contrats aidés
Question de :
M. Serge Letchimy
Martinique (3e circonscription) - Nouvelle Gauche
Question posée en séance, et publiée le 10 août 2017
CONTRATS AIDÉS
M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy, pour le groupe Nouvelle Gauche.
M. Serge Letchimy. Monsieur le Premier ministre, face à cet événement, vous avez, bien sûr, tout notre soutien, et nous exprimons notre solidarité aux six militaires blessés et, plus largement, aux forces de l'ordre.
Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail et j'y associe ma collègue Ericka Bareigts. Madame la ministre, après cette lamentable décision de rabotage sans discernement de l'aide personnalisée au logement – APL –, après une réforme du code du travail qui fait du salarié une variable d'ajustement, après la diminution drastique des dotations de l'État aux collectivités territoriales, vous vous attaquez à l'un des socles de la solidarité nationale vis-à-vis de ceux qui sont en difficulté sur le marché du travail. Je veux parler des contrats aidés. Et vous n'y allez pas de main morte. Vous tranchez dans le vif, alors que ce dispositif d'aide à l'emploi, plus particulièrement destiné aux jeunes, est une alternative capitale. Il permet la mise en activité, sur l'ensemble du territoire national, de près de 350 000 personnes par an et facilite l'action de milliers d'associations et de collectivités dans le cadre de missions d'intérêt public.
M. Jean-Luc Reitzer. C'est le monde nouveau !
M. Serge Letchimy. Malgré les effets d'annonce de juillet, les nouvelles directives du ministère du travail sont tombées : dans l'Hexagone, il est prévu un rabotage de 50 % ; dans les outre-mer, confrontées au chômage de masse, la diminution est de 35 à 40 %. En Martinique, cela conduirait à supprimer 2 000 emplois. À La Réunion, c'est une baisse de 75 % pour le second semestre !
M. Jean-Luc Reitzer. C'est scandaleux !
M. Serge Letchimy. Madame la ministre, je veux vous mettre en garde, ainsi que la représentation nationale, contre l'idée que le marché peut tout réguler et trouver en lui-même son équilibre social. Face à une croissance économique faible, voire nulle, l'austérité aveugle aura des effets destructeurs sur le plan social et humain.
M. Patrick Hetzel. Il a raison !
M. Serge Letchimy. Les inégalités atteignent aujourd'hui des sommets. Vous allez les amplifier en remettant en cause le volume, la durée et le financement des contrats aidés. Vous allez mettre des milliers de jeunes dans la rue.
M. Patrick Hetzel. Très juste !
M. Serge Letchimy. Madame la ministre, l'inquiétude grandit dans le pays. Il nous faut sortir du flou : où en êtes-vous sur les contrats aidés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NG et sur quelques bancs du groupe LR.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur le député, je tiens d'abord à vous remercier de votre question, car il est important de parler, sur le fond, des contrats aidés. Sur le plan financier, nous avons trouvé, en mai, la situation suivante : 70 % du budget de l'année était consommé, avec une sous-budgétisation et une surconsommation. (« Macron était ministre ! » sur les bancs du groupe LR.)
M. Patrick Hetzel. C'est étonnant !
Mme Muriel Pénicaud, ministre . On l'a déjà dit à une autre occasion, mais cela vaut pour les contrats aidés. Nous avons créé 110 000 contrats aidés supplémentaires pour finir l'année, dans cette situation d'urgence.
Cela dit, votre question me donne l'occasion de traiter le sujet sur le fond. Les études de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques – DARES –, de l'Organisation de coopération et de développement économiques – l'OCDE –, comme celles de la Cour des comptes, montrent trois choses. Premièrement, les contrats aidés sont extrêmement coûteux pour la nation. Deuxièmement, ils ne sont pas efficaces dans la lutte contre le chômage. Troisièmement, ils ne sont pas un tremplin pour l'insertion professionnelle.
Dans le secteur marchand, où l’État les prend en charge à hauteur de 35 % du SMIC, ces contrats constituent un très fort effet d'aubaine : 63 % des contrats dans ce secteur auraient été signés sans l'aide de l’État, par les mêmes personnes et au même moment. Le rapport entre l'efficacité et le coût du dispositif est très mauvais : sept contrats aidés doivent être signés pour créer un emploi. Dans le secteur non marchand, l’État les prend en charge à hauteur de 75 % du SMIC – davantage dans les outre-mer –, mais le taux d'insertion reste très faible : seuls 26 % des bénéficiaires trouvent un emploi de longue durée.
M. Serge Letchimy. C'est faux !
Mme Muriel Pénicaud, ministre . La solution de long terme n'est pas de créer des emplois de court terme, précaires, en contrats aidés, mais d'investir dans la formation, dans le développement des compétences. C'est l'objet du grand plan d'investissement compétences que nous lancerons à l'automne. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)
Auteur : M. Serge Letchimy
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Emploi et activité
Ministère interrogé : Travail
Ministère répondant : Travail
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 août 2017