Indépendance de la Noiuvelle-Calédonie
Question de :
M. Moetai Brotherson
Polynésie Française (3e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
Question posée en séance, et publiée le 7 juillet 2021
INDÉPENDANCE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE
M. le président. La parole est à M. Moetai Brotherson.
M. Moetai Brotherson. Monsieur le Premier ministre, la Nouvelle-Calédonie est engagée depuis 1998 dans l'accord de Nouméa, processus irréversible d'émancipation et de décolonisation. Le pays est entré dans la phase critique de ce processus avec le cycle référendaire dont la séquence finale coïncidera avec la troisième consultation sur l'accession de Kanaky Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté.
L'État est signataire de cet accord moderne et innovant. À ce titre, il doit accompagner cette île mélanésienne du Pacifique vers son émancipation, afin de répondre aux défis géostratégiques globaux et de permettre à l'ensemble des parties prenantes de sortir gagnantes de ce cycle – historique pour le peuple de Kanaky Nouvelle-Calédonie.
L'idée de l'indépendance politique a fait son chemin : le concours du parti l’Éveil océanien a permis, en février dernier, aux indépendantistes de remporter la majorité au gouvernement, une première depuis le gouvernement de Jean-Marie Tjibaou en 1982. De plus, une dynamique positive s'est développée autour du projet politique du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), lui permettant d'atteindre des scores plus qu'honorables en novembre 2018 et en octobre 2020.
Néanmoins, plusieurs dossiers restent en attente de clarification, dont certains pourraient porter atteinte à la sincérité et à l'éthique de la République des droits de l'homme. L'engagement de l'État sera observé durant la période de transition, eu égard à la résolution 1514 de l’Assemblée générale de l'ONU relative à l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux. Le bouleversement des équilibres du corps électoral, de même que la poursuite d’une politique propice à une fuite massive des capitaux viendraient bousculer fondamentalement l'émergence d'un peuple en devenir. Les inégalités sociales augmentent de façon importante, ce qui est contraire à l'esprit de l'accord de Nouméa, alors que de nombreux chantiers restent à mener, notamment relatifs à la jeunesse, à la valorisation d'une biodiversité exceptionnelle et à la prise en compte des effets du dérèglement climatique.
Les missions de visite du Comité spécial de décolonisation et la mission d'observation électorale du département des affaires politiques des Nations unies rappellent les droits et les devoirs de la puissance administrante et pointent les manquements de l'État dans l'établissement des listes électorales ou dans l'exploitation des ressources naturelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des outre-mer, que je félicite aussi pour son élection à la tête du conseil départemental de l'Eure. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer. Vous avez raison, nous entrons dans une phase critique et décisive de l’application de l'accord de Nouméa. Je crois comprendre que votre question était de savoir si l'État serait au rendez-vous et prendrait ses responsabilités en tant que partenaire et signataire de cet accord. Bien évidemment, la réponse est oui. C'est durant ce quinquennat et la XVe législature que nous devons, sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre, appliquer la logique référendaire en organisant le troisième référendum.
Votre intervention contenait beaucoup de questions, auxquelles j’essaierai de répondre le plus brièvement possible, sachant que je me tiens à la disposition de la représentation nationale dans le cadre de son contrôle du Gouvernement.
Premièrement, la date du référendum est une prérogative du Gouvernement et de l'État ; c’est l'esprit de l'accord. Après consultation, nous avons choisi le 12 décembre. Cette date n'est pas consensuelle mais la décision est respectée par les partenaires car il revient au Gouvernement de convoquer les électeurs par voie de décret. C'est chose faite.
Deuxièmement, la consultation sera organisée sur le modèle du deuxième référendum qui a été, vous le savez, salué par les Nations unies. Nous reprenons exactement la même question et le même dispositif en matière de propagande électorale. C'est aussi comme cela que l'on s'assure d'un niveau d'adhésion le plus important possible de la part des partenaires, à défaut d’un consensus.
Les nouveautés portent sur d’autres sujets. Le document sur les conséquences du oui et du non à l'indépendance – je n’ai pas le temps de le détailler ici – représente la grande innovation ; les Nations unies et l'ensemble des partenaires indépendantistes nous le demandaient depuis de nombreuses années. Surtout, lors des dernières rencontres parisiennes, nous avons consolidé la phase de transition, à laquelle vous avez fait référence dans votre question et qui n'existait pas, en précisant ce qui se passera jusqu'en 2023, en cas de oui comme en cas de non au référendum du 12 décembre prochain.
Le chemin est encore long : dans ce pays largement autonome, beaucoup de questions relatives à l’environnement et aux inégalités sociales sont sur la table. Mais j'ai bon espoir, cette semaine, de voir le gouvernement de Nouvelle-Calédonie constitué, ce qui nous permettra d'avancer.
Auteur : M. Moetai Brotherson
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Outre-mer
Ministère répondant : Outre-mer
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 juillet 2021