Prix de la baguette
Question de :
M. Jérôme Nury
Orne (3e circonscription) - Les Républicains
Question posée en séance, et publiée le 19 janvier 2022
PRIX DE LA BAGUETTE
M. le président. La parole est à M. Jérôme Nury.
M. Jérôme Nury. Monsieur le Premier ministre, vous n'êtes pas sans savoir qu'une enseigne de la grande distribution vient d'annoncer le gel du prix de la baguette à 29 centimes d'euro. Bien sûr, derrière ce fracas médiatique, le chef d'entreprise « Pas très clair » s'offre une campagne de communication pas chère. Ce buzz lui permet également de se draper de vertu en se proclamant défenseur des consommateurs. Quand son homonyme libérait avec courage la France et l'Orne, lui libère avec cynisme la duplicité dans un business déjà peu transparent. Personne n'est vraiment dupe de cet évangile de l'imposture qui vise à donner très peu d'une main pour reprendre beaucoup de l'autre.
Cette affaire pose un vrai problème tout autant moral que juridique et politique, car de nombreux Français sont roulés dans la farine, à commencer par les agriculteurs. Alors que la loi baptisée EGALIM 2 – visant à protéger la rémunération des agriculteurs – est censée s'appliquer aux négociations commerciales en cours, afin que les hausses du prix des matières premières soient répercutées sur les prix d'achat à nos agriculteurs pour mieux les rémunérer, cet exemple montre qu'elle est aussi inefficace que l'était EGALIM 1 – pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. Sur le dos de qui ce gel du prix de la baguette à 29 centimes va pouvoir se faire, alors que le prix des céréales flambe ?
Les autres victimes de cette annonce, ce sont nos artisans boulangers. Alors qu'ils sont le cœur battant de nos villages et de nos centres-villes, alors qu'ils sont la fierté de la France grâce à leur savoir-faire reconnu à travers le monde, ils se trouvent soumis à la concurrence déloyale d'un système qui dévalorise leur travail.
Monsieur le Premier ministre, nous avons la chance d'avoir encore en France près de 30 000 artisans boulangers qui se lèvent tôt, qui aiment leur travail, qui structurent notre tissu local, qui fabriquent des produits de qualité. Face à la concurrence sauvage et débridée de ce distributeur pas clair, comment comptez-vous les protéger ? Comment comptez-vous les aider à se moderniser ? Ne pourriez-vous pas réactiver le FISAC – Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce – que vous avez supprimé et dont les commerces de proximité bénéficiaient ? Comment faire respecter un minium de transparence des prix, comme la loi EGALIM est censée le faire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. Marc Le Fur. Des actes !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Je partage votre incompréhension et même la colère que vous avez exprimée, monsieur le député, mais je le dis de manière très solennelle devant la représentation nationale : ne soyons pas dupes ! Nous sommes face à une opération de pure communication. Ne tombons pas dans le piège de la mettre en lumière.
Ensuite, il y a la question de la légalité. Le fait est que ce sont des productions en interne et, dès lors que le prix d'achat aux fournisseurs, notamment aux agriculteurs, est respecté, la légalité l'est aussi. Reste que cette campagne de communication envoie un message terrible, et d'abord à nos 33 000 boulangers que je sais que vous soutenez, comme nous tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ainsi que sur les bancs des groupes LR, Dem, UDI-I et Agir ens.) Ils font la fierté de notre patrimoine, à tel point que Roselyne Bachelot et moi-même avons déposé cette année la demande de la France d'inscrire la baguette au patrimoine des biens immatériels de l'UNESCO. Que veulent donc ces grands patrons qui jouent à la guerre des prix ? Quel est leur objectif ? Que nous importions nos baguettes, alors même que nous demandons à l'UNESCO de la reconnaître comme faisant partie du patrimoine mondial ?
Nous ne serons pas de leur côté. Il faut se battre avec beaucoup de force, sans aucune naïveté mais avec énormément de conviction pour faire appliquer la loi EGALIM 2 et faire cesser cette guerre des prix, mortelle pour nos agriculteurs et pour notre souveraineté alimentaire. Quelle que soit la légalité de cette décision, nous ne faisons preuve d'aucune naïveté : au contraire, notre détermination sera entière car elle touche à notre souveraineté. Bref, nous ne lâcherons rien en la matière. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, UDI-I et Agir ens.)
M. Pierre Cordier. Rien de concret, quoi.
Auteur : M. Jérôme Nury
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Commerce et artisanat
Ministère interrogé : Agriculture et alimentation
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 janvier 2022