Question orale n° 1107 :
Soutenabilité économique de l'autosuffisance sanitaire

15e Législature

Question de : M. Jérôme Nury
Orne (3e circonscription) - Les Républicains

M. Jérôme Nury attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur les enjeux relatifs à l'autosuffisance de la France sur les éléments indispensables à sa sécurité sanitaire. Victime, au début de la crise sanitaire, d'une grave pénurie d'équipements nécessaires pour assurer la sécurité des citoyens, tous les moyens ont été mis en œuvre afin de surmonter ce manque, au niveau public certes, mais aussi et surtout au niveau privé. Introuvables au début de la crise sanitaire, les masques en tissu se trouvent désormais produits en grande quantité. Pour restaurer une offre suffisante, le Gouvernement s'est appuyé, entre autre, sur l'initiative privée des entreprises françaises qui ont su réorienter leur production et s'adapter. Aujourd'hui c'est la forte montée de la demande de tests virologiques en France, et dans le monde entier, qui provoque des tensions d'approvisionnement. Une fois de plus, c'est une entreprise française qui est intervenu, en un mois seulement, pour pallier ces difficultés. Ce groupe reste le seul fabricant d'écouvillons en France et permet au pays d'être autosuffisant. Le même examen se retrouve sur les sur-blouses, pénurie sur laquelle les soignants alertent le Gouvernement depuis le début de la crise sanitaire. Là encore, des entreprises françaises, comme c'est le cas dans l'Orne, se disent prêtes à investir dans la production industrielle et n'attendent que les garanties de la part du Gouvernement en termes de durée des marchés signés par les puissances publiques. Le Gouvernement se montre motivé par la mise en place d'une relocalisation de productions stratégiques et sanitaires afin de garantir à la France une autosuffisance en cas de nouvelle crise sanitaire. Il est donc urgent que l'État s'engage dès maintenant dans sa propre politique d'achat de fournitures pour que les industriels avancent sur ces sujets. Il s'agit donc d'encourager la mise en place pour ces nouvelles productions françaises, pour lesquelles une garantie de l'État et de la puissance publique sur plusieurs années est indispensable pour assurer la pérennité et la viabilité de ces marchés. C'est pourquoi il lui demande si l'État envisage d'intervenir, afin d'assurer la rentabilité de ces nouvelles productions françaises, qui pourraient assurer l'autosuffisance de la France sur les éléments indispensables à sa sécurité sanitaire.

Réponse en séance, et publiée le 1er juillet 2020

SOUTENABILITÉ ÉCONOMIQUE DE L'AUTOSUFFISANCE SANITAIRE
M. le président. La parole est à M. Jérôme Nury, pour exposer sa question, n°  1107, relative à la soutenabilité économique de l'autosuffisance sanitaire.

M. Jérôme Nury. J'appelle l'attention du ministre des solidarités et de la santé sur la souveraineté sanitaire de la France. Nous avons, durant ces derniers mois, entendu combien il était important d’avoir des produits de santé français en cas de crise sanitaire ; nous avons également entendu des engagements du Gouvernement sur ce sujet majeur : il faut maintenant passer des paroles aux actes.

Or, dans l’Orne, un dossier emblématique montre que, pour garantir la sécurité et l'autosuffisance sanitaires dans les mois qui viennent, il est nécessaire que l’État ne tarde pas à donner son feu vert.

Le groupe Lemoine, implanté en Normandie, est le leader européen et le numéro deux mondial des produits de soin et d’hygiène à base de coton. Face à la crise et dès le 25 mars, devant la pénurie de produits sanitaires essentiels à la lutte contre l’épidémie, le groupe a détourné ses modes de production pour fabriquer les seuls écouvillons 100 % français permettant de réaliser des tests covid. Les efforts conjoints des salariés, de la direction et des services de l’État ont permis la production de plus de 4 millions d’écouvillons.

Dans le cadre de ce partenariat, il a été constaté, durant le pic de la crise et aujourd’hui encore, un manque criant de surblouses pour les établissements hospitaliers. Rappelons que, à l’heure actuelle, aucune unité de production n’existe en France ni même en Europe pour ce type de matériels produits en Asie. Le Groupe Lemoine a donc décidé de lancer une étude pour la construction d'une machine sur mesure, conçue également dans l’Orne, à Tinchebray, afin de produire en France des surblouses à destination des personnels soignants de notre pays. Cette machine représente certes un investissement initial de plusieurs millions d’euros, mais elle permettrait de faire sortir de l’usine normande près de 10 000 surblouses par jour, soit environ 3,5 millions par an, nombre suffisant pour que notre pays soit autonome en production.

