Question au Gouvernement n° 941 :
suicide dans l'administration pénitentiaire

15e Législature

Question de : Mme Huguette Bello
Réunion (2e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

Question posée en séance, et publiée le 31 mai 2018


SUICIDES DANS L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Huguette Bello. Madame la garde des sceaux, ministre de la justice, l'émotion est vive, à Fleury-Mérogis et à La Réunion où Alexandre Gonneau voulait repartir vivre et travailler. Ce 22 mai, ce jeune homme de 27 ans s'est suicidé ; dix jours plus tôt, une de ses collègues avait mis fin à ses jours ; dans l'intervalle, un gardien avait été blessé par un détenu radicalisé. Tous trois travaillaient au centre pénitentiaire de Fleury-Mérogis ; tous trois sont originaires des outre-mer.

Ces drames renvoient, une fois de plus, aux conditions de travail des surveillants pénitentiaires. Une surpopulation carcérale en augmentation constante, un personnel en sous-effectif chronique ont fini par provoquer un climat de violence et d'insécurité inouï. L'angoisse et le stress sont devenus le lot quotidien des surveillants.

Ces drames font aussi s'interroger sur des méthodes de management qualifiées de toxiques par celles et ceux qui les subissent et qui dénoncent la pression insoutenable et aveugle qu'on leur impose.

Avant de se jeter du haut du pont de Tancarville, Alexandre a donné plusieurs signes d'alerte. Après une agression dégradante de la part d'un détenu du quartier disciplinaire, il n'a même pas bénéficié du protocole de prise en charge prévu. Personne ne l'a accompagné à l'examen médical et il a dû se présenter seul à l'hôpital. Quinze jours d'arrêt maladie lui ont alors été prescrits pour cause de burn-out mais il ne terminera jamais sa première journée de reprise.

Fleury-Mérogis est la plus grande prison d'Europe. Elle est aussi celle où sont affectés de très jeunes fonctionnaires et où plus de la moitié des surveillants viennent des outre-mer. Les personnels comme leurs familles comptent sur vous, madame la ministre, pour faire toute la lumière sur ces suicides. Tous vous demandent de tirer fortement les leçons de ces drames. Je souhaite avec eux que le sort de nos jeunes ne soit pas oublié. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, NG et FI, sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM, sur quelques bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, votre question fait écho à la fois à des drames individuels et à une interpellation collective. Les drames individuels, vous les avez énoncés fort justement en évoquant la situation d'une surveillante qui a mis fin à ses jours une semaine environ avant la disparition de M. Gonneau. Elle était atteinte d'une longue et douloureuse maladie et son entourage a expressément demandé à notre administration d'être silencieuse et d'observer la plus grande discrétion sur ce sujet.

Alexandre Gonneau a lui été la victime collatérale d'une agression contre un autre détenu, ayant été atteint par un jet de liquide. Il n'a pas voulu porter plainte immédiatement et c'est sa hiérarchie et ses collègues présents qui ont dû insister pour qu'il accepte de déclarer l'incident en accident du travail. Il a alors fait l'objet de l'accompagnement qui s'impose et il n'a pas jugé immédiatement nécessaire d'être accompagné à l'hôpital.

En toute hypothèse, il s'agit bien de drames individuels (Exclamations sur les bancs du groupe FI), qui évidemment nous interpellent collectivement, et j'en ai pleinement conscience, madame la députée.

Au-delà de ces situations individuelles, il est certain que la difficulté particulière et les risques entourant les métiers pénitentiaires méritent notre plus grande attention : c'est ce que nous faisons avec la plus grande vigilance. La direction de l'administration pénitentiaire, eu égard aux difficultés inhérentes au contexte carcéral, travaille de longue date sur la question des suicides. Un accompagnement pluridisciplinaire autour d'un réseau de psychologues a été mis en place, des outils d'information et de formation sont déployés et des travaux sont conduits sur les rythmes de travail et la qualité de vie au travail. Vous pouvez être assurée, madame la députée, de mon engagement personnel pour que ces questions collectives ne débouchent pas sur des souffrances personnelles. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

Données clés

Auteur : Mme Huguette Bello

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Lieux de privation de liberté

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 31 mai 2018

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