Question au Gouvernement n° 490 :
moyens de l'administration pénitentiaire

15e Législature

Question de : M. Jean-Christophe Lagarde
Seine-Saint-Denis (5e circonscription) - UDI, Agir et Indépendants

Question posée en séance, et publiée le 24 janvier 2018


MOYENS DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe UDI, Agir et indépendants.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le Premier ministre, ma question concerne elle aussi la crise dans les prisons, qui n'est pas, vous l'avez dit, un phénomène nouveau, mais le résultat de trente ans de sous-investissement de l'ensemble des gouvernements qui se sont succédé et des majorités qui ont siégé dans cette assemblée. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.)

La crise a en réalité trois origines. La première est nouvelle : la radicalisation de certains détenus et la difficulté à trouver pour eux le bon système d'incarcération. Des tests sont en cours ; selon moi, il serait utile que la représentation nationale soit associée, à travers sa commission des lois, à l'évaluation et au choix des dispositifs les plus efficaces et les plus sûrs pour nos gardiens de prison.

La seconde origine a trait aux moyens. Comme je l'ai dit, elle n'est pas nouvelle, loin s'en faut : nous consacrons beaucoup moins de moyens à la justice et, en particulier, au système pénitentiaire que tous les pays développés auxquels nous pourrions nous comparer, et les rattrapages annoncés n'ont jamais été au rendez-vous, ni en matière d'encellulement individuel, ni en matière d'attractivité du métier de gardien de prison, ni en matière de moyens techniques visant notamment à sécuriser nos établissements pénitentiaires.

Une troisième question, plus transversale, se pose : celle de la sanctuarisation des agents qui représentent l'autorité de l'État. Il s'agit, bien sûr, des gardiens de prison, mais aussi des policiers, des gendarmes et, désormais, des magistrats, qui sont confrontés à quelques individus qui non seulement contestent systématiquement leur autorité, mais aussi s'en prennent à eux de façon très agressive.

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement vient de dire que les peines planchers n'avaient pas fonctionné. Encore faudrait-il que ces peines deviennent d'application stricte et que l'on assure la sécurité de tout le monde, de tous ceux qui nous représentent et garantissent la cohésion nationale.

Monsieur le Premier ministre, on demande souvent à l'État d'être présent un peu partout, même là où il ne devrait pas l'être. En conséquence, il n'a plus les moyens d'être présent là où il devrait effectivement l'être : il est le seul à pouvoir garder les prisons, et ce n'est pas avec les augmentations du budget de l'administration pénitentiaire que nous avons connues ces dernières années et cette année encore – 80 millions d'euros – que l'on relèvera le défi. Nous attendons avec impatience votre plan pour que ce défi soit enfin relevé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UAI.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Lagarde, vous soulevez à nouveau la question des prisons en l'abordant sous l'angle très large des moyens de la justice et de l'amélioration des conditions de travail de ceux qui incarnent à la fois la justice et l'autorité de l'État. Je vous rejoins sur l'ampleur du retard que nous avons pris collectivement. Lorsqu'on le dit ici comme vous l'avez fait et comme je le fais à mon tour, on s'expose presque mécaniquement à des critiques provenant de l'un ou de l'autre côté de l'hémicycle, qui se sent comme attaqué.

M. Claude Goasguen. C'est vrai !

M. Ugo Bernalicis. Comme si on n'en avait pas parlé pendant toutes ces années !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Je pense que nous pouvons tous regarder la vérité en face et nous dire que, sous l'effet de choix répétés, qui étaient peut-être justifiés, nous constatons tous, à la fin des fins, un sous-investissement notoire, massif, dans les prisons françaises. C'est un fait, reconnaissons-le.

M. Fabien Di Filippo. C'est M. Valls !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Ce sous-investissement est ancien, monsieur Di Filippo, bien plus ancien ! (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.– M. Jean-Christophe Lagarde applaudit également.)

Une fois que nous avons reconnu ce fait, comment y répondons-nous, monsieur le président Lagarde ?

M. Thibault Bazin. Comme à Notre-Dame-des-Landes !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Vous avez raison : il y a un certain nombre de domaines dans lesquels seul l'État peut et doit être présent ; je suis totalement d'accord avec cette idée. Vous aurez remarqué que, dans le budget pour 2018, l'effort consenti…

M. Fabien Di Filippo. Est insuffisant !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . …par l'ensemble de nos concitoyens porte majoritairement sur les moyens de la défense, domaine dans lequel nous avons probablement, là aussi, sous-investi pendant trop longtemps,…

M. Thibault Bazin. Ils se souviennent des gels de crédits !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. …sur ceux du ministère de l'intérieur, car il est indispensable de préserver la sécurité, et sur ceux du ministère de la justice, car nous devons tirer les conclusions d'un sous-investissement ancien, non seulement matériel – dans les bâtiments eux-mêmes –, mais aussi, évidemment, humain, avec une insuffisante prise en compte des spécificités de tel ou tel métier. Je ne suis pas favorable à un traitement ou à une approche généralisée ;…

M. Thibault Bazin. Quand reviendrez-vous sur la loi Taubira ?

M. Edouard Philippe, Premier ministre . …je veux que nous essayions de trouver des solutions, problème après problème. J'en prends un, celui des gardiens de prison qui sont au contact des détenus les plus violents. Ceux-là subissent des sujétions particulières, c'est l'évidence, et ils doivent donc être accompagnés d'une manière particulière. Il y a bien d'autres questions, qui feront l'objet des discussions que Mme la garde des sceaux conduira avec les organisations syndicales. En tout cas, tout ce que vous avez mentionné est à l'esprit du Gouvernement, et nous essaierons, mois après mois, budget après budget, de répondre au mieux aux défis que vous avez évoqués. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et UAI.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Christophe Lagarde

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Lieux de privation de liberté

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 24 janvier 2018

partager