Question au Gouvernement n° 966 :
protection des données personnelles

15e Législature

Question de : M. Patrick Mignola
Savoie (4e circonscription) - Mouvement Démocrate et apparentés

Question posée en séance, et publiée le 7 juin 2018


PROTECTION DES DONNÉES PERSONNELLES

M. le président. La parole est à M. Patrick Mignola, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.

M. Patrick Mignola. Monsieur le secrétaire d'État au numérique, il y a quarante-huit heures, nous apprenions que Facebook avait livré les données personnelles de ses utilisateurs à des fabricants de smartphones.

Mme Véronique Louwagie. Inadmissible !

M. Patrick Mignola. Cette pratique abusive avait été relevée et interdite par le gendarme du commerce américain dès 2011, mais Facebook n'aurait réellement contrôlé ces accès qu'à partir d'avril 2018, au moment du scandale Cambridge Analytica.

Vos amis sur Facebook, mes chers collègues, sont donc à leur insu les amis de Blackberry, Apple et Samsung – et maintenant des chinois Huawei ou Lenovo, comme Facebook vient de l'avouer ce matin, devant le Congrès américain.

L'adage se vérifie : quand c'est gratuit, c'est que c'est vous le produit ! (MM. Philippe Michel-Kleisbauer, Bruno Millienne et Jean Lassalle applaudissent.) Le modèle du réseau social est d'abord fondé sur la vente de données.

La démocratie est en jeu. Les géants de l'internet ne paient pas d'impôts, ils diffusent des fake news, ils pillent les productions de presse et, maintenant, ils portent délibérément atteinte aux libertés publiques ! (« Bravo ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe MODEM. – MM. Fabrice Brun et Jean Lassalle applaudissent aussi.)

Ce n'est pas parce que nous avons besoin d'un monde digital et des potentialités qu'il offre que cela l'exonère de respecter les règles. C'est une révolution industrielle, qui, comme toute révolution, porte en son sein des bienfaits et des dérives. Elle ne doit ni impressionner ni déstabiliser la démocratie.

La machine à vapeur avait conduit à Germinal, la révolution électrique avait éloigné du développement un grand nombre de continents. Le numérique rapproche les hommes tout en marchandisant leur vie privée. Nos vies valent plus que leurs profils ! (Exclamations et rires.)

Mme Muriel Ressiguier. Très bien !

M. Stéphane Peu. Bienvenue chez nous !

M. Patrick Mignola. Monsieur le secrétaire d'État, il importe que vous informiez la représentation nationale des initiatives de la France pour réguler la construction du data, pour renforcer la capacité des consommateurs à se protéger, pour remettre de l'éthique dans cette captation aujourd'hui sauvage, pour remettre de la transparence dans la monétisation des données, entre ceux qui les produisent, ceux qui les diffusent et ceux qui les utilisent, et, surtout, pour faire respecter la loi. À quoi cela sert-il d'adopter un règlement général sur la protection des données si les GAFA – Google, Apple, Facebook, Amazon – pensent pouvoir s'en dispenser ? (« Bravo ! » et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM, LaREM, LR, GDR et FI ainsi que parmi les députés non inscrits.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du numérique.

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État chargé du numérique. Monsieur le député, cette question,…

M. Patrick Hetzel. …est téléphonée ! (Sourires.)

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État . …vous auriez pu me la poser il y a un an, il y a six mois, il y a trois mois ; vous auriez pu me la poser au moment du scandale Cambridge Analytica, au moment de la fuite de données chez Uber ; vous auriez pu me la poser régulièrement. Et si l'on ne fait rien, vous pourrez continuer à me la poser pendant très longtemps, au rythme de tous les abus.

Pourtant, nous avons commencé à travailler, avec notamment, vous l'avez rappelé, la mise au point du règlement général de la protection des données, le RGPD – quand je dis « nous », je fais référence à toutes les nations européennes. Le RGPD est la première brique de la souveraineté numérique européenne. Il est entré en vigueur il y a un peu plus de dix jours. C'est encore un nouveau-né ; il nous appartient de le faire grandir.

Nous devons cependant aller beaucoup plus loin. Nous devons construire un véritable pacte mondial autour du numérique, un pacte dans lequel la France devra jouer un rôle particulier. Tel était l'objet du sommet Tech For Good, qui a eu lieu à Paris et à l'occasion duquel le Président de la République et le Premier ministre ont pu rappeler quelques règles. Ces règles, j'ai aussi eu l'occasion de les rappeler, avec le Président de la République, à Mark Zuckerberg lui-même, que nous avons reçu pour un entretien. Nous avons abordé ensemble de nombreux sujets : les sujets économiques, les sujets sociaux, les sujets sociétaux.

Aujourd'hui, il faut que nous soyons capables de tous nous mobiliser. C'est pourquoi, lors du salon VivaTech, le Président de la République et moi avons annoncé le lancement d'états généraux mondiaux des régulations du numérique. Ces états généraux seront mondiaux, parce qu'il faudra engager des discussions à tous les niveaux.

Toutefois, le niveau essentiel, c'est l'échelon européen. C'est pourquoi je rencontre, depuis quelques mois, tous mes homologues et partenaires en Europe – j'étais hier aux Pays-Bas. Je peux vous dire que tous ces pays sont aujourd'hui prêts à engager cette discussion. Ce que nous avons à définir, ce ne sont ni plus ni moins que les nouvelles règles de vie dans une société où le numérique sera installé profondément, durablement. Il permettra le meilleur si l'on donne les règles pour éviter le pire. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

Données clés

Auteur : M. Patrick Mignola

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Numérique

Ministère interrogé : Numérique

Ministère répondant : Numérique

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 juin 2018

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