Question au Gouvernement n° 4469 :
Lutte contre le banditisme en Corse

15e Législature

Question de : M. Paul-André Colombani
Corse-du-Sud (2e circonscription) - Libertés et Territoires

Question posée en séance, et publiée le 3 novembre 2021


LUTTE CONTRE LE BANDITISME EN CORSE

M. le président. La parole est à M. Paul-André Colombani.

M. Paul-André Colombani. D'après un article paru dans Le Monde du 23 octobre, la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Marseille a remis au Gouvernement un rapport relatif à la lutte contre le banditisme en Corse, rapport dont je demande la publication. La JIRS de Marseille y délivrerait un constat sans appel, selon lequel « le banditisme corse revêt toutes les formes du phénomène mafieux ». Toujours selon Le Monde, elle y avoue son impuissance et pointe du doigt un manque de volonté politique pour s'opposer à ce système mafieux. L'État ne se soucie pas d'exercer sa compétence régalienne en Corse.

Il est pourtant grand temps de doter les juridictions compétentes d'outils adaptés à la lutte contre le banditisme, notamment en créant le pôle antimafia réclamé par la JIRS, en renforçant le statut de repenti ou en instaurant une confiscation systématique des avoirs criminels. Pourquoi, en outre, ne pas étendre le modèle esquissé par la réglementation adoptée sur le chantier de la future ligne Lyon-Turin, inspirée des normes antimafia expérimentées en Italie et intégrées au droit français, qui ont fait la preuve de leur efficacité ?

J'avais interpellé le Gouvernement en septembre 2019, après l'assassinat de Massimu Susini, pour lui rappeler son devoir de combattre cette violence intolérable et de prendre des mesures concrètes pour attaquer le mal à la racine. Disons-le clairement : la Corse est laissée à son triste sort, celui des règlements de compte permanents et des crimes de sang impunis, comme en témoigne le meurtre toujours non résolu du directeur général des services du conseil général de la Haute-Corse, Jean Leccia, tué en mars 2014.

Je vous demande donc de répondre à cette question simple : combien de vies volées, combien de familles endeuillées, faudra-t-il encore pour que l'État daigne sortir de ce déni et suivre enfin les recommandations de la JIRS ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LT et sur plusieurs bancs du groupe FI. – Mme Émilie Cariou applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Vous m'interrogez sur un rapport confidentiel établi par la Juridiction interrégionale spécialisée de Marseille sur les dix dernières années de lutte contre le banditisme insulaire, dont trois articles de presse se sont récemment fait l'écho. Tout d'abord, je me dois de vous dire que, comme l'a déjà indiqué le Conseil d'État, ce document porte sur des procédures individuelles, secrètes par nature, et qu'il est juridiquement impossible de le communiquer à d'autres autorités qu'au ministère de la justice.

Je me permets également de préciser que ce rapport a été porté à la connaissance des services de la Chancellerie le 3 février 2020 : c'est dire s'il n'est plus d'actualité, notamment en raison de l'action menée depuis par le ministère en faveur des JIRS. Je veux rectifier une inexactitude : d'après les articles que vous mentionnez, la JIRS de Marseille réclamerait la création d'un pôle antimafia. Ce n'est pas vrai : elle réclame davantage de magistrats.

Nous avons pris plusieurs dispositions. J'ai notamment signé une circulaire diffusée le 13 octobre 2021 pour augmenter les effectifs de la juridiction marseillaise et demandé à l'Inspection générale de la justice (IGJ) d'identifier ses besoins précis – en plus des magistrats qui y seront affectés prochainement. S'agissant des avoirs criminels, je signerai prochainement un décret qui, je le crois, vous donnera entière satisfaction.

Disons-le clairement : il n'existe pas, en matière de crime organisé, de juridiction d'exception. En revanche, il existe bel et bien une juridiction spécialisée compétente pour la Corse : c'est la JIRS basée à Marseille, soutenue par une action volontariste du ministère de la justice, lequel est parfaitement conscient des enjeux insulaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

Données clés

Auteur : M. Paul-André Colombani

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Crimes, délits et contraventions

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 novembre 2021

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