réforme de l'apprentissage
Question de :
M. Joël Aviragnet
Haute-Garonne (8e circonscription) - Nouvelle Gauche
Question posée en séance, et publiée le 7 juin 2018
RÉFORME DE L'APPRENTISSAGE
M. le président. La parole est à M. Joël Aviragnet, pour le groupe Nouvelle Gauche.
M. Joël Aviragnet. Monsieur le Premier ministre, demain, jeudi 7 juin, j'aurai l'honneur de vous accueillir dans ma circonscription, en Comminges-Savès, pour visiter un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.
Si je peux me permettre de vous faire une suggestion d'agenda, je vous conseille de vous rendre également dans le centre de formation d'apprentis de ma circonscription, à Gourdan-Polignan. Là, vous aurez le loisir d'expliquer à nos jeunes apprentis qu'avec votre réforme de l'apprentissage vous réduisez les financements des CFA dans les territoires (Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM),…
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Ce n'est pas vrai.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. N'importe quoi !
M. Joël Aviragnet. …de sorte que les CFA considérés comme économiquement non rentables verront de nombreuses formations fermer.
Vous leur ferez comprendre, j'en suis sûr, qu'à cause de votre réforme ultralibérale…
M. Fabien Di Filippo. Ultralibérale et centralisatrice !
M. Patrick Mignola. Procès d'intention !
M. Erwan Balanant. Mensonge !
M. Joël Aviragnet. …et de l'instauration d'un financement des CFA au contrat, ils ne pourront aller jusqu'au bout de leur formation ou devront parcourir 150 kilomètres pour apprendre leur métier.
Dans la région Occitanie, monsieur le Premier ministre, 623 formations en apprentissage, rien de moins, sont menacées par la réforme, alors que nous connaissions une hausse inédite de 4,4 % du nombre d'apprentis par an !
J'ajoute que, jusqu'à présent, les régions avaient la compétence des politiques d'apprentissage, ce qui leur permettait de conduire une réelle politique d'aménagement du territoire et d'avoir une vraie vision pour l'apprentissage. Or, par sa réforme, le Gouvernement retire cette compétence aux régions pour la confier à une agence administrative, ce qui traduit une conception centralisatrice et parisienne du pouvoir. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) C'est la première fois, depuis 1982 et la création des régions comme collectivités territoriales de plein exercice, qu'on leur retire une compétence.
M. Patrick Hetzel. C'est vrai!
M. Joël Aviragnet. Nous savions que votre gouvernement était libéral. Nous constatons désormais qu'il est aussi le gouvernement le plus jacobin et le plus centralisateur de la Ve République. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Patrick Hetzel. Bravo !
M. Joël Aviragnet. Monsieur le Premier ministre, quelle est donc cette manie de confier à des technocrates le soin de décider à Paris de ce qui est bon pour nos territoires ? Comptez-vous effectivement désavouer les régions, au risque de mettre en péril les CFA dans nos territoires ? (Applaudissements sur les bancs des groupes NG et GDR et sur plusieurs bancs du groupe LR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. David Habib. L'homme de la province !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale. Je pensais, monsieur le député, que le jacobinisme, historiquement, était plutôt identifié à Vauban (« Colbert ! » sur les bancs du groupe NG. – Exclamations sur les bancs du groupe LaREM), mais je dois avoir de mauvaises connaissances historiques. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. David Habib. En plus, il est mauvais !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je suis heureux de pouvoir répondre à votre question en l'absence de Muriel Pénicaud, car j'ai beaucoup travaillé avec elle en vue de la présentation de sa réforme de l'apprentissage.
Ce que nous avons fait est assez inédit.
M. David Habib. Qui a fait la décentralisation ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Nous avons su dépasser le clivage traditionnel et totalement inutile qui séparait jusqu'à présent l'apprentissage et l'enseignement professionnel. Car la première chose qui devrait vous scandaliser, c'est qu'il y a aujourd'hui, en France, 300 000 postes qui pourraient être pourvus et ne le sont pas, parce que notre formation professionnelle n'est pas adaptée à notre société et à notre économie. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.) Ce sont autant de chances perdues pour les jeunes de France.
Jeudi et vendredi derniers, j'ai circulé dans plusieurs départements de Normandie, à la rencontre des lycées professionnels. Mon message consistait à leur dire qu'ils avaient une occasion formidable à saisir : tous les lycées professionnels de France pourront saisir l'occasion qu'offre cette loi d'ouvrir l'apprentissage dans notre pays.
Aujourd'hui, nous avons 300 000 apprentis ; il en faut beaucoup plus, à l'image de nos voisins en meilleure santé économique. Nous avons 700 000 élèves en lycée professionnel ; nous pouvons aussi en avoir davantage. Ce sont eux qui seront à la pointe des compétences du XXIe siècle, grâce à l'alternance entre l'entreprise et le lycée.
Ce que je décris existe déjà ; simplement, nous voulons le développer quantitativement et qualitativement, au bénéfice de nos jeunes et de notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Si nous réalisons ce projet, cela entraînera la personnalisation des parcours, de l'emploi pour nos jeunes et une renaissance des territoires. Car les lycées professionnels que j'ai visités ne sont pas à Paris, monsieur le député : ils sont justement dans ces territoires, parfois même dans les territoires ruraux, qui peuvent saisir cette chance de renaissance économique et sociale. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Auteur : M. Joël Aviragnet
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Formation professionnelle et apprentissage
Ministère interrogé : Éducation nationale
Ministère répondant : Éducation nationale
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 juin 2018