Préservation des compétences professionnelles en temps de crise
Question de :
M. Jean-Luc Lagleize
Haute-Garonne (2e circonscription) - Mouvement Démocrate et apparentés
M. Jean-Luc Lagleize interroge Mme la ministre du travail sur la préservation des compétences professionnelles en ces temps de crise. La crise sanitaire a entraîné dans son sillage une crise économique sans précédent, qui amène à revoir en profondeur les politiques publiques en matière de préservation des compétences. Dans de nombreux secteurs de pointe, la formation et la montée en compétence d'un salarié peut prendre plusieurs années. C'est notamment le cas dans le secteur aéronautique et spatial, dans le département de Haute-Garonne où M. le député est élu, un secteur pratiquement à l'arrêt actuellement, qui nécessite une main-d'œuvre extrêmement qualifiée. Or, dans le contexte actuel de baisse d'activité, les entreprises disposent uniquement de deux possibilités pour prévenir des licenciements économiques : proposer une formation à leurs salariés ou les placer en activité partielle. Ces dispositifs ont démontré leur intérêt mais ne sont malheureusement pas générateurs de croissance ni de richesse pendant toute la durée de la formation ou du chômage partiel. Il faut donc innover et c'est pour cela que M. le député propose aujourd'hui à Mme la ministre la création d'un ambitieux dispositif de détachement, en partenariat avec les régions, ayant compétence de promouvoir le développement économique, l'innovation et la formation professionnelle. Une entreprise en difficulté, mais souhaitant conserver ses salariés pour ses besoins futurs en raison de leur expertise inestimable, les détacherait dans une structure publique ou privée locale, dans l'objectif de développer de nouveaux pôles d'excellence. Un ingénieur aéronautique d'Airbus à Toulouse pourrait par exemple être détaché pour une durée déterminée dans un centre de recherche ayant pour objectif d'accélérer la robotisation et la digitalisation nécessaire à la filière aéronautique, ou encore dans une start up toulousaine innovante œuvrant dans le domaine des mobilités du futur ou de l'intelligence artificielle. Grâce à un mécanisme de compensation, le processus serait bénéfique tant pour l'entreprise qui sauvegarderait de précieuses compétences, que pour la structure d'accueil qui disposerait de compétences de pointe, immédiatement opérationnelles, pour créer une nouvelle filière d'excellence. Pour développer ce troisième mode de prévention des licenciements économiques et engager un véritable cercle vertueux, il faut mobiliser des fonds publics comme privés, ainsi que tous les acteurs du secteur, allant de la French tech à Bpifrance en passant par les régions, les pôles de compétitivité, les laboratoires de recherche, ou encore les établissements de formation et les universités. Il souhaiterait donc connaître sa position sur ce dispositif, qui intéresse d'ores et déjà certains syndicats comme la Confédération française démocratique du travail (CFDT).
Réponse en séance, et publiée le 1er juillet 2020
PRÉSERVATION DES COMPÉTENCES PROFESSIONNELLES EN TEMPS DE CRISE
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Lagleize, pour exposer sa question, n° 1110, relative à la préservation des compétences professionnelles en temps de crise.
M. Jean-Luc Lagleize. Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail. La crise sanitaire a entraîné dans son sillage une crise économique sans précédent, qui amène à revoir en profondeur les politiques publiques en matière de préservation des compétences.
Dans de nombreux secteurs de pointe, la formation et la montée en compétence d'un salarié peut prendre plusieurs années. C'est notamment le cas dans le secteur aéronautique et spatial, présent dans le département de Haute-Garonne où je suis élu. Ce secteur, pratiquement à l'arrêt actuellement, nécessite une main-d'œuvre extrêmement qualifiée.
Or, dans le contexte actuel de baisse d'activité, les entreprises disposent uniquement de deux possibilités pour prévenir les licenciements économiques : proposer une formation à leurs salariés ou les placer en activité partielle. Ces dispositifs ont démontré leur intérêt mais ne sont malheureusement pas générateurs de croissance ni de richesse pendant toute la durée de la formation ou du chômage partiel.
Il faut donc innover et c'est pour cela que je propose aujourd'hui la création d'un ambitieux dispositif de détachement, en partenariat avec les régions, qui ont compétence pour promouvoir le développement économique, l'innovation et la formation professionnelle. Une entreprise en difficulté, mais souhaitant conserver ses salariés pour ses besoins futurs en raison de leur expertise inestimable, les détacherait dans une structure publique ou privée locale, dans l'objectif de développer de nouveaux pôles d'excellence.
