Question au Gouvernement n° 4169 :
Traité sur la Charte de l'énergie

15e Législature

Question de : Mme Marjolaine Meynier-Millefert
Isère (10e circonscription) - La République en Marche

Question posée en séance, et publiée le 23 juin 2021


TRAITÉ SUR LA CHARTE DE L'ÉNERGIE

M. le président. La parole est à Mme Marjolaine Meynier-Millefert.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Ma question, à laquelle j'associe mes collègues membres de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, s'adresse à Mme la ministre de la transition écologique. Permettez-moi de commencer mon propos par quelques exemples concrets. Fin 2019, les Pays-Bas ont annoncé vouloir sortir du charbon d'ici à 2030 ; en réaction, en février dernier, l'entreprise RWE – géant allemand de l'énergie –, qui exploite une centrale à charbon, a demandé une indemnité de 1,4 milliard d'euros, en vertu du traité sur la charte de l'énergie (TCE). C'est également en raison de cet obscur traité que le ministère de l'économie allemand a reconnu avoir dû céder 4,2 milliards d'euros d'indemnités à des énergéticiens, alors que l'Allemagne voulait, elle aussi, réduire le recours aux énergies fossiles.

L'objectif initial du traité sur la charte de l'énergie, signé en 1994 dans un contexte d'après-guerre froide, visait à sécuriser l'approvisionnement en énergies des États. Aujourd'hui, alors que tous les pays s'efforcent de réduire massivement leur consommation d'énergies fossiles, il est devenu totalement obsolète en ce qu'il ne protège plus ni les pays ni les peuples, mais les investissements privés réalisés dans le secteur du charbon, du pétrole ou du gaz fossile ! Ce traité constitue un réel frein face à l'urgence climatique et représente donc une véritable menace.

Depuis sa création, près de 130 procédures ont été engagées contre les États signataires et on estime que 1 500 milliards de dollars de dommages, intérêts et pénalités pourraient être payés par les États d'ici à 2050, en conséquence de leurs engagements environnementaux ! Il s'agit d'un véritable non-sens !

En 2020, un processus de modernisation du traité a été engagé mais, malgré les quatre cycles de négociations qui ont déjà eu lieu, force est de constater qu'aucune avancée réelle n'a pu être réalisée. Le volontarisme de la France en matière de transition écologique est reconnu en Europe et à travers le monde et, pour cette raison, votre parole a été très appréciée, madame la ministre, quand vous avez annoncé dès décembre 2020 l'option d'un retrait coordonné du traité par l'ensemble des pays membres européens, si les négociations n'étaient pas plus efficaces.

Pouvez-vous nous éclairer sur l'état d'avancement des négociations ? Les autres pays européens suivront-ils la France dans une stratégie de retrait coordonné ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Sylvain Waserman applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Je vous le confirme, ce traité, initié dans les années 1990, est aujourd'hui clairement obsolète. Il protège, entre autres, les investissements dans les énergies fossiles et n'est donc plus du tout adapté aux enjeux énergétiques et climatiques de notre temps, à la suite de l'accord de Paris. En outre – vous l'avez démontré avec des exemples très explicites –, il fait peser sur les États un risque financier majeur au titre du règlement des différends entre investisseurs et États. Il constitue donc une entrave à la transition écologique et sa réforme est nécessaire. Le Gouvernement mène une action diplomatique résolue en ce sens et nous savons – vous l'exprimez vous-même, mais je l'entends également à travers les paroles d'autres parlementaires et de la société civile – que cette réforme est sensible.

Or, disons-le clairement, le processus de modernisation du traité engagé en 2020 n'est pas en bonne voie, tous les États signataires ne partageant malheureusement pas les ambitions européennes en matière climatique. La dynamique actuelle des discussions en faveur d'une modernisation du texte est faible et elle ne pourra produire d'avancées réelles avant de nombreuses années, dans le meilleur des cas. C'est pourquoi nous envisageons un retrait coordonné de l'Union européenne et de ses États membres ; je défends cette idée très régulièrement auprès d'autres États de l'Union européenne et une dynamique en ce sens est en train de s'enclencher, notamment avec l'Espagne. Il faut bien sûr continuer de convaincre. Nous devrons également résoudre le problème de la clause dite crépusculaire, qui constitue une réelle menace qu'il nous faudra contourner. Mais je sais pouvoir compter sur vous pour nous soutenir dans cette démarche très importante, que je défends lors de chaque réunion européenne, pour réussir la transition écologique et écarter ces obstacles. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

Données clés

Auteur : Mme Marjolaine Meynier-Millefert

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Traités et conventions

Ministère interrogé : Transition écologique

Ministère répondant : Transition écologique

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 23 juin 2021

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