Politique étrangère de la France en Afrique
Question de :
M. Sébastien Nadot
Haute-Garonne (10e circonscription) - Non inscrit
Question posée en séance, et publiée le 3 mars 2021
POLITIQUE ÉTRANGÈRE DE LA FRANCE EN AFRIQUE
M. le président. La parole est à M. Sébastien Nadot.
M. Sébastien Nadot. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.
Rwanda, Éthiopie, Cameroun : trois pays qui riment avec génocide, crimes de guerre et Françafrique. Notre passé au Rwanda est accablant. Nous avons échoué à prédire le génocide, à l'empêcher et à en protéger les victimes ; nous n'avons même pas poursuivi ses auteurs. Malheureusement, nous mesurons, avec le récent assassinat de l'ambassadeur d'Italie en République démocratique du Congo, à quel point nous avons laissé cette région de l'Afrique dans le chaos.
Aujourd'hui, en Éthiopie, les crimes de guerre contre des populations civiles de la région du Tigré font rage. En contradiction totale avec le droit international, nous continuons de livrer du matériel de guerre et de surveillance, ce qui tend désormais à faire de nous les complices des prochains massacres. Vous avez dénoncé un système de répression institutionnalisé de la Chine sur les Ouïghours. Bravo ! Mais vos silences sur les Palestiniens, sur les Tamouls, ou sur les crimes de guerre commis par l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis au Yémen sont très gênants. Tout se passe comme si les droits de l'homme étaient corrélés aux intérêts économiques supérieurs de quelques grands groupes français. Ce n'est pas ce qui est inscrit dans le préambule de la Constitution française.
Demain, que fera la diplomatie française face au drame du Cameroun anglophone ? Dans la résolution bipartisane 684 votée au début de l'année 2021, le Sénat américain dénonce clairement le cynisme de votre diplomatie. Je cite un extrait : « La France maintient des intérêts considérables au Cameroun mais n'a pas suffisamment utilisé son influence pour endiguer les atrocités commises dans les régions anglophones ». Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, contre les enseignements de l'histoire, contre nos valeurs, contre nos partenaires et surtout contre les Camerounais, allez-vous continuer à soutenir le régime dictatorial en place au Cameroun et les massacres de plus en plus réguliers qui s'y déroulent ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie. Pensez-vous vraiment qu'il faille dresser votre réquisitoire contre la France ? La France, c'est ce pays qui finance de nombreux programmes d'appui aux défenseurs des droits humains, avec la FIDH – Fédération internationale pour les droits humains – et RSF – Reporters sans frontières ; la France, c'est ce Gouvernement qui, cette année, a créé un fonds dédié à la protection des défenseurs de la démocratie en danger.
M. Rémy Rebeyrotte. Eh oui !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État . Vous le voyez, ce n'est pas contre la France qu'il faut dresser votre réquisitoire ! Car la France est aussi ce pays dont les ambassades consacrent un tiers de leurs programmes locaux à venir en appui aux ONG locales et aux défenseurs des droits, et nous n'avons pas à rougir de cela. (Un député du groupe LaREM applaudit.) La France, c'est ce pays qui a réintégré le Conseil des droits de l'homme des Nations unies le 20 février dernier. Justement, Jean-Yves Le Drian y siège pour représenter la France et pour y porter une voix forte, une voix qui défende les droits de l'homme, parce que nous sommes cette patrie et parce que l'histoire nous oblige.
Monsieur le député, vous imaginez bien que les autorités de ce pays ne ménagent pas leur peine et qu'ils s'emploient à convaincre un certain nombre de dirigeants du monde de respecter l'État de droit. Vous prenez le cas du Cameroun : eh bien, je le connais parfaitement, Jean-Yves Le Drian et le Président de la République aussi. Chacun d'entre nous porte très régulièrement ce message auprès du président Biya. D'ailleurs, la régionalisation est en cours, et il est prévu des pouvoirs accrus pour les régions concernées. La France ne renoncera jamais à cet héritage.
Monsieur le député, vous laissez accroire que vous avez les mains pures, mais vous n'avez pas de mains alors que la représentation nationale adoptera peut-être, dans quelques instants, le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire, lequel affirme le respect des droits humains que nous allons porter haut et fort ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.)
Auteur : M. Sébastien Nadot
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Tourisme, Français de l'étranger et francophonie
Ministère répondant : Tourisme, Français de l'étranger et francophonie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 mars 2021