Question au Gouvernement n° 499 :
pollution au chlordécone en Guadeloupe et en Martinique

15e Législature

Question de : Mme Josette Manin
Martinique (1re circonscription) - Nouvelle Gauche

Question posée en séance, et publiée le 24 janvier 2018


POLLUTION AU CHLORDÉCONE EN GUADELOUPE ET EN MARTINIQUE

M. le président. La parole est à Mme Josette Manin, pour le groupe Nouvelle Gauche.

Mme Josette Manin. Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, j'associe à ma question mes collègues parlementaires des Antilles. Les parlementaires des outre-mer vous interpellent cet après-midi sur l'impact du chlordécone aux Antilles. Pour rappel, ce pesticide intensivement utilisé pendant plus de vingt ans dans les bananeraies de Guadeloupe et de Martinique a empoisonné durablement nos sols, nos rivières et nos espaces marins.

Un rapport d'information de mars 2008 a établi un diagnostic sur les méfaits du chlordécone sur nos territoires. Les mises en garde de l'Institut national de la recherche agronomique indiquaient que les Antilles devraient cohabiter avec la pollution des sols par le chlordécone pendant longtemps : 600 ans, nous dit-on ! Ce produit provoque des cancers de la prostate, des naissances prématurées et bien d'autres maladies. À ce titre, la Guadeloupe et la Martinique présentent l'un des taux de cancers de la prostate les plus élevés. L'enquête Kannari de 2013 de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail indique que 92 % des personnes testées en Martinique ont ce produit dans le corps et que 19 % des enfants testés dépassent la dose toxique.

Fin 2017, cette même agence considère peu pertinent un abaissement des limites maximales de résidus dans la viande et la volaille, que l'Union européenne avait augmentées en 2013. Selon elle, les aliments obtenus par les circuits informels seraient en cause. Quels que soient les circuits, l'État doit enfin entendre que des générations de Françaises et de Français d'outre-mer sont condamnées à une lente agonie à cause de cette contamination.

Monsieur le ministre, à l'heure où tout porte à repenser notre modèle de production agricole, à l'heure où les bonnes volontés souhaitent rendre à notre planète sa grandeur, il nous faut impérativement revenir à des normes agricoles plus respectueuses de l'humain et de la biodiversité. (Applaudissements sur les bancs des groupes NG, FI et GDR ainsi que sur quelques bancs des groupes REM et MODEM.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame Manin, une modification du règlement fixant les limites maximales de résidus de pesticides – LMR – intervenue en 2013, a entraîné la multiplication par cinq ou par dix de ces limites pour les denrées carnées terrestres. Ces LMR sont fixées au niveau européen après avis de l'Autorité européenne de sécurité des aliments. L'ANSES – l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail – a été interrogée par les ministères sur le caractère protecteur des limites en vigueur depuis mars 2013.

Les seuils redéfinis en 2013 au niveau européen ne concernent pas tous les produits mais seulement les produits carnés. Après une analyse scientifique approfondie prenant en compte l'ensemble des données toxicologiques et d'exposition par voie alimentaire, l'ANSES a conclu que « les individus s'approvisionnant majoritairement en circuits contrôlés, qui garantissent le respect des LMR, ne sont pas exposés à des dépassements de la valeur toxicologique de référence […] pour le chlordécone ». Les LMR en vigueur pour le chlordécone dans les denrées alimentaires d'origine animale apparaissent donc suffisamment protectrices.

Par ailleurs, l'expertise met en évidence qu'une réduction des limites du chlordécone en vigueur dans les denrées alimentaires d'origine animale ne permettrait pas d'abaisser les expositions au chlordécone car celles-ci sont majoritairement liées à la consommation de denrées issues de circuits informels, dans lesquels leur respect n'est pas assuré. Pour les populations surexposées, l'Agence considère donc plus pertinent d'agir par des recommandations de consommation. L'avis de l'ANSES est en cours d'examen par les ministères concernés afin d'y donner suite et de répondre aux préoccupations légitimes des Antillais.

Madame la députée, je peux d'ores et déjà vous confirmer le plein engagement de l'État dans le plan Chlordécone III et vous réaffirmer que nous réalisons de façon régulière des contrôles et des études sanitaires pour vérifier la qualité et l'innocuité des aliments. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes REM et MODEM.)

Données clés

Auteur : Mme Josette Manin

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Environnement

Ministère interrogé : Solidarités et santé

Ministère répondant : Solidarités et santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 24 janvier 2018

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