Question orale n° 1114 :
Difficulté d'application des reports de paiement des loyers commerciaux

15e Législature

Question de : Mme Marie-Noëlle Battistel
Isère (4e circonscription) - Socialistes et apparentés

Mme Marie-Noëlle Battistel attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les difficultés que rencontrent les commerçants, notamment s'agissant du paiement des loyers. En effet, alors que les multiples blocages et manifestations qui ont eu lieu en 2018 et 2019 ont mis à rude épreuve les commerces, la crise sanitaire a achevé de dégrader leur santé financière. Deux ordonnances (n° 2020-316 et n° 2020-318) en date du 31 mars 2020 offrent la possibilité d'étaler ou de reporter le paiement des loyers commerciaux ou professionnels. Plus récemment, le ministre de l'économie et des finances a demandé la tenue d'une consultation entre les principales fédérations de bailleurs commerciaux, la Fédération française de l'assurance et la Caisse des dépôts et consignations. Celle-ci a abouti, le 3 juin 2020, à l'édiction d'une charte encadrant les reports et annulations de loyers pour la période de confinement et jusqu'au 30 septembre 2020. Toutefois, de nombreuses inquiétudes demeurent. Aussi, elle lui demande de bien vouloir préciser comment le Gouvernement entend veiller, dans le cadre des négociations qui se tiendront de gré à gré, au plein et entier respect de cette charte qui est, par définition, elle aussi de nature uniquement incitative puisqu'elle ne constitue qu'un simple code de conduite. Plus encore, face aux difficultés rencontrées jusqu'à ce jour et à l'application disparate des dispositions relatives au report des loyers commerciaux, elle lui demande de bien vouloir préciser comment le Gouvernement entend solutionner la situation lorsqu'un bailleur ne peut supporter financièrement un report, voire une annulation de loyer que nécessite pourtant la situation du locataire.

Réponse en séance, et publiée le 1er juillet 2020

DIFFICULTÉS DE PAIEMENT DES LOYERS COMMERCIAUX ET PROFESSIONNELS
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour exposer sa question, n°  1114, relative aux difficultés de paiement des loyers commerciaux et professionnels.

Mme Marie-Noëlle Battistel. La crise sanitaire que nous traversons a provoqué une crise économique majeure, qui entraîne des conséquences pour de très nombreux acteurs dans nos territoires. Les commerces notamment, qui souffraient déjà depuis 2017 des multiples blocages et manifestations intervenus en réaction à votre politique, subissent de plein fouet les conséquences de la fermeture administrative de notre économie et de la crise financière qui s'ensuit.

Divers acteurs – commerçants, structures associatives ou collectivités territoriales – rencontrent actuellement des difficultés pour payer leurs loyers. Le Gouvernement a réagi à la fin du mois de mars par deux ordonnances créant la possibilité d'étaler ou de reporter le paiement des loyers commerciaux ou professionnels. Il a également lancé une consultation entre les principales fédérations de bailleurs commerciaux, la Fédération française de l'assurance – FFA – et la Caisse des dépôts et consignations, qui a abouti, le 3 juin dernier, à l'édiction d'une charte de bonne conduite dans les relations entre locataires et bailleurs en vue d'un report ou d'une annulation de charges.

Toutefois, les inquiétudes perdurent : d'abord, cette charte n'a qu'une portée incitative et la décision de reporter ou d'annuler les charges continuera à dépendre des négociations de gré à gré menées entre les locataires et les bailleurs. Ensuite, certains petits bailleurs ne peuvent pas se permettre d'accorder une telle exonération : certains ont des prêts à rembourser, tandis que d'autres sont des retraités pour lesquels la location d'un local constitue une part non négligeable du revenu.

C'est pourquoi l'État doit s'engager financièrement en faveur des bailleurs, notamment des plus fragiles d'entre eux : la vitalité de notre tissu associatif et économique en dépend. Tout doit être mis en œuvre afin de sauver les entreprises et les associations en péril, quoi qu'il en coûte.

