Question au Gouvernement n° 4141 :
Fin de l'opération Barkhane au Sahel

15e Législature

Question de : M. Sébastien Nadot
Haute-Garonne (10e circonscription) - Libertés et Territoires

Question posée en séance, et publiée le 16 juin 2021


FIN DE L'OPÉRATION BARKHANE AU SAHEL

M. le président. La parole est à M. Sébastien Nadot.

M. Sébastien Nadot. Madame la ministre des armées, après huit années d'intervention complexe au Sahel, le Président de la République a annoncé brutalement la fin de l'opération Barkhane. Le Parlement n'a pas été consulté en amont de cette décision. C'est une faute démocratique, d'autant plus que l'un des principaux enseignements du rapport Duclert sur le génocide des Tutsis au Rwanda concernait précisément les décisions présidentielles prises en catimini sur les conseils d'un cercle restreint de proches, sans y associer la représentation nationale. Que d'erreurs en conséquence !

M. Bertrand Pancher. Très juste !

M. Sébastien Nadot. Sur le fond, la fin de l'opération Barkhane survient au moment où l'insécurité et l'instabilité règnent dans la région. Le Mali a connu un nouveau coup d'État. Le Tchad fait face à une crise depuis la mort du président Déby. Et que dire du massacre de plus de 160 civils la semaine dernière, à Solhan, au Burkina Faso ?

Nos alliés du G5 Sahel ont été pris de court par ce revirement sur les engagements du Président de la République lors du sommet de Ndjamena de février dernier, où il avait décidé de déployer 600 soldats français supplémentaires et assuré que l'opération Barkhane se poursuivrait tant que le conflit ne pourrait pas être pris en charge par les armées de la région, ce qui n'est toujours pas le cas.

Réduire notre engagement maintenant, c'est prendre le risque de laisser le chaos s'installer et que d'autres puissances prédatrices avancent leurs pions dans la région. Les pays de la MINUSMA – mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali – ne cachent pas leur inquiétude, et l'engagement sans faille de nos troupes mérite mieux qu'une fin improvisée. Je tiens d'ailleurs à rendre hommage aux cinquante-cinq militaires tombés jusqu'ici au Sahel. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LT et LR.) Face à l'ampleur du risque djihadiste comme de celui d'une déstabilisation totale, quelles sont les perspectives pour notre présence au Sahel, afin d'éviter que le départ ne se transforme en désertion politique ?

Madame la ministre, nous voulons en débattre ici, à l'Assemblée ; il revient à la représentation nationale de dire ce que doivent être les relations entre les peuples d'Afrique et de France. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LT.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Paul Dufrègne. Ils vont l'épuiser !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Je vous prie d'excuser Mme la ministre des armées, retenue dans une réunion à Bruxelles. C'est donc moi qui répondrai à vos observations concernant la fin de l'opération Barkhane et le début d'une autre opération – je crois avoir suffisamment illustré mon propos dans les réponses précédentes.

En ce qui concerne la consultation de la représentation nationale, je crois savoir que Mme la ministre des armées s'exprime régulièrement devant la commission des affaires étrangères, et je peux témoigner devant ses membres que je m'y rends moi-même très souvent. J'y serai d'ailleurs après cette séance pour discuter de la situation.

M. Jean-Louis Bourlanges. Donc acte, monsieur le ministre !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . Je rappellerai très clairement, d'abord, que la France est présente au Sahel à la demande des États de la région, en respect du droit international et sur validation des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies.

Ensuite, il faut adapter le modèle d'intervention en fonction de l'évolution de la menace – je pense que personne ne me contredira sur ce point. Nous constatons que, par rapport au début de l'opération Barkhane, nous avons désormais beaucoup de partenaires, y compris dans le domaine du contre-terrorisme. Il faut articuler tout cela dans une nouvelle logique. C'est la raison pour laquelle nous allons ouvrir des consultations avec nos partenaires pour définir le nouveau modèle de notre présence. Cela va prendre un peu de temps car nous sommes liés dans la coalition pour le Sahel, laquelle regroupe soixante acteurs – essentiellement des États, mais aussi des organisations internationales –, et c'est avec cette coalition que nous allons évoquer ces questions, ainsi qu'avec les membres du G5 Sahel, évidemment, et les membres de la CEDEAO – Communauté économique des États de l'Afrique de l'ouest –, comme nous l'avons toujours fait.

Monsieur Nadot, comme je l'ai dit tout à l'heure, ce n'est pas une surprise : les consultations sur l'évolution du concept militaire ont commencé à Pau, en janvier 2020,…

M. David Habib. Exactement !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . …en présence de plusieurs chefs d'État ; elles se sont poursuivies en février 2021. La représentation nationale sera tenue informée de l'évolution du modèle. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

Données clés

Auteur : M. Sébastien Nadot

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Défense

Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères

Ministère répondant : Europe et affaires étrangères

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 juin 2021

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