Question orale n° 1142 :
Radicalisation islamiste dans les clubs sportifs

15e Législature

Question de : Mme Sandra Boëlle
Paris (14e circonscription) - Les Républicains

Mme Sandra Boëlle attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée des sports, sur la montée inquiétante de la radicalisation islamiste dans le domaine du sport. Les atteintes à la laïcité et aux valeurs républicaines se multiplient. Pire encore, d'abord insidieuses puis de manière plus ouverte, plus agressive, les tentatives de noyautage des clubs et d'organisations sportives par des mouvements religieux, communautaires, politisés et radicalisés ne cessent de croître. Le phénomène de radicalisation islamiste laisse le milieu sportif seul, impuissant avec des bénévoles et dirigeants dépassés voire tétanisés. Un récent rapport parlementaire ainsi qu'un livre d'enquête sur les dérives dans le sport font état de ce fléau. Les témoignages des professionnels de sport sont nombreux et tous ont signalé une multiplication de dérives : port de signes ostentatoires, pratique de la prière sur les lieux de sport, horaires et jours d'entrainement et de compétition conditionnés par le calendrier religieux... Pour les islamistes radicaux les clubs de sport sont à la fois un lieu d'embrigadement et d'aguerrissement. Le site du Gouvernement stop-djihadisme.gouv.fr désigne les clubs de sport comme le premier lieu de radicalisation. L'état-major de la prévention du terrorisme considère même la pratique sportive comme un risque aggravant au passage à l'acte. En 2019, 1 270 individus recensés dans le fichier FSPRT s'entraînaient assidûment dans des clubs de sports, parmi eux, certains sont éducateurs sportifs. Laisser les enfants entre leurs mains est extrêmement dangereux, voire criminel. En conséquence, elle lui demande de bien vouloir lui préciser l'état d'avancement du plan national de prévention de la radicalisation, et de bien vouloir lui indiquer si le Gouvernement va mettre en place un dispositif pour protéger les clubs de sport face à la montée de la radicalisation.

Réponse en séance, et publiée le 25 novembre 2020

PLAN NATIONAL DE PRÉVENTION DE LA RADICALISATION ET CLUBS DE SPORTS
Mme la présidente. La parole est à Mme Sandra Boëlle, pour exposer sa question, n°  1142, relative au plan national de prévention de la radicalisation et aux clubs de sports.

Mme Sandra Boëlle. Les atteintes à la laïcité et aux valeurs républicaines se multiplient. D'abord insidieuses, puis plus ouvertes, plus agressives, les tentatives de noyautage des clubs de sport par des islamistes radicalisés ne cessent de se multiplier. Un récent rapport parlementaire ainsi qu'un livre d'enquête, Le Livre noir du sport, font état de ces dérives. Les nombreux témoignages des professionnels du sport, des dirigeants de fédération, des fonctionnaires d'État, des collectivités territoriales, de l'UCLAT – unité de coordination de la lutte antiterroriste – et des services de renseignement sont à prendre au sérieux. Tous ont signalé une multiplication des dérives : port de signes ostentatoires, pratique de la prière sur les lieux de sport, horaires et jours d'entraînement et de compétition conditionnés par le calendrier religieux, marginalisation ou exclusion des adhérents non-musulmans, développement de clubs non mixtes et communautaires, prosélytisme… La liste est longue.

Ces islamistes radicalisés sont des licenciés, des dirigeants, des encadrants ou des éducateurs. Ils sont présents dans toutes les disciplines sportives, et particulièrement dans les sports de tir ou de combat où ils s'entraînent parfois en vue de préparer un passage à l'acte terroriste – pour rappel, tous les terroristes qui ont commis des attentats en France étaient des licenciés assidus de clubs de sport. Les services de renseignement français sont bien informés de la montée de ce fléau. D'ailleurs, le site du Gouvernement, stop-djihadisme.gouv, désigne les clubs de sport comme le premier lieu de radicalisation, devant les prisons et les mosquées. Pour les islamistes radicaux, les clubs de sport sont à la fois un lieu d'embrigadement et d'aguerrissement.

En 2019, 1 270 individus recensés au fichier FSPRT – fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste – s'entraînaient assidûment dans les clubs de sport. Parmi eux, certains sont des éducateurs sportifs dont le rôle et l'influence, notamment dans les milieux populaires, sont très souvent supérieurs à ceux des enseignants, des parents ou des encadrants sociaux. Laisser nos enfants entre leurs mains est extrêmement dangereux, voire criminel. Madame la ministre déléguée, où en est le plan national de prévention de la radicalisation ? Allez-vous mettre en place un dispositif pour protéger les clubs de sport face à la montée de la radicalisation ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des sports.

