Question orale n° 1055 :
Situation des couturiers et costumiers professionnels indépendants

15e Législature

Question de : Mme Danièle Obono
Paris (17e circonscription) - La France insoumise

Mme Danièle Obono attire l'attention de Mme la ministre du travail sur la situation des couturiers et costumiers professionnels indépendants.

Réponse en séance, et publiée le 9 décembre 2020

COUTURIERS ET COSTUMIERS INDÉPENDANTS
M. le président. La parole est à Mme Danièle Obono, pour exposer sa question, n°  1055, relative aux couturiers et costumiers indépendants.

Mme Danièle Obono. Au pic de la crise sanitaire, faute de mesures adéquates prises par le Gouvernement, le pays a connu une pénurie de masques et autres équipements de protection. Dans un élan de solidarité, des milliers de couturiers et couturières, costumiers et costumières, bénévoles et professionnels, en ont confectionné, avec leurs propres moyens, afin d'approvisionner la population des quartiers, des centres hospitaliers proches ou des personnels administratifs.

Ce geste a rapidement été instrumentalisé, favorisant une surexploitation. Des communautés de communes et entreprises qui manquaient de personnel ont fait appel à leurs services, imposant de plus en plus de contraintes, avec des demandes exigeant jusqu'à 10 heures de travail journalier. Beaucoup n'ont pas été rémunérés du tout, d'autres ont reçu une compensation, nettement insuffisante, de 40 centimes par masque. Or, la plupart de ces personnes sont précaires, voire ne touchent aucune autre rémunération ; elles ont souvent fourni elles-mêmes les tissus, ou ont pris sur leurs fonds propres pour acheter tissu et élastiques. Dans d'autres cas, elles ont été embauchées dans le cadre de contrats d'insertion sous rémunérés, au lieu de contrats réguliers. Lorsque l'État a passé les premières commandes industrielles, elles en ont été écartées : le processus d'homologation favorisait les grosses productions, ce qui pose un problème de concurrence déloyale.

Aujourd'hui ces travailleurs font face à un autre problème : faute de planification par l'État, après la pénurie, nous voici en surproduction, l'importation de masques jetables antiécologiques ayant été privilégiée au détriment des masques lavables produits en France. Les couturiers et costumiers se trouvent donc doublement pénalisés : après avoir été surexploités, ils sont désormais mis au rebut. Parmi ces indépendants, 1 658 professionnels se sont regroupés au sein du collectif Bas les masques, pour dénoncer les heures de travail non rémunérées et l'emploi d'une main-d'œuvre sous- payée au profit de grosses entreprises ou de collectivités, ce qui dépasse largement le cadre d'un travail ponctuel bénévole, déterminé par la solidarité.

Le collectif a constitué un dossier très complet, que je tiens à la disposition des ministres. Il demande la valorisation des heures effectuées, l'assurance que l'emploi de bénévoles pour pallier une pénurie ne crée pas un précédent et qu'en cas de nouvelle crise, l'État impose que les entreprises obtenant des marchés embauchent régulièrement et offrent une rémunération à un taux horaire adéquat. Quelle réponse le Gouvernement entend-il apporter à ces revendications légitimes ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du numérique.

M. Cédric O, secrétaire d'État chargé du numérique. Vous m’interrogez sur la situation des couturiers et costumiers professionnels indépendants. En premier lieu, je salue ces professionnels qui se sont mobilisés rapidement pour répondre aux besoins de production de masques en faveur de l’ensemble de nos concitoyens. Comme vous le savez, pour assurer la production des masques, le Gouvernement a fortement mobilisé l’industrie textile française, qui a répondu à l’appel, avec désormais plus de 400 entreprises qualifiées dans la production de masques « grand public ». Plus de 20 millions de masques sont fabriqués chaque semaine en France.

Comme tout professionnel, les couturiers et costumiers sont concernés par les mesures de soutien instaurées depuis le début de la crise. Ainsi, en tant que professionnels indépendants, ils relèvent du fonds de solidarité, instauré par l’État et les régions, qui vise à soutenir les très petites entreprises, les micro-entrepreneurs, les indépendants et les professions libérales les plus touchées par la crise. En outre, la subvention « Prévention covid » a pour objet d’aider financièrement à prévenir la transmission du coronavirus au travail. Destinée aux entreprises de moins de cinquante salariés et aux travailleurs indépendants sans salariés, qu’ils soient commerçants, artisans ou exerçant une profession libérale, elle les soutient dans l’achat ou la location d’équipements consacrés à prévenir le covid-19 au travail.

Je peux également citer les aides proposées par le conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants : les artisans et commerçants, ainsi que leurs conjoints collaborateurs, relevant du régime complémentaire des indépendants, ont perçu fin avril ou début mai, de manière automatique, une aide de la caisse de sécurité sociale des travailleurs indépendants. Pour être éligible à cette aide, il convenait d’être en activité au 15 mars 2020 et d'avoir été immatriculé avant le 1er janvier 2019.

La palette large de ces mesures, qui interviennent en complément de celles prises par les régions et les autres collectivités, permettront aux plus petites entreprises et aux travailleurs indépendants sans salariés de mieux faire face à la crise.

Enfin, je tiens à souligner que, sensible à la situation de ces secteurs, le Gouvernement a permis la réouverture des commerces textiles, tels que les merceries, avant le 11 mai, pour que les couturiers et costumiers indépendants puissent s’approvisionner en matières premières.

M. le président. La parole est à Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Telle n'était absolument pas la question que je vous posais. J'interroge votre Gouvernement sur les mesures concernant ce qui s'est passé : le travail dissimulé, la surexploitation de ces travailleurs et travailleuses. Il ne s'agit pas de me répondre que des aides existent – ces personnes sont au courant, même s'il leur est parfois difficile d'y avoir accès. Elles demandent que soient payées les heures travaillées pour aider au moment du pic de la crise, alors que le Gouvernement était incapable de pourvoir aux besoins.

Ces personnes se sont engagées et n'ont pas été rémunérées comme elles l'auraient dû : il s'agit de faire en sorte que le ministère de l'économie et des finances et le ministère du travail accomplissent leur tâche pour les protéger, faire en sorte qu'elles soient rémunérées et que ce type de surexploitation ne se reproduise plus. Encore une fois, après avoir tellement mal anticipé et planifié qu'on se retrouve dans une situation de surproduction, impliquant des personnes précaires surexploitées et qui ne seront pas rémunérées, nous vous demandons de prendre vos responsabilités et de résoudre ce problème de justice sociale par une juste rémunération du travail effectué.

Données clés

Auteur : Mme Danièle Obono

Type de question : Question orale

Rubrique : Commerce et artisanat

Ministère interrogé : Travail

Ministère répondant : Agriculture et alimentation

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 juin 2020

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