Réforme du régime des catastrophes naturelles
Question de :
Mme Sylvie Tolmont
Sarthe (4e circonscription) - Socialistes et apparentés
Mme Sylvie Tolmont attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la nécessaire réforme du régime des catastrophes naturelles. Le préambule de la Constitution de 1946 a consacré, en son alinéa 12, les principes de solidarité et d'égalité de tous les citoyens devant les charges qui résultent des calamités nationales. Comme cela a justement été rappelé dans une récente mission d'information du Sénat, la France, compte tenu de sa situation géographique et du changement climatique, est particulièrement exposée à ces catastrophes naturelles, constituant autant de risques pour les personnes et les biens. Or, face à ces catastrophes, le régime d'indemnisation se révèle inadapté. En effet, sa procédure, laquelle gravite autour d'une commission interministérielle dont la composition ainsi que les critères d'appréciation apparaissent particulièrement obscurs, n'assure pas suffisamment d'équité, d'efficacité ni de transparence. Comme ailleurs, de nombreuses communes de la circonscription de Mme la députée (24 communes dans le département) n'ont pas été reconnues en état de catastrophe naturelle, privant, de fait, de nombreux concitoyens de toute possibilité d'indemnisation par leur assurance. Ces citoyens, lorsqu'ils ne sont pas directement frappés dans leur chair, voient leur foyer, fruit des économies d'une vie, gravement sinistré. Pour répondre à la nécessité de réformer ce régime d'indemnisation, une proposition de loi a été adoptée en première lecture au Sénat le 15 janvier 2020. Celle-ci apporte des modifications bienvenues et pourrait utilement être complétée, notamment, pour prendre en compte des phénomènes spécifiques, telle la sécheresse-réhydratation des sols dont les effets ont la particularité de ne pouvoir être immédiatement perceptibles ni directement imputables à un phénomène climatique. Aussi, elle souhaite savoir si le Gouvernement est favorable à une telle modification législative, laquelle s'avère aujourd'hui nécessaire pour faire évoluer les critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle et les délais pour agir. En ce sens, elle lui demande s'il accepterait d'inscrire cette proposition de loi à l'agenda de l'Assemblée nationale.
Réponse en séance, et publiée le 9 décembre 2020
RÉFORME DU RÉGIME DES CATASTROPHES NATURELLES
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Tolmont, pour exposer sa question, n° 1078, relative à la réforme du régime des catastrophes naturelles.
Mme Sylvie Tolmont. Le préambule de la Constitution de 1946 a consacré, en son alinéa 12, les principes de solidarité et d'égalité de tous les citoyens devant les charges qui résultent des calamités nationales.
Comme cela a été rappelé dans une récente mission d'information du Sénat, notre pays, compte tenu de sa situation géographique et du changement climatique en cours, est particulièrement exposé à ces catastrophes naturelles. Or, face à celles-ci, notre régime d'indemnisation se révèle inadapté. En effet, sa procédure, qui gravite autour d'une commission interministérielle dont la composition ainsi que les critères d'appréciation apparaissent particulièrement obscurs, n'assure pas suffisamment d'équité, d'efficacité ni de transparence.
J'ai déjà alerté M. le ministre de l'économie et des finances sur cette question en lui faisant part du désarroi des sinistrés de ma circonscription – réunis dans l'association « Les Oubliés de la canicule » –, dont les habitations ont subi de gros dégâts à la suite des forts épisodes de sécheresse de 2018 et 2019. En effet, alors que ce phénomène climatique s'est observé de la même façon dans l'ensemble du département de la Sarthe, seules cinq des vingt-cinq communes concernées ont été reconnues en état de catastrophe naturelle, privant, de fait, de nombreux concitoyens de toute possibilité d'indemnisation par leur assurance.
Pour répondre à la nécessité de réformer notre régime d'indemnisation, une proposition de loi, défendue par notre collègue sénatrice Nicole Bonnefoy, a été adoptée en première lecture au Sénat le 15 janvier dernier. Ce texte apporte des modifications bienvenues et pourrait utilement être complété, notamment pour prendre en considération des phénomènes spécifiques, telle la sécheresse-réhydratation des sols dont les effets ont la particularité de ne pouvoir être immédiatement perceptibles ni directement imputables à un phénomène climatique.