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée chargée des sports. Depuis mon arrivée au ministère il y a deux ans, je défends l'idée qu'un sport sain et éducatif ne peut être qu'un sport républicain où s'incarnent les principes fondamentaux d'égalité, d'unité et de fraternité. Nos gymnases, nos stades, nos piscines sont des lieux où la citoyenneté se vit, où nos valeurs républicaines se partagent et sont transmises aux enfants nés dans notre pays, mais aussi aux enfants venus d'ailleurs et que nous avons choisi d'accueillir. Ma conviction est que tout citoyen sincère dans sa démarche sportive devrait pouvoir pratiquer son sport dans un cadre associatif sans risque d'en être écarté en raison de ses croyances religieuses. La laïcité, poumon de notre République, nous engage à conjuguer la liberté de conscience et d'expression religieuse avec les principes d'égalité, de respect et d'épanouissement qui fondent l'organisation de nos activités sportives.

Bien sûr, pour défendre ces valeurs portées par ceux qui font le sport au quotidien, il nous faut parallèlement mener sans faiblesse et sans ambiguïté la lutte contre toute tentative de propagande à l'égard des jeunes vulnérables, toute forme de radicalisation religieuse ou de dérive communautaire. Cette lutte passe par plusieurs actions déjà engagées par mon ministère. D'abord, une meilleure formation initiale et continue des éducateurs afin qu'ils soient éveillés à ces situations, qu'ils sachent les aborder, y réagir, et qu'ils engagent des procédures claires et efficaces. Ensuite, la création d'une mission nationale d'appui au sein de la direction des sports, qui accompagne les services déconcentrés et anime le réseau des référents que j'ai créé au sein des CREPS – centres de ressources, d'expertise et de performance sportives – et des fédérations sportives.

Les phénomènes de radicalisation sont complexes et j'ai toujours pris soin de ne céder ni aux raccourcis, ni aux approximations. Ainsi, dans le respect de la loi française, je n'ai pas accès au FSPRT, ni aux fiches S. En revanche, avec le soutien du CIPDR – Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation –, des travaux de recherche scientifique vont être engagés sur la radicalisation dans le sport. Ils seront complétés par ceux d'une mission de l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche sur les phénomènes de radicalisation dans les structures d'accueil de la jeunesse. Je m'attache aussi à amplifier l'action du ministère dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville pour renforcer la mixité des pratiques dès le plus jeune âge et cibler les financements de l'Agence nationale du sport sur des équipements de proximité et sur des aides à l'emploi d'éducateur. Enfin, j'ai souhaité que le sport contribue activement au futur projet de loi confortant les principes républicains en renforçant l'engagement du mouvement sportif au service du vivre-ensemble et des valeurs de notre République.

Vous l'aurez compris, madame la députée : pour moi, le sport doit être fier de ses valeurs humanistes et multiculturelles. Pour les défendre, il doit lutter avec détermination contre toute atteinte au pacte républicain. C'est le sens de mon engagement et c'est l'héritage que le Gouvernement s'honorera de laisser aux générations futures.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandra Boëlle.

Mme Sandra Boëlle. Je prends acte de votre réponse et me réjouis que vous comptiez lutter contre le phénomène de radicalisation. Le sujet doit effectivement être traité avec la plus grande vigilance. Cependant, pouvez-vous nous assurer que les contrôles dans les clubs de sport seront bien renforcés et que les clubs radicalisés seront fermés ? Par ailleurs, les subventions publiques ne pourraient-elles pas être conditionnées au respect des règles de neutralité et de laïcité ? Le ministère compte-t-il mettre en place un réseau de lanceurs d'alerte avec des référents formés, sur le modèle du dispositif de la région Île-de-France ? Les éducateurs sportifs, qui sont en première ligne, ne pourraient-ils pas recevoir une formation spécifique à la prévention de la radicalisation et des atteintes à la laïcité et aux valeurs républicaines ? L'autorisation d'exercer des éducateurs sportifs ne pourrait-elle pas être conditionnée à la vérification du fichier FSPRT ? À l'heure où le terrorisme fait rage, où les attentats, notamment à Paris, se sont multipliés et où la menace terroriste est omniprésente, le Gouvernement ne doit pas attendre que le pire se produise pour agir.

Données clés

Auteur : Mme Sandra Boëlle

Type de question : Question orale

Rubrique : Sports

Ministère interrogé : Sports

Ministère répondant : Sports

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 novembre 2020

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