Entendez-vous lever définitivement les difficultés que rencontrent les commerçants, associations et collectivités pour payer leur loyer, en accordant une garantie aux bailleurs les plus fragiles ? Plus précisément, comptez-vous instaurer un mécanisme de compensation des reports et annulations de charges octroyées par les bailleurs à leurs locataires afin de sortir les uns et les autres de l'impasse dans laquelle ils se trouvent ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du numérique.

M. Cédric O, secrétaire d'État chargé du numérique. Merci pour cette question, qui me permet de revenir sur le travail que nous avons mené pour venir en aide aux commerçants et à l'ensemble des TPE pendant la crise, grâce notamment aux mesures votées par le Parlement à l'occasion des deux premiers projets de loi de finances rectificative – PLFR – pour 2020.

Au 23 juin, 267 700 commerces ont bénéficié du fonds de solidarité, pour un montant total de près de 790 millions d'euros. Le commerce est ainsi destinataire de près de 17 % de l'aide octroyée par le dispositif, ce qui en fait le premier secteur bénéficiaire en France. Près de 7 000 demandes de report de charges fiscales ont par ailleurs été déposées par des entreprises de commerce de détail, pour un total de 192 millions d'euros. Le montant des exonérations de charges sociales accordées aux TPE des secteurs visés par une fermeture est quant à lui estimé à 400 millions d'euros.

Vous le voyez, l'aide apportée est massive, d'autant qu'au 19 juin, plus de 119 000 entreprises du commerce ont obtenu un prêt garanti par l'État, pour un total de 25,5 milliards d'euros. Le secteur est, là encore, le premier bénéficiaire de ce dispositif, dont il perçoit près d'un quart des montants. Les mesures de soutien aux commerçants sont donc très significatives et la profession y a massivement recours.

En parallèle, des mesures d'urgence ont été prises dès le début du confinement pour interdire l'application aux TPE les plus touchées des pénalités financières ou des ruptures de bail en cas de non-paiement des loyers. Cette interdiction restera en vigueur jusqu'à deux mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire, soit jusqu'au 10 septembre. Des concertations ont eu lieu, sous l'égide du ministre de l'économie et des finances, pour inciter les bailleurs au report, voire à l'annulation, des loyers, notamment pour les TPE. Les principales fédérations de bailleurs, la FFA et la Caisse des dépôts et consignations ont ainsi appelé leurs adhérents à annuler trois mois de loyers pour les TPE contraintes de fermer et à engager des discussions avec celles qui ont poursuivi leur activité mais sont fragilisées par la crise.

À l'issue de la mission de médiation sur les loyers des commerçants, une charte de bonnes pratiques a été signée le 8 juin 2020 entre les fédérations de bailleurs et les fédérations de commerçants. Elle permet aux commerçants et aux bailleurs de se référer à un accord-cadre commun et à des règles de bonne conduite en vue de leurs discussions de gré à gré. Par ailleurs, des moyens de médiation, qui seront confiés aux entreprises ou aux commissions départementales de conciliation, sont en cours de développement pour remédier aux désaccords entre bailleurs et locataires. Ils seront de nature à favoriser des solutions équilibrées préservant les intérêts de toutes les parties.

Enfin, vous n'êtes pas sans savoir qu'un plan de soutien aux commerçants, voulu par le Président de la République, sera très prochainement annoncé par le ministre Bruno Le Maire.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Je vous remercie pour ces éléments, qui témoignent de l'engagement du Gouvernement auprès des entreprises, mais j'espère que vous avez conscience de ne pas avoir répondu à ma question, qui portait sur le soutien à apporter aux bailleurs qui ne peuvent pas exonérer leurs locataires de loyer. Je songe notamment aux retraités possédant un petit local, dont la location constitue une composante importante du pouvoir d'achat ; ou aux collectivités, qui ne peuvent pas non plus supporter de renoncer pendant des mois aux loyers qu'elles tirent de la location de bâtiments communaux.

C'est donc bien sur un fonds de soutien aux bailleurs que la question portait. Considérant que vous n'y avez pas totalement répondu, j'espère que j'obtiendrai une réponse écrite sur ce sujet, qui me paraît essentiel.

Données clés

Auteur : Mme Marie-Noëlle Battistel

Type de question : Question orale

Rubrique : Baux

Ministère interrogé : Économie et finances

Ministère répondant : Économie et finances

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 juin 2020

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