Un ingénieur aéronautique d'Airbus à Toulouse pourrait par exemple être détaché pour une durée déterminée dans un centre de recherche ayant pour objectif d'accélérer la robotisation et la digitalisation nécessaire à la filière aéronautique, ou encore dans une start-up toulousaine innovante œuvrant dans le domaine des mobilités du futur ou de l'intelligence artificielle. Grâce à un mécanisme de compensation, le processus serait bénéfique tant pour l'entreprise d'origine qui sauvegarderait de précieuses compétences, que pour la structure d'accueil qui disposerait de compétences de pointe, immédiatement opérationnelles, pour créer une nouvelle filière d'excellence.
Pour développer ce troisième mode de prévention des licenciements économiques et engager un cercle vertueux, il faut mobiliser des fonds publics comme privés, ainsi que tous les acteurs du secteur, allant de la French Tech à Bpifrance en passant par les régions, les pôles de compétitivité, les laboratoires de recherche, ou encore les établissements de formation et les universités.
Je souhaite connaître la position de Mme la ministre sur ce dispositif, qui intéresse d'ores et déjà certains syndicats comme la Confédération française démocratique du travail, que nous avons auditionnée.
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Je vous prie d'excuser la ministre du travail, Muriel Pénicaud, en déplacement à Brest au sujet de l'apprentissage et de l'emploi.
Pendant la crise économique que nous vivons, le Gouvernement n'a eu de cesse de préserver les emplois et les compétences des salariés touchés par l'arrêt de leur activité, dans certains secteurs comme l'aéronautique. Plusieurs mesures ont permis, dans l'urgence, de sauvegarder les compétences. Tout d'abord, un effort sans précédent a abouti à l'instauration d'un régime d'activité partielle très étendu et protecteur, qui concerne 13,5 millions de salariés. Au mois d'avril, plus de 8,6 millions de salariés bénéficiaient de ce dispositif et étaient indemnisés ; il sera prolongé dans sa forme actuelle jusqu'à fin septembre. Au-delà de cette date, ses paramètres seront revus.
Parallèlement, l'activité partielle de longue durée verra le jour le 1er juillet ; elle accompagnera les entreprises connaissant des baisses durables d'activité. Pour en bénéficier, celles-ci devront avoir conclu un accord d'entreprise ou être couvertes par un accord de branche, conformément aux ordonnances travail. L'activité partielle de longue durée permettra une prise en charge plus importante des entreprises et des salariés. L'idée consiste bien à faire confiance à la négociation au plus près du terrain pour trouver les solutions et préserver les emplois.
Je rappelle également l'action considérable menée en faveur de la formation des salariés en chômage partiel avec le FNE-formation : 120 000 salariés ont bénéficié de 2 millions d'heures de formation, pour lesquelles l'État a engagé près de 100 millions d'euros.
Le dispositif que vous proposez est très proche du prêt de main-d’œuvre à but non lucratif, que la ministre du travail a souhaité assouplir dans la loi du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire et à d'autres mesures urgentes. Le prêt de main-d’œuvre permet à une entreprise rencontrant une baisse d'activité de mettre l'un de ses salariés à la disposition d'une entreprise confrontée à un manque de personnel, pour préserver l'emploi, garantir le maintien intégral du salaire et sauvegarder les compétences, tout en répondant aux tensions liées à un surcroît temporaire d'activité dans un autre secteur.
Ce dispositif repose sur l'accord du salarié et des deux entreprises ; le comité économique et social doit être consulté. Le contrat de travail qui lie le salarié à l'employeur n'est ni rompu ni suspendu ; le salarié continue d'appartenir au personnel de l'entreprise prêteuse, dans laquelle il retrouve, à l'issue de la mise à disposition, son poste de travail ou un poste équivalent. Eu égard aux difficultés économiques actuelles, la ministre du travail a souhaité permettre que le montant facturé par l'entreprise prêteuse soit inférieur au salaire versé lorsque l'intérêt de l'entreprise utilisatrice le justifie. Cela permettra de dynamiser le prêt de main-d’œuvre et de faciliter son appropriation par les TPE, les PME et les start-up.
Auteur : M. Jean-Luc Lagleize
Type de question : Question orale
Rubrique : Emploi et activité
Ministère interrogé : Travail
Ministère répondant : Travail
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 juin 2020