Statut et précarité des étudiants et internes en médecine dans la crise covid-19
Question de :
M. Christian Hutin
Nord (13e circonscription) - Socialistes et apparentés
M. Christian Hutin alerte M. le ministre des solidarités et de la santé sur le statut et la précarité des étudiants et des internes en médecine, volontaires dans la crise sanitaire liée au covid-19.
Réponse en séance, et publiée le 9 décembre 2020
ÉTUDIANTS ET INTERNES EN MÉDECINE ET CRISE SANITAIRE
M. le président. La parole est à M. Christian Hutin, pour exposer sa question, n° 1079, relative aux étudiants et internes en médecine et crise sanitaire.
M. Christian Hutin. Ils étaient cent, ils étaient mille, ils ont peut-être été encore plus nombreux. Ils étaient en deuxième, en troisième, en sixième année de médecine et ont été les premiers à se dévouer, à se mobiliser, à la demande de la nation, pour suppléer le manque de personnel ou aider ceux qui étaient en première ligne.
Ils ont vite été oubliés. Je vous invite à ne pas faire de même dans le cadre du Ségur de la santé que vous avez préparé, et pour cela à lire le rapport de l'association nationale des étudiants en médecine de France, qui fait état de la précarité du statut des étudiants en médecine.
Tous les étudiants en médecine, n’ont pas des parents riches, loin de là. Très loin de là. Savez-vous combien touche un étudiant stagiaire en master non médical ? En gros, 3,80 euros nets par heure, ce qui n’est déjà pas grand-chose. Or un étudiant en médecine stagiaire de quatrième année touche 1,29 euro brut par heure ! Les étudiants en quatrième ou cinquième année de médecine, qui sont souvent déjà des parents, touchent 189 euros bruts par mois – sans compter que l'hôpital est parfois un peu éloigné. Et tous les hôpitaux ne disposent pas de chambres pour dormir lors des gardes de nuit, ce qui est aussi dangereux pour les soignants que pour les soignés. Puis les étudiants repartent chez eux après 48 heures sans dormir…
Est-ce que tout ça est raisonnable ? Non. Il y a une vraie précarité des étudiants en médecine. Il ne faut pas s'étonner du manque de vocations : très franchement, faire dix à douze années d'études dans de telles conditions… Il arrive même que certains étudiants prennent des gardes de 48 heures et passent un examen le lendemain ! C'est absolument inadmissible.
Dans le cadre du Ségur de la santé, ce problème ne peut être éludé. L'ensemble des associations corporatives et des syndicats des étudiants en médecine, ainsi que l'association nationale des étudiants en médecine de France, vous demandent aujourd'hui de faire quelque chose. Les pratiques que j'évoque sont quasiment hors la loi : il y a de quoi aller en justice. Or il s'agit d'agents du service public !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Les internes et les étudiants en médecine ont été fortement mobilisés dans le cadre de la crise sanitaire et je salue comme vous l'implication dont ils ont fait preuve. Ils ont été nombreux à s'être volontairement mobilisés sur le front hospitalier, dans les établissements médico-sociaux et en médecine de ville.
M. Christian Hutin. Absolument !
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État . Dès le début de la crise, nous avons été attentifs à ce que les étudiants et les internes bénéficient des mêmes mesures de protection que le personnel en exercice. L'impératif d'encadrement par un praticien senior, malgré des circonstances exceptionnelles, a été rappelé. Par précaution, nous avons annulé les stages de premier cycle de médecine.
Sur la base du volontariat, des réaffectations ont été autorisées. Ainsi, les internes volontaires se sont manifestés auprès des associations régionales de santé, qui ont coordonné le dispositif dans les différentes subdivisions. Des conventions ont été conclues avec les lieux d'accueil, ce qui a permis de les couvrir en cas de dommages.
Nous avons également été vigilants quant aux risques d'épuisement professionnel de tous les étudiants pendant cette période, en rappelant la nécessité de s'appuyer sur les services de santé au travail des établissements, ainsi que sur les cellules d'urgence médico-psychologique, et en créant une plateforme nationale d'écoute gratuite. Des initiatives associatives, départementales et ordinales ont également proposé de nombreux services d'accompagnement, que nous avons encouragés.
S’agissant de la reconnaissance de l’engagement des jeunes professionnels, le décret du 14 mai a instauré une prime exceptionnelle dont peuvent bénéficier les étudiants et internes qui ont participé à la gestion de la crise, dans le secteur hospitalier comme dans celui de la médecine de ville.
En ce qui concerne la précarité, les conditions matérielles que connaissent les étudiants et la charge de travail qu’ils supportent, les organisations représentatives des internes étudiants participent aux concertations du Ségur qu’ont lancées le Premier ministre et le ministre de la santé, et qui aboutiront notamment à l’élaboration d’un plan visant à renforcer l’attractivité de l’exercice médical à l’hôpital – qui est en effet en jeu, monsieur le député. Du reste, la concertation entre ces organisations et les services ministériels avait été ouverte avant même la crise du covid-19 – laquelle n’a fait qu’exacerber certaines tendances déjà observées – afin d’aborder l’ensemble de ces sujets sensibles et importants, qui seront donc de nouveau évoqués lors des concertations dans le cadre du Ségur.
M. le président. La parole est à M. Christian Hutin.
M. Christian Hutin. Je l'entendais en effet comme cela. J'ai présidé un ensemble de ces associations et je resterai carabin. Je me contenterai d'espérer que le comte de Ségur – le ministre Véran ! – fasse en sorte que les malheurs de Sophie ne soient pas ceux des étudiants. (Sourires.)
Auteur : M. Christian Hutin
Type de question : Question orale
Rubrique : Médecine
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 juin 2020