Afin de lancer la mise en route de cette machine, qui permettra de surcroît d’approcher les prix de production asiatiques actuels, l’industriel a besoin dès maintenant de visibilité quant à la volonté de l’État de privilégier dans ses achats futurs la production locale et surtout de s’engager dans le temps, au minimum sur trente-six mois, sachant qu'il s'agit de produits à usage unique et fabriqués avec des marges extrêmement réduites.

Dès lors, le Gouvernement est-il prêt à s’engager totalement et rapidement pour que ces types de production soient dans quelques mois entièrement assurés par des entreprises françaises ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du numérique.

M. Cédric O, secrétaire d'État chargé du numérique. Sur ce dossier, le ministère de l'économie et des finances s'est positionné en soutien du ministère des solidarités et de la santé pendant la crise pour apporter des solutions aux problèmes d'approvisionnement en produits de santé. Je tiens à rappeler que, dès la sortie de crise et sous l'égide du Président de la République et du Premier ministre, une analyse fine des ruptures et de la complexité de leurs causes a été conduite pour apporter une réponse structurelle, au-delà des réponses conjoncturelles et immédiates. La crise sanitaire, vous l'avez soulignée, a montré la nécessité de gagner en indépendance industrielle et sanitaire, tant pour l'approvisionnement en médicaments qu'en dispositifs médicaux.

Pour répondre au nouvel enjeu, le Gouvernement a pris des initiatives destinées à favoriser la recherche française, à l'image de l'appel à projets lancé fin mars, dans le cadre du programme d'investissements d'avenir – PIA –, pour soutenir des projets collaboratifs de recherche et de développement de solutions thérapeutiques contre le covid-19, projets à visée préventive ou curative et incluant des essais cliniques de phase 1 ou 2 réalisés avec des partenaires académiques français. Le Gouvernement a d'ores et déjà sélectionné six projets, pour un montant total de 78 millions d'euros, couvrant diverses stratégies thérapeutiques et approches technologiques, un aspect important de l'indépendance sanitaire.

La reconquête de la souveraineté industrielle et sanitaire de la France passe également par le développement de nouvelles capacités de fabrication. C'est pourquoi un appel à manifestation d'intérêt doté de 120 millions d'euros via le PIA a été publié le 18 juin dernier pour identifier les projets d'investissement qui permettront de faire croître très rapidement la production de médicaments impliqués dans la prise en charge de patients atteints du covid-19.

Au total, ce sont ainsi près de 200 millions d'euros mobilisés pour développer les industries de santé et soutenir la localisation des activités de recherche et développement et de production en France, dans le cadre de la lutte contre la pandémie. Cette enveloppe concerne les seuls projets lancés en 2020, et sera amplifiée en 2021 pour en financer de nouveaux.

Au-delà de ce soutien au développement des industries de santé, le ministère de l'économie et des finances poursuit, en lien avec le ministère des solidarités et de la santé, une réflexion approfondie sur l'utilisation de la commande publique pour répondre au besoin d'indépendance sanitaire et à celui de sécurisation des marchés, tant dans le domaine des médicaments que dans le domaine du dispositif médical. Une démarche est en outre engagée au niveau européen afin d'atteindre une taille critique de rentabilité et d'autonomie pour les industriels français et européens leur permettant de mener une action commune sur les marchés.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Nury.

M. Jérôme Nury. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, pour cette réponse, mais nous avons besoin de beaucoup plus de concret. En l'occurrence, il faudrait un top départ de la part de l'État, notamment au travers de la commande publique, pour que l'on sache s'il est prêt à acheter en priorité du français et non de l'asiatique dans les mois qui viennent. C'est cet engagement qui permettra au groupe Lemoine ou à l'entreprise ACG, également située à Tinchebray, d'être en capacité de lancer la fabrication de cette machine qui automatisera la production des surblouses, aujourd'hui indispensables pour la souveraineté de la France mais également en termes d'emplois dans les territoires concernés. On attend donc une réunion technique de la part des ministères concernés, mais aussi votre soutien sur ce sujet majeur à la fois pour les territoires et pour la France.

Données clés

Auteur : M. Jérôme Nury

Type de question : Question orale

Rubrique : Industrie

Ministère interrogé : Solidarités et santé

Ministère répondant : Solidarités et santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 juin 2020

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