Luttre contre la toximanie à Paris
Question de :
Mme Lamia El Aaraje
Paris (15e circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 14 juillet 2021
LUTTE CONTRE LA TOXICOMANIE À PARIS
M. le président. La parole est à Mme Lamia El Aaraje.
Mme Lamia El Aaraje. Je me fais le porte-voix du Nord-Est parisien – habitants excédés, riverains en insécurité et consommateurs fragilisés : voilà la réalité de quartiers qui ne peuvent compter que sur la détermination de leurs élus locaux, que je tiens ici à saluer particulièrement. Monsieur le ministre de la santé, nous sommes inquiets car la situation est extrêmement grave et empire tous les jours. Voilà maintenant deux ans que le plan Crack a été conclu, et c'est globalement un échec – vous le savez. La seule approche proposée concrètement est sécuritaire, mais elle ne l'est qu'en théorie. En effet, au-delà du fait qu'elle nie la complexité des problématiques d'addiction et de polyaddiction, cette approche ne déploie aucun moyen pour assurer la sécurité des riverains et des consommateurs. Vous le savez : contrairement à ce qu'affirme le préfet de police de Paris dans la presse, il faut des moyens pour assurer la sécurité de ces quartiers et pour accompagner les consommateurs, qui se trouvent dans des situations de très grande vulnérabilité et de misère totale. Évidemment, il faut aussi lutter contre les trafics et pour cela, il faut aussi des moyens pour mener les enquêtes dédiées et réduire l'approvisionnement.
La Ville de Paris vous l'a dit, les élus du conseil de Paris dans leur diversité politique – aussi bien des membres du MODEM que M. Bournazel, avec qui j'ai pu échanger – l'ont dit en séance jeudi dernier, et je vous le répète : Paris peut mettre à disposition ce qui est nécessaire pour une prise en charge médico-sociale globale des toxicomanes mais pour cela, nous avons besoin de vous. Je m'adresse à vous aujourd'hui en votre qualité de ministre des solidarités et de la santé : vous devez nous proposer des solutions politiques répondant aussi bien aux questions de sécurité qu'à celles de santé publique. Je connais vos convictions en matière de santé publique, monsieur Véran…
M. Pierre Cordier. Une socialiste parle à un ancien socialiste !
Mme Lamia El Aaraje. …et j'en appelle aussi à vous en tant que professionnel de santé : nous ne pouvons pas continuer ainsi. Je vous alerte solennellement devant la représentation nationale : s'il devait survenir un drame, comme la situation le laisse présager dans ces quartiers, c'est votre responsabilité et celle de ce gouvernement qui serait engagée. Nos habitants méritent mieux que votre obstination délétère. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. – M. Jean-Paul Dufrègne applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Je pourrais, madame la députée, reprendre une grande partie de votre question à mon propre compte. Mais vous ne pouvez pas dire ce que vous affirmez à la fin de votre intervention et prétendre que, si la situation dérape, ce sera forcément la responsabilité du Gouvernement.
Mme Lamia El Aaraje. Si !
M. Olivier Véran, ministre . Je crois qu'il y a une maire à Paris, des conseillers municipaux et des élus d'arrondissement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. David Habib proteste.) Quand ça ne va pas, c'est forcément la faute du Gouvernement mais quand ça va bien, c'est grâce aux élus locaux ! Ça va deux minutes !
La responsabilité est partagée, madame la députée, et je vais vous expliquer pourquoi. D'abord, le crack est sans doute la drogue la plus addictive, la plus terrible, et celle qui provoque les pires troubles du comportement.
M. Fabien Roussel. Surtout le krach boursier !
M. Olivier Véran, ministre . Son potentiel d'addiction atteint quasiment 100 % dès la première bouffée. C'est donc un véritable fléau contre lequel il faut lutter. Cela passe bien sûr par le volet sécuritaire, que vous avez évoqué. Marlène Schiappa et Gérald Darmanin travaillent beaucoup sur ces questions, mettant en place des évacuations et organisant des plans structurés qui ont permis d'obtenir des résultats.
S'y ajoute le volet sanitaire, qui est l'objet de votre question. Je crois profondément à la politique de réduction des risques,…
M. Ugo Bernalicis. La blague !
M. Olivier Véran, ministre . …qui consiste à accompagner les personnes qui sont les plus éloignées des dispositifs de soins, notamment médico-sociaux, pour les y ramener. J'imagine que vous savez, madame la députée, que l'État a pris des engagements, dont certains ont été partagés – et respectés – par la mairie de Paris ; ils permettent de déployer des lits de soins de suite, de réadaptation et des lits médico-sociaux, afin de réintégrer dans le parcours de soins des personnes qui en sont très éloignées.
Mais les comptes n'y sont pas encore. J'ai eu une discussion très intéressante avec Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la mairie de Paris, sur les mesures de réduction des risques, notamment la possibilité que des sites soient dédiés à la consommation et à l'accompagnement thérapeutique des consommateurs. Je lui ai dit que de tels sites étaient autorisés par l'état actuel du droit ; nous devrons d'ailleurs intégrer une disposition législative au prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, afin de les pérenniser.
Mais votre travail, madame la députée, et celui de la maire de Paris, consiste à mener la consultation et la concertation avec les citoyens parisiens… (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.) Si, car la clé du succès, lors de l'installation de tels dispositifs, c'est d'abord le consensus. Une telle démarche a été lancée à Strasbourg : je suis sûr qu'à Paris, en vous donnant un peu de mal, vous y arriverez – et vous nous trouverez à vos côtés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.)
Auteur : Mme Lamia El Aaraje
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Drogue
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 14 juillet 2021