Régime de garantie des créances des salariés
Question de :
M. Xavier Breton
Ain (1re circonscription) - Les Républicains
Question posée en séance, et publiée le 31 mars 2021
RÉGIME DE GARANTIE DES CRÉANCES DES SALARIÉS
M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.
M. Xavier Breton. Monsieur le Premier ministre, pourquoi vous en prenez-vous à un dispositif protecteur des salariés qui fait ses preuves depuis plus de quarante ans et qui ne coûte pas un euro au contribuable ? Je veux parler du régime de garantie des salaires.
Ce régime, géré par l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés, l'AGS, et par les organisations patronales, protège les salariés lorsque leur entreprise fait l'objet d'une procédure collective, en les assurant du paiement de leurs salaires et des indemnités de licenciement. Unique en Europe, ce système a fait la preuve de son efficacité. Ainsi, en 2019, 182 000 salariés en ont bénéficié, pour un montant de 1,5 milliard d'euros. L'action de l'AGS est donc à la fois généreuse socialement et vertueuse budgétairement, puisqu'elle ne pèse pas sur nos finances publiques.
Or votre projet d'ordonnance menace directement l'équilibre financier de l'AGS puisqu'il tend à rétrograder les créances salariales au profit d'autres créanciers, notamment des établissements bancaires. Face à cette relégation, tous les partenaires sociaux, syndicats comme patronat – le fait est assez rare pour être souligné –, s'inquiètent pour la pérennité du système et rejettent votre projet.
Comme eux, monsieur le Premier ministre, nous ne comprenons pas votre entêtement,…
M. Frédéric Reiss. Très bien !
M. Xavier Breton. …d'autant moins dans le contexte actuel de crise sanitaire et économique. Alors que les défaillances d'entreprises menacent de se multiplier, alors que l'existence d'amortisseurs sociaux démontre chaque jour toute son utilité, est-ce vraiment le moment de fragiliser l'équilibre d'un système de protection qui fonctionne ?
Monsieur le Premier ministre, allez-vous retirer ce projet incompréhensible, qui constituerait une profonde régression sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des retraites et de la santé au travail.
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État chargé des retraites et de la santé au travail. En interrogeant le Gouvernement sur la façon dont l'AGS sera positionnée dans l'ordre des créanciers, monsieur Breton, vous avez bien résumé son action et son rôle d'amortisseur social. Vous avez d'abord raison de rappeler que l'AGS est un dispositif spécifiquement français. Créé à l'initiative des employeurs, le régime se finance de deux façons : par des cotisations employeurs, mais aussi par un droit de récupération sur les actifs de l'entreprise. À ce titre, l'AGS bénéficie dans la loi d'un super-privilège, c'est-à-dire d'une priorité par rapport à d'autres créanciers.
Aujourd'hui, il n'existe pas réellement de classement consolidé des créances. La loi PACTE, loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, a habilité le Gouvernement à réformer le droit des sûretés par ordonnance d'ici à juin 2021 – nous y arrivons, monsieur le député – et à transposer la directive européenne sur la restructuration et l'insolvabilité. L'un des objectifs est la simplification du droit des sûretés, en particulier la clarification de l'ordre des créanciers, prévue par cette directive européenne.
C'est dans ce cadre que s'inscrit le super-privilège de l'AGS. Il ne s'agit nullement de le remettre en cause, monsieur le député : nous y sommes fortement attachés. Vous l'avez dit vous-même, c'est un véritable outil de protection des salariés, que vous avez raison de qualifier d'amortisseur social. En la matière, c'est d'ailleurs notre régime qui est le plus protecteur d'Europe.
La directive européenne va nous conduire à clarifier dans le droit le rang des créances, et nous devrons préciser l'articulation entre les frais de justice et le super-privilège de l'AGS.
M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.
M. Xavier Breton. Merci, monsieur le secrétaire d'État, pour votre réponse, mais, d'une part, la directive européenne ne nous impose absolument pas un tel changement dans l'ordre des créanciers ; c'est donc une surtransposition des directives, que nous déplorons à nouveau. D'autre part, il y a bien rétrogradation des créances salariales du troisième au sixième rang, ce qui sera tout à fait dommageable pour notre système de protection. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Auteur : M. Xavier Breton
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : Retraites et santé au travail
Ministère répondant : Retraites et santé au travail
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 31 mars 2021