Question au Gouvernement n° 4658 :
Lutte contre la fraude aux passes sanitaires

15e Législature

Question de : M. Paul-André Colombani
Corse-du-Sud (2e circonscription) - Libertés et Territoires

Question posée en séance, et publiée le 5 janvier 2022


LUTTE CONTRE LA FRAUDE AUX PASSES SANITAIRES

M. le président. La parole est à M. Paul-André Colombani.

M. Paul-André Colombani. Monsieur le ministre de l'intérieur, le renforcement de la lutte contre la circulation des faux passes sanitaires est une des priorités du projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire que nous examinons en ce moment même. Vous avez fait état de 182 000 faux passes en circulation. Ce nombre est probablement encore très sous-évalué, puisqu'il ne prend en compte que les fraudes avérées. Les réseaux d'élaboration et de vente de faux passes fleurissent, notamment sur les réseaux sociaux. Alors que vous aviez vanté les mérites de ce système prétendument inviolable, nous apprenons par la presse que les faussaires profitent d'importantes failles de sécurité. Ces dernières permettraient d'accéder très facilement sur Doctolib à des données confidentielles et de s'introduire sur le site de l'assurance maladie pour générer automatiquement de « vrais faux passes ».

Au-delà de l'existence de telles failles, il est particulièrement problématique que les « vrais faux passes » identifiés par vos services ne soient pas désactivés. Là aussi, les chiffres sont accablants. À la date du 29 décembre, on comptait 3 600 passes sur liste noire sur les 182 000 repérés, faute d'outils techniques permettant de désactiver les faux passes dans le cadre de procédures judiciaires. La circulation des faux passes jette également l'opprobre sur les professionnels de santé qui ont vu leurs identifiants piratés. Cet immense trou dans la raquette est très inquiétant au moment où vous souhaitez faire évoluer un dispositif qui n'est toujours pas correctement mis en œuvre sur le plan technique. Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour combler les failles de sécurité existantes et désactiver au plus vite les passes frauduleux en circulation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur. Comme vous, nous sommes particulièrement scandalisés par l'utilisation de faux passes sanitaires, que nous condamnons. Avec les services du garde des sceaux, nous poursuivons les personnes dépositaires ou les utilisateurs de ces faux passes sanitaires. Depuis l’instauration du passe sanitaire et jusqu'au 30 décembre dernier, 1 919 personnes ont été verbalisées pour avoir prêté leur passe sanitaire à quelqu'un d'autre. Ces verbalisations ont augmenté de 11 % rien que durant la dernière semaine du mois de décembre. Plus grave encore, la police et la gendarmerie ont recensé, au 30 décembre dernier, 192 483 faux passes sanitaires. Au moment où je vous parle, 435 enquêtes judiciaires ont été ouvertes par les services du ministère de la justice – un peu plus en zone police qu'en zone gendarmerie, mais c'est malheureusement très équilibré sur le territoire. J'ai demandé aux services d'investigation cyber – comme Cybergend pour la gendarmerie ou la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) pour la police nationale – d'être particulièrement attentifs, puisque nous avons constaté que de très nombreux modes d'action cybercriminels étaient responsables de la production de ces passes.

Deux grandes enquêtes cyber d'envergure ont eu lieu à Lyon et à Paris. Elles ont montré que des piratages des sites des médecins ou des cabinets médicaux, et pas simplement de celui de l'assurance maladie, ont permis la création de faux passes sanitaires. Une vingtaine de dossiers ont été traités pour 150 trafiquants et bénéficiaires entendus, ne serait-ce que ces dernières heures. Dans le cadre d'une affaire qui touchait particulièrement la région de Nancy, deux personnes ont récemment été interpellées à Bordeaux à la demande du ministère de la justice. Les avoirs criminels saisis s'élèvent à 2,8 millions d'euros, soit le bénéfice pour générer de faux passes. Comprenez bien que les cyberattaques se déroulent partout sur le territoire national et qu’elles touchent aussi les faux passes sanitaires.

Données clés

Auteur : M. Paul-André Colombani

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Santé

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 janvier 2022

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