Question au Gouvernement n° 4444 :
Respect du droit européen par la Pologne

15e Législature

Question de : Mme Sabine Thillaye
Indre-et-Loire (5e circonscription) - Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés

Question posée en séance, et publiée le 27 octobre 2021


RESPECT DU DROIT EUROPÉEN PAR LA POLOGNE

M. le président. La parole est à Mme Sabine Thillaye.

Mme Sabine Thillaye. Le 7 octobre dernier, la plus haute juridiction polonaise a déclaré inconstitutionnels les articles 1er et 19 du traité sur l'Union européenne, remettant en question les prérogatives de la Cour de justice de l'Union européenne. C'est une nouvelle atteinte à l'État de droit, un nouveau coup porté par des démocraties de plus en plus illibérales, qui s'éloignent de ce qui constitue notre idéal commun, celui d'une communauté de destin rassemblant des nations européennes.

Dans son arrêt, le tribunal constitutionnel polonais refuse le droit de la Cour de justice de l'Union à intervenir pour veiller au respect d'une protection juridictionnelle effective. Or l'indépendance des juges dans l'exercice de leur mission est le ciment de notre confiance mutuelle. Elle doit s'accompagner d'une parfaite indépendance vis-à-vis du pouvoir politique, comme le requiert toute organisation qui respecte l'État de droit.

On ne peut à la fois tirer les bénéfices d'une participation à notre Union et refuser les éléments de notre confiance mutuelle, confiance vis-à-vis de nos citoyens, mais confiance aussi vis-à-vis des acteurs économiques. Une entreprise qui ouvre une filiale dans un État membre s'attend légitimement à pouvoir accéder à une justice impartiale et équitable.

En outre, la primauté du droit européen, notre corpus juridique commun, découle de la volonté politique d'États souverains décidés à avancer ensemble. Il perd tout son sens si chacun décide unilatéralement de respecter uniquement ce qui l'arrange, petite musique qu'on entend par-ci et par-là.

Aussi, monsieur le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, pourriez-vous nous préciser les avancées obtenues lors du Conseil européen des 21 et 22 octobre sur ces questions et la position que la France a défendue. Nous sommes à quelques semaines maintenant du 1er janvier 2022, date à laquelle notre pays assurera la présidence de l'Union européenne. Nous sommes attendus pour défendre une position ferme. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et LaREM.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

M. Clément Beaune, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. Vous revenez là sur un problème très grave, qui a beaucoup prêté à confusion dans le débat public : j'en profiterai pour rétablir quelques vérités essentielles.

Tout d'abord, il ne s'agit pas d'une question de souveraineté. La Pologne, comme tous les membres de l'Union européenne, est et demeurera un État souverain. On entre dans l'Union parce qu'on le choisit, par référendum dans le cas de la Pologne ; bien que je ne le souhaite à personne, on peut en sortir à tout moment, comme le Brexit nous en a malheureusement fourni l'illustration. Tant que l'on fait partie de cette famille et de ce projet politiques, on participe à l'intégralité des prises de décision. Ne confondons pas les choses : nul ne conteste sa souveraineté à la Pologne, non plus qu'à aucun autre État membre.

Ensuite, la primauté du droit européen, que vous avez évoquée, a également été en quelque sorte mise à toutes les sauces. Son principe est pourtant très simple : pour qu'un projet politique partagé puisse durer, chacun doit respecter les règles fixées en commun. Il s'agit donc non pas d'une folie technocratique, mais de la condition même d'existence du projet européen. Que chaque juge fasse respecter la Constitution de son pays relève de l'évidence : lorsque des points de contestation surgissent, c'est le moment de ce que l'on appelle le dialogue des juges, que nous avons connu partout. En revanche, jamais encore une juridiction n'avait remis en cause l'existence même de l'Union européenne, le fonctionnement même de sa Cour de justice : or c'est bien cela qui est en jeu en Pologne. Il convient donc de ne pas être timide ou de ne pas renier ses convictions quand le vent géopolitique ou électoral souffle vers d'autres cieux.

Soyons clairs : nous maintenons le dialogue avec la Pologne et, à l'occasion du Conseil européen de la semaine dernière, nous nous sommes montrés très précis concernant le fait que, si aucun recul de sa part n'était enregistré, si les échanges n'aboutissaient pas, des procédures juridiques ou politiques, y compris in fine en matière budgétaire, pourraient être engagées à son encontre. Il s'agit non pas de combattre un pays ou un peuple, mais de lutter pour les valeurs européennes que nous devons défendre sans faiblir.

Données clés

Auteur : Mme Sabine Thillaye

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Union européenne

Ministère interrogé : Affaires européennes

Ministère répondant : Affaires européennes

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 octobre 2021

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