Réforme de l'aide médicale d'État
Question de :
Mme Chantal Jourdan
Orne (1re circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 26 mai 2021
RÉFORME DE L'AIDE MÉDICALE D’ÉTAT
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jourdan.
Mme Chantal Jourdan. Ma question s'adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé. Le 16 février dernier, 500 professionnels de santé dénonçaient la réforme de l'aide médicale d'État (AME) comme une triple faute morale, économique et sanitaire. Par décret, le Gouvernement s'est engagé dans la dégradation d'un mécanisme destiné à soigner les plus précaires.
Concrètement, cette réforme soumet les personnes en situation irrégulière à un délai de neuf mois entre le dépôt de la demande d'AME et l'accès à certaines opérations ou soins de ville considérés comme secondaires. De plus, les demandeurs ne peuvent plus déposer leur dossier auprès de leur commune, des services sociaux départementaux ou d'une association : ils doivent passer par l'assurance maladie, par un hôpital ou par une permanence d'accès aux soins, parfois très éloignés de leur lieu de résidence.
Ces mesures ont plusieurs conséquences déplorables. Premièrement, les professionnels du soin et les associations nous le répètent, les démarches doivent se faire au plus près des demandeurs pour lutter contre le non-recours massif et ne pas laisser ces populations sans accès aux soins de proximité.
Deuxièmement, confier ces démarches aux services de santé, c'est oublier que les services hospitaliers, les permanences d'accès aux soins et l'assurance maladie sont débordés, a fortiori avec la crise de la covid-19. Faire reposer ces démarches sur des services publics sous tension, c'est porter directement atteinte à la santé des sans-papiers.
Troisièmement, cette réduction des droits fondamentaux entraînera des privations de soins pour des personnes ayant déjà un parcours difficile, atteintes de pathologies nécessitant souvent une prise en charge rapide qui pourrait se faire auprès de soignants de proximité.
Allez-vous revenir sur cette réforme très dommageable pour des hommes et des femmes qui sont déjà dans une très grande précarité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Pour vous répondre en une phrase, la non-assistance à personne en danger ne fait pas partie de l'ADN de notre pays, ni de l'ADN de nos blouses blanches, et elle ne fait certainement pas partie de l'ADN de notre majorité. Soyez donc rassurée quant à notre volonté et à notre détermination à faire en sorte que quelle que soit la situation rencontrée, une personne qui a besoin de soins en reçoive, quelle que soit sa nationalité, quel que soit son statut social, quelles que soient ses origines, quelle que soit sa profession. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
On ne saurait considérer une seule seconde, de façon raisonnable, qu'une personne malade se présentant dans un hôpital ou chez un médecin se voie renvoyer chez elle sous prétexte qu'elle n'a pas les bons papiers ou le bon certificat, ou qu'elle n'a pas vu le bon guichet de telle ou telle administration. Vous pouvez donc déjà être rassurée.
On peut également réfléchir à l'évolution récente des démarches en matière d'accès à l'AME. C'est un point important, qui fait débat parmi les associations et dont je discute avec elles. Lorsqu'une personne fait une demande d'AME, elle doit être physiquement présente. Elle peut être accompagnée par un responsable associatif – il ne s'agit pas de la contrainte massive que vous semblez redouter, même si je sais que votre question n'est pas mal intentionnée et que ce sujet fait couler beaucoup d'encre… Mon engagement comme parlementaire, et aujourd'hui comme ministre,…
M. Pierre Cordier. Profitez-en ! Il vous reste quelques mois, ensuite, c'est fini !
M. Olivier Véran, ministre . …et celui de ma prédécesseure pour faire de l'AME un outil de protection sociale à la fois généreux et le plus adapté possible, n'est pas à démontrer.
S'il vous fallait des preuves de l'intention du Gouvernement, regardez ce que le Ségur de la santé, dont nous fêtons aujourd'hui les un an du lancement, a proposé pour les populations les plus précaires : développement de lits halte, de soins de suite, d'équipes mobiles qui vont dans les quartiers les plus populaires et auprès des publics précaires, développement des fameux PASS, les parcours d'accès spécifique santé, pour améliorer l'accueil des personnes en situation irrégulière, qui n'ont parfois même pas accès à l'AME. Croyez à notre très grande vigilance sur le maintien de l'accès aux droits et aux soins pour toutes les personnes qui en ont besoin sur notre territoire national.
Auteur : Mme Chantal Jourdan
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 mai 2021