Sinistrés du Teil
Question de :
M. Hervé Saulignac
Ardèche (1re circonscription) - Socialistes et apparentés
M. Hervé Saulignac alerte M. le ministre de l'intérieur sur la double peine que subissent les sinistrés du Teil, six mois après le séisme. Il y a 6 mois, presque jour pour jour, le Teil a subi le plus important séisme que la France métropolitaine ait connu depuis 40 ans. Alors que la vie commençait à peine à reprendre, le confinement a été le coup de grâce. Les travaux ont pris un retard considérable, 700 familles restent à ce jour délogées, un quart des habitations sinistrées n'ont pas été expertisées et, dans 80 % des situations, les travaux n'ont pas commencé. Tous les jours, des lenteurs et des cafouillages dans les processus d'expertise sont constatés en raison du nombre des intervenants et de leur diversité, d'une part, et du manque de pilotage de la part des assureurs, d'autre part. Sont constatées également des différences considérables d'appréciation du caractère déterminant du séisme dans la survenance des dommages et des propositions de réparation à géométrie très variable, d'un expert à l'autre et d'un assureur à l'autre. Cette problématique est bien connue dans le domaine des catastrophes naturelles mais elle prend, au Teil, un retentissement particulier, du fait de la spécificité de ce sinistre séisme. Les conséquences de ces retards et cette iniquité de traitement sont dramatiques : les frais de relogement ne seront bientôt plus pris en charge par les assurances et de nombreux sinistrés risquent d'être privés de l'indemnisation différée correspondant à la valeur à neuf. Le « collectif pour les sinistrés », avec l'appui de la mairie et des services de l'État, tente d'obtenir, depuis des semaines, des améliorations de traitement de la part des assureurs. Pour autant, les discussions avec la fédération française des assurances n'aboutissent pas. Aussi, il sollicite ardemment son appui pour faire pression sur les assureurs afin que la situation puisse se débloquer, que les iniquités de traitement soient aplanies, et que les Teillois puissent, enfin, panser leurs plaies et se tourner vers un avenir meilleur.
Réponse en séance, et publiée le 9 décembre 2020
SINISTRÉS DU TEIL
M. le président. La parole est à M. Hervé Saulignac, pour exposer sa question, n° 1049, relative aux sinistrés du Teil.
M. Hervé Saulignac. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, qui, il y a six mois presque jour pour jour, s'était rendu au Teil, commune victime du séisme le plus important que la France métropolitaine ait connu depuis quarante ans.
Alors que la vie reprenait ses droits, le confinement a ajouté une épreuve à l'épreuve. Les travaux ont pris un retard considérable, 700 familles restent à ce jour délogées, un quart des habitations sinistrées n'ont pas été expertisées et, dans 80 % des cas, les travaux n'ont même pas commencé. Tous les jours, on déplore des lenteurs voire – je suis tenté d'employer le mot – des cafouillages regrettables dans les procédures d'expertise, en raison du nombre des intervenants, d'une part, et du manque de pilotage de la part des assureurs, d'autre part. Certains experts admettent le caractère déterminant du séisme dans la survenance des dommages, tandis que d'autres le refusent ; s'ensuivent des propositions de réparation à géométrie très variable, d'un expert ou d'un assureur à l'autre. Désormais, la lassitude et parfois l'exaspération prennent le pas sur la patience ; ayant souvent l'occasion de croiser des Teillois, je peux malheureusement en témoigner. Ces retards aggraveront les difficultés du quotidien : les frais de relogement, pour les rares personnes qui en bénéficient, ne seront bientôt plus pris en charge par les assurances, et de nombreux sinistrés risquent d'être privés de l'indemnisation différée correspondant à la valeur à neuf.