Aussi aimerais-je tout simplement savoir, d'une part, si le Gouvernement est favorable à cette nécessaire modification législative visant à faire évoluer les critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle et, d'autre part, quels sont les délais pour agir. Monsieur le secrétaire d'État, acceptez-vous d'inscrire cette proposition de loi à l'agenda de l'Assemblée nationale ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du numérique.
M. Cédric O, secrétaire d'État chargé du numérique. Depuis sa création en 1982, le régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles a prouvé de nombreuses fois sa solidité et sa légitimité. Au total, 36 milliards d'euros d'indemnités ont été versés, soit environ 1 milliard par an, dont 150 millions au titre des inondations et 400 millions au titre de la sécheresse. Environ 2 milliards d'euros ont été versés à la suite de l'ouragan Irma qui avait dévasté les îles Saint-Martin et Saint-Barthélemy, dont plus de 80 % supportés par la Caisse centrale de réassurance. Au total, environ 3 300 reconnaissances de l'état de catastrophes naturelle sont accordées par an, au bénéfice de millions de sinistrés sur la quasi-totalité du territoire français.
La composition et l'organisation de la commission chargée d'étudier les demandes communales permettent aujourd'hui un fonctionnement souple de cette enceinte à vocation purement technique qui, depuis 2018, s'est réunie quinze à dix-huit fois par an et a traité entre 7 000 et 8 000 demandes communales de reconnaissance.
Le Gouvernement poursuit constamment l'objectif, que vous avez évoqué, d'amélioration de la transparence et de la qualité des motivations des décisions de reconnaissance et de non-reconnaissance. Des efforts ont été réalisés en ce sens ces derniers mois. Ainsi, l'application informatique iCatNat a amélioré de façon significative la transparence pour les communes de France.
Cependant, vous avez raison, nous pouvons faire mieux. Le Président de la République a d'ailleurs appelé de ses vœux une réforme de l'indemnisation en cas de catastrophe naturelle. La France, déjà fortement exposée à de tels risques, pourrait en effet voir son degré d’exposition augmenter en fréquence et en intensité. Selon les projections de la Caisse centrale de réassurance, sur la base des résultats du GIEC, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, le coût des indemnisations en cas de catastrophe naturelle pourrait augmenter de 50 % à horizon 2050. Le régime doit donc être modernisé afin de s'adapter à l'évolution des risques et aux enjeux du changement climatique. Le Gouvernement se réjouit que cet objectif soit partagé par les deux assemblées.
S'agissant de la proposition de loi que vous mentionnez, le Gouvernement a présenté son point de vue lors du vote en séance plénière au Sénat le 15 janvier. Il partage le souhait d'améliorer la transparence de la procédure de reconnaissance, d'inciter à la prévention, de participer à l'institution d'une culture du risque et d'adapter le dispositif aux besoins des assurés. Des expertises complémentaires sont nécessaires sur ces différentes thématiques afin de retenir les dispositions les plus pertinentes et de parvenir à un dispositif techniquement abouti. Le Gouvernement engagera prochainement une consultation avec l'ensemble des parties prenantes afin d'approfondir collectivement ce travail.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Tolmont.
Mme Sylvie Tolmont. En vous écoutant, j'ai bien compris qu'encore une fois, il était urgent d'attendre de nouvelles consultations ! Je vous répète donc que cette proposition de loi a été adoptée à l'unanimité au Sénat. Imaginez-vous, pendant ce temps, la détresse insupportable dans laquelle se trouvent ces personnes qui voient un bien, pour lequel elles se sont engagées le plus souvent sur le long terme, complètement détruit, et qui sont exposées à des risques pour leur santé ? Il me semble vraiment urgent de prendre en considération ce désarroi et ces difficultés. L'inscription de cette nouvelle proposition de loi au calendrier de notre assemblée permettrait peut-être une grande avancée sur cette question.
Auteur : Mme Sylvie Tolmont
Type de question : Question orale
Rubrique : Catastrophes naturelles
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Économie et finances
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 juin 2020