Aide personnalisée au logement
Question de :
Mme Claudia Rouaux
Ille-et-Vilaine (3e circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 17 février 2021
AIDE PERSONNALISÉE AU LOGEMENT
M. le président. La parole est à Mme Claudia Rouaux.
Mme Claudia Rouaux. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée chargée du logement. Près de deux bénéficiaires d'une aide personnalisée au logement – APL – sur cinq vivent aujourd'hui sous le seuil de pauvreté. Sans remettre en cause la réforme du calcul en temps réel de l'APL entrée en vigueur le 1er janvier dernier, force est de constater qu'elle a une conséquence immédiate. Selon les premières analyses nationales réalisées par la Mutualité sociale agricole, le montant des APL de 45 % des allocataires va diminuer. Sur l'ensemble des dossiers révisés, le montant global est en baisse de 10,3 %. Cela suscite colère et incompréhension pour les bénéficiaires concernés.
Pourquoi cette colère ? La raison est simple : les loyers sont chers et les salaires sont bas. Dans une région comme la Bretagne où de nombreux emplois relèvent du secteur agroalimentaire, il n'est pas rare que le reste à vivre pour des familles d'ouvriers soit inférieur à 50 euros par semaine, quand toutes les dépenses incompressibles sont payées. La question du pouvoir d'achat était d'ailleurs l'une des premières revendications du mouvement des gilets jaunes. Or le seuil de revenu permettant de bénéficier de l'APL est trop élevé. À titre d'exemple, une retraitée percevant une pension de 950 euros par mois et devant acquitter un loyer de 550 euros bénéficiera de 92 euros d'APL. Un jeune actif touchant un salaire de 1 100 euros et payant un loyer de 450 euros aura 73 euros. Pourtant, selon des estimations, cette réforme devrait permettre à l'État de réaliser 700 millions d'euros d'économies en 2021.
Alors que la crise économique fait basculer des milliers de personnes dans la précarité, est-il concevable que l'État fasse des économies budgétaires sur les aides sociales ? Pour lutter contre les inégalités, le Gouvernement compte-t-il accroître le montant des aides et les redistribuer aux ménages les plus modestes en assouplissant les critères d'éligibilité et les barèmes ? Au-delà de l'urgence, entend-il renforcer les moyens affectés au logement social, qui est essentiel pour amortir le choc de la crise ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Christian Hutin. Un ancien socialiste !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics. Madame la députée Rouaux, vous avez interrogé le Gouvernement sur la contemporanéisation des APL en prenant soin de préciser – ce dont je vous remercie – que vous ne remettez pas en cause les modes de calcul contemporains. Vous avez raison. D'abord, parce qu'avec la contemporanéisation – pardon pour le barbarisme–, nous n'avons modifié aucun droit : nous n'avons modifié ni les règles d'accès aux droits, ni les barèmes, ni les critères de calcul. Deuxièmement, avec le calcul contemporain du droit à l'APL, au cours du mois de janvier et à l'occasion du premier versement des 5 et 6 février, 200 000 ménages français qui ne percevaient pas l'APL en sont devenus bénéficiaires…
M. Jean-Louis Bricout. Il faut redistribuer les 700 millions d'économies !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué . …parce que nous avons pris en compte les revenus des trois derniers mois plutôt que les revenus d'il y a deux ans, ce qui était le cas auparavant.
M. Stéphane Peu. Et combien ont perdu ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué . Cette réforme est juste car elle permet de calculer les droits à l'APL en fonction des revenus les plus actuels et non avec deux ans de retard. Vous savez comme moi que ce calcul conduisait souvent des familles dans la précarité à percevoir des versements indus ou des sommes trop percées – trop versées, pardon –…
M. Fabien Di Filippo. C'est votre budget qui est percé !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué . …, qu'il fallait rembourser, quelques mois après, alors que leur situation n'était pas forcément bonne.
S'agissant des étudiants, nous avons porté la plus grande attention à leur situation. Je répète qu'aucune modification de critère n'est intervenue. Certains ont pu voir évoluer leurs APL, notamment s'ils ont atteint l'âge de 28 ans entre le dernier et le nouveau calcul, ou s'ils ont eu accès à des revenus, par exemple d'activité professionnelle.
J'apporterai encore deux éléments de réponse à votre inquiétude. Premièrement, nous sommes en train de régler et de sécuriser la situation des étudiants titulaires d'un contrat de professionnalisation, afin qu'ils bénéficient du même traitement que les apprentis et les stagiaires, avec une franchise au niveau du SMIC visant à neutraliser tout effet de réforme. Deuxièmement, pour les étudiants devenus de jeunes actifs qui ne sont plus éligibles à l'APL parce qu'ils perçoivent désormais un salaire, nous avons procédé avec Emmanuelle Wargon à des redéploiements de crédits d'Action Logement afin de pouvoir proposer l'aide à l'installation pour les jeunes actifs qui a été présentée hier.
Si M. le président me le permet, je voudrais ajouter un dernier point concernant les logements sociaux : le Premier ministre a annoncé il y a un peu de plus de quinze jours l'octroi de 3,3 milliards d'euros en faveur des quartiers prioritaires de la politique de la ville et de la politique du logement social, comprenant notamment 2 milliards dédiés à l'ANRU – Agence nationale pour la rénovation urbaine. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Mme Maud Petit applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Claudia Rouaux.
Mme Claudia Rouaux. Je vous remercie, monsieur le ministre délégué, mais vous n'avez pas répondu à ma question…
Un député du groupe LR . Une fois de plus !
Mme Claudia Rouaux. Qu'allez-vous faire des 700 millions d'euros ? N'oubliez pas que, même en travaillant, certaines personnes n'ont même pas 50 euros par semaine pour vivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Auteur : Mme Claudia Rouaux
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Logement : aides et prêts
Ministère interrogé : Comptes publics
Ministère répondant : Comptes publics
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 février 2021