Depuis des semaines, le Collectif pour les sinistrés du séisme du 11-11-2019, avec le soutien de la mairie et des services de la préfecture de l'Ardèche, tente d'obtenir des améliorations de traitement de la part des assureurs, mais les discussions avec la Fédération française de l'assurance n'aboutissent pas. Aussi, je sollicite ardemment votre appui pour faire pression sur les assureurs afin que cessent les légèretés, les traitements inéquitables et incompréhensibles. Je demande au Gouvernement d'intervenir le plus fermement possible, afin que les retards imputables aux assurances donnent lieu à des prises en charge de loyers. Surtout, je vous demande d'entendre les Teillois, qui ont besoin d'envisager rapidement un avenir meilleur et de savoir que le Gouvernement ne les oublie pas.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics. Monsieur Saulignac, le séisme du Teil, survenu le 11 novembre 2019, a causé de nombreux dégâts dans la vallée du Rhône, que vous connaissez bien, notamment dans le département de l'Ardèche, pour lequel nous avons un attachement commun. Une fois de plus, le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles a fait ses preuves, grâce à une réaction rapide : quarante communes ont été reconnues en état de catastrophe naturelle et plus de 13 000 sinistres ont été recensés dans ce cadre par les assureurs. Les dernières estimations, datant de février, font état de dommages supérieurs à 170 millions d'euros, dont environ la moitié seront pris en charge par la caisse centrale de réassurance.
Nous avons pleinement conscience des difficultés rencontrées par les assurés pour être indemnisés, aggravées par la crise des dernières semaines, mais consécutives au cumul de plusieurs facteurs de complication. Premièrement, comme les dégâts touchent souvent la structure des bâtiments, les expertises à mener sont nombreuses, ce qui a créé un goulet d’étranglement pour les bureaux techniques, d'autant plus que le confinement a empêché nombre de déplacements et de visites. Deuxièmement, dans la commune du Teil, les édifices sont souvent imbriqués ; par conséquent, avant de réparer un bâtiment sinistré ou de le démolir en vue de sa reconstruction, il faut prendre en considération les solutions envisagées pour les propriétés mitoyennes endommagées, ce qui contribue à ralentir les opérations et conduit à la multiplication des échanges entre compagnies d'assurances, au point qu'ils peuvent paraître incessants.
Comme vous l'avez indiqué, la préfecture anime un groupe de travail sur les assurances, auquel participe notamment un correspondant sur place de la Fédération française de l’assurance. L'État a déployé des moyens spécifiques, avec notamment la nomination d'une préfète déléguée, accompagnée de cadres de l'État, afin d'assurer le meilleur suivi possible des travaux.
Nous avons signalé la situation à la Fédération française de l'assurance : j'apporte une réponse positive à votre demande d'interpeller, d'inciter et d'accompagner les assureurs pour qu'ils prennent en considération les difficultés des Teillois. Nous espérons en outre que le déconfinement accélère le cours des événements et nous avons demandé aux assureurs de relancer activement les experts afin d’accélérer le lancement des travaux.
Enfin, vous évoquez le délai de reconstruction, limité contractuellement à deux ans. Le séisme n'étant intervenu qu'en novembre dernier, je ne crois pas que la situation exige, à ce stade, de l'allonger. Je précise toutefois que si de nouvelles difficultés émergeaient, la question se poserait, à l’image de ce qui a été fait pour certains sinistrés de l’ouragan Irma. Là encore, nous travaillerons avec la Fédération de l'assurance. Il est évident que les retards imputables aux assureurs ou au confinement ne doivent en rien porter préjudice aux assurés de Teil.
Pour conclure, je voudrais souligner que le Gouvernement est présent aux côtés des Teillois, comme vous le savez. Il a dégagé des moyens juste après le sinistre et créé la cellule de travail que j'évoquais.
En outre, conscients des conséquences particulièrement graves, nous avons pris des mesures fiscales, à propos desquelles vous nous avez interpellés il y a quelques mois. Les propriétaires et les locataires locaux ayant fait l'objet d'un arrêté de péril portant interdiction d'accès ou d'occupation ont bénéficié d'un dégrèvement de leur taxe foncière sur les propriétés bâties ainsi que de la taxe d'habitation, au titre de l'exercice 2019 ; dans la commune du Teil, plus de 1 300 locaux ont été concernés par cette disposition. Dans la même logique, les bailleurs ont pu solliciter un dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés bâties, en cas de vacance involontaire de plus de trois mois de leur logement destiné à la location. Nous avons adopté des mesures assez similaires pour les entreprises, avec des possibilités de dégrèvement de cotisation foncière des entreprises, notamment pour les mois restant à courir en cas de cessation totale d'activité. En outre, les acomptes de l'impôt sur les sociétés pour l'exercice 2019 ont été reportés et ceux de l'impôt sur les revenus ont été modulés. Nous resterons présents aux côtés des Teillois et nous continuerons à répondre aux sollicitations des élus locaux.
Auteur : M. Hervé Saulignac
Type de question : Question orale
Rubrique : Catastrophes naturelles
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 mai 2020