vale à repousser l'échéance fixée unilatéralement au 31 décembre. À défaut, il est à craindre que l'usine ferme, mettant 3 000 emplois au tapis, et que la Nouvelle-Calédonie continue de s'enfoncer dans les troubles à l'ordre public, constitutifs d'une véritable ornière économique et politique.
La question des deux députés calédoniens est donc la suivante : quelles initiatives l'État entend-il prendre pour mettre un terme à la spirale mortifère dans laquelle s'enfonce la Nouvelle-Calédonie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I. – M. Marc Le Fur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Je veux d'emblée vous dire que je suis personnellement la situation en Nouvelle-Calédonie, aux côtés de Sébastien Lecornu, non seulement parce que les événements récents sont préoccupants, comme vous l'avez dit, mais parce que je sais quelle responsabilité incombe historiquement au Premier ministre dans le suivi et la gestion de ce dossier. Je rappelle à la représentation nationale que les troubles récents qui ont éclaté, qui ont conduit à la blessure de plusieurs gendarmes et que je tiens à condamner fermement, comme vous l'avez fait, sont liés au transfert de l'usine du Sud, l'usine Vale, située dans le village de Prony.
Puisqu'il est question du rôle de l'État, je rappelle que, depuis des années, pour sauver cette usine qui n'en est pas à son premier soubresaut, l'État s'est massivement engagé en mettant sur la table plus de 500 millions d'euros. C'est de l'argent voté par la représentation nationale. Au total, sur l'ensemble de la filière nickel, filière stratégique pour la Nouvelle-Calédonie, la Cour des comptes a indiqué, dans un rapport remis au début de cette année, que le coût fiscal était de 730 000 euros par emploi en Nouvelle-Calédonie. Si cela ne s'appelle pas de la solidarité nationale, je ne sais pas ce que c'est ! Nous devons en être fiers.
En effet, que cherche l'État dans cette affaire ? D'abord, à sauver les 3 000 emplois directs et indirects ; c'est notre priorité absolue car l'usine est à vendre et trouve difficilement des repreneurs. L'État est intervenu dès le mois de septembre dernier pour retarder la fermeture annoncée de l'usine, et nous avons négocié avec le groupe brésilien Vale pour qu'il parte en laissant 500 millions d'euros dans les caisses. Mais, dans cette affaire, l'État n'est ni le vendeur, ni l'acheteur ; il n'est pas le propriétaire et apporte uniquement des garanties financières, sur le terrain social et environnemental. Il n'y a actuellement qu'une seule offre viable de reprise de l'usine. Je vous assure que cette offre que nous soutenons est assortie de conditions strictes, notamment sur le montage financier et environnemental, lesquelles pourront être discutées jusqu'à la signature définitive prévue en janvier prochain.
C'est à l'occasion de ce processus que les troubles que vous avez cités ont éclaté. Au lendemain du référendum, j'ai envoyé sur place, dans les conditions sanitaires que chacun connaît, le ministre des outre-mer qui a rouvert le dialogue avec les parties prenantes. Nous poursuivrons inlassablement le dialogue, car tel est le premier rôle de l'État : encourager le dialogue, toujours le dialogue, jusqu'à parvenir, avec l'ensemble des acteurs, à une solution négociée.
M. Pierre Cordier. Zéro applaudissement…
Auteur : M. Jean-Christophe Lagarde
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 décembre 2020