Question au Gouvernement n° 4656 :
Suspension d'un enseignant à l'IEP de Grenoble

15e Législature

Question de : Mme Virginie Duby-Muller
Haute-Savoie (4e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 5 janvier 2022


SUSPENSION D'UN ENSEIGNANT À L'IEP DE GRENOBLE

M. le président. La parole est à Mme Virginie Duby-Muller.

Mme Virginie Duby-Muller. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

À la mi-décembre, Klaus Kinzler, professeur d'allemand depuis vingt-six ans à l'institut d'études politiques (IEP) de Grenoble, où j'ai eu la chance d'étudier, a été suspendu par sa direction pour quatre mois.

Cette affaire est d'une gravité sans nom.

M. Maxime Minot. Eh oui !

Mme Virginie Duby-Muller. En mars dernier, lors de l'organisation d'une journée de débats sur le racisme, l'islamophobie et l'antisémitisme, Klaus Kinzler a estimé que ces trois notions ne devaient pas être mises sur un pied d'égalité.

Deux syndicats étudiants issus de la mouvance islamo-gauchiste…

M. Régis Juanico. Oh là là !

Mme Virginie Duby-Muller. …ont alors lancé une véritable fatwa contre lui et sa collègue, co-organisatrice des débats, en appelant à un lynchage collectif. Cette cabale a conduit à la mise sous protection policière des deux professeurs, afin qu'ils ne subissent pas le même sort que Samuel Paty.

Devant la gravité des faits, une sanction exemplaire était attendue. Or la commission de discipline de Sciences Po Grenoble s'est contentée de relaxer les dix-sept étudiants mis en cause, preuve de la dérive idéologique manifeste de la direction de cet établissement.

M. Maxime Minot. Une honte !

Mme Virginie Duby-Muller. Non seulement l'IEP a donné un blanc-seing à ceux qui voudraient mettre une cible dans le dos du professeur, mais il punit désormais la victime.

La mise à pied de Klaus Kinzler est inacceptable. Quelle est sa faute ? D'avoir soi-disant tenu des propos diffamatoires à l'encontre de Sciences Po Grenoble, qui ne l'a pas soutenu ?

M. Régis Juanico. Oui !

Mme Virginie Duby-Muller. De nombreuses voix s'élèvent aujourd'hui pour dénoncer ce traitement inique, à commencer par Jean-Michel Blanquer qui a qualifié cette suspension d'« erreur formelle ». Une quarantaine d'intellectuels, chercheurs et historiens ont pris la défense de Klaus Kinzler, et une pétition de soutien a recueilli plus de 11 500 signatures.

Madame la ministre, en mars, je vous avais déjà interrogée à propos de l'initiative de Damien Abad et Julien Aubert, qui demandaient la création d'une mission d'information sur la culture de l'annulation et l'islamo-gauchisme dans le milieu universitaire. Quand allez-vous enfin agir ? Que comptez-vous faire pour garantir la liberté d'expression et d'enseignement dans nos universités et IEP ? Quand allez-vous mettre un terme à l'infiltration de cette cancel culture qui propage la haine et fait régner la terreur idéologique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Blandine Brocard, Mme Agnès Thill, M. Nicolas Dupont-Aignan et M. Meyer Habib applaudissent également.)

M. Régis Juanico. N'importe quoi !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Vous avez rappelé les faits. Des inscriptions visant deux professeurs ont été découvertes en mars 2021. Elles ont été condamnées par l'immense majorité des enseignants et des étudiants de Sciences Po Grenoble. Leurs auteurs, un petit groupe d'étudiants, sont passés en conseil de discipline – pas à Grenoble, car l'affaire a évidemment été dépaysée. Des sanctions ont été prononcées à l'encontre d'une seule de ces étudiants.

Aussitôt les faits connus, j'ai diligenté une mission de l'inspection générale qui a permis, d'une part, de lancer le processus disciplinaire à l'encontre des auteurs de ces actes et, d'autre part, de rappeler que, dans un tel contexte, l'ensemble des protagonistes de l'affaire avaient eu un comportement exagéré – si vous aviez lu les conclusions publiques du rapport, vous vous en seriez rendu compte. L'inspection générale a par ailleurs mis en place un accompagnement – qui se poursuit – de la direction de l'IEP de Grenoble.

Il est important que nous permettions à cet établissement de retrouver la sérénité.

Or que faites-vous ? Vous stigmatisez les 600 enseignants et les 3 000 étudiants de cet IEP,…

M. Maxime Minot. Arrêtez !

Mme Frédérique Vidal, ministre . …simplement parce que M. Kinzler fait jouer sa liberté d'expression. On ne parle pas ici de liberté académique, mais bien de liberté d'expression en tant que citoyen. En tant que fonctionnaire, il a effectivement un devoir de réserve vis-à-vis de son institution,…

M. Raphaël Schellenberger. Un universitaire ne peut donc plus penser librement !

Mme Frédérique Vidal, ministre . …il faut aussi être capable de le rappeler. Stigmatiser une école entière n’a aucun sens. Le Gouvernement est pour le respect des enseignants et pour l'accompagnement des étudiants, certainement pas pour des polémiques futiles pour des raisons qui n'ont pas lieu d'être. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

M. le président. Mes chers collègues, poursuivons nos travaux dans le calme.

Données clés

Auteur : Mme Virginie Duby-Muller

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Enseignement supérieur

Ministère interrogé : Enseignement supérieur, recherche et innovation

Ministère répondant : Enseignement supérieur, recherche et innovation

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 janvier 2022

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