Expertise logistique de la France
Question de :
M. François-Michel Lambert
Bouches-du-Rhône (10e circonscription) - Libertés et Territoires
M. François-Michel Lambert interroge M. le Premier ministre sur la stratégie du Gouvernement en matière d'expertise logistique. En mars 2016, la commission nationale logistique mise en place par le ministre de l'économie Emmanuel Macron et la ministre de l'environnement Ségolène Royal a rédigé une proposition de stratégie intitulée « France Logistique 2025 », présentée au Conseil des ministres en mars 2016. Cette stratégie repose sur cinq axes : faire de la plateforme France une référence mondiale en encourageant la dynamique logistique sur tout le territoire ; développer le capital humain et faciliter la lisibilité de l'organisation logistique ; faire de la transition numérique un vecteur de performance logistique ; utiliser la logistique comme levier de transformation des politiques industrielles et de transition énergétique ; instaurer et animer une gouvernance intégrée de la logistique. Maillon essentiel du circuit marchand, organe vital pour le fonctionnement de la société, on le mesure plus encore dans les crises sociales et économiques que le pays traverse. La faiblesse de l'expertise logistique française est mise en exergue dans le rapport du Général Lizurey, en mission d'audit sur la gestion de la crise sanitaire, mandaté par l'ancien Premier ministre Édouard Philippe. Le manque de numérisation de l'économie française, notamment les TPE/PME et les commerces, est souligné par le ministre de l'économie Bruno Le Maire. C'était pourtant un des cinq axes de ce rapport remis au ministre de l'économie de 2016, Emmanuel Macron. La logistique est considérée comme un facteur déterminant de la compétitivité ; elle représente 10 % du PIB national, 200 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 1,8 million d'emplois. Et pourtant la France est classée seulement au seizième rang mondial de la performance logistique, selon la Banque mondiale, loin derrière ses voisins les plus proches. Cette sous-performance logistique coûterait chaque année 20 à 60 milliards d'euros à l'économie nationale et dans cette période de crise, aggrave ses faiblesses. Le 24 mars 2020, 7 jours après la mise en confinement de la France, M. le député posait une question claire au Gouvernement: « N'est-il pas urgent de nommer un expert dédié à la logistique auprès du Premier ministre pour redéfinir les priorités organisationnelles et assurer la gestion de crise et la reconstruction à venir ? ». Dans sa réponse, le ministre de la santé estima que cela n'était pas nécessaire. Or ce 1er novembre 2020, au Journal officiel, une annonce spécifie que le Gouvernement cherche « son chef de planification et de gestion de crises », chargé d'assurer « les fonctions de coordination de la gestion interministérielle des crises au sein du centre interministériel des crises ». Il demande ainsi au Premier ministre de bien vouloir préciser la stratégie du Gouvernement en matière d'expertise logistique, tant pour la gestion de la crise sanitaire que pour permettre à la France de remonter en puissance économique et protéger ses TPE/PME et commerces de proximité.
Réponse en séance, et publiée le 25 novembre 2020
EXPERTISE LOGISTIQUE
Mme la présidente. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour exposer sa question, n° 1145, relative à l'expertise logistique de la France.
M. François-Michel Lambert. En mars 2016, la commission nationale de la logistique, instituée par les ministres de l'économie et de l'environnement de l'époque, Emmanuel Macron et Ségolène Royal, a remis une proposition de stratégie intitulée « France Logistique 2025 », présentée au conseil des ministres dans la foulée. Elle repose sur cinq piliers : la France, référence mondiale ; le capital humain ; l'accélération numérique ; la logistique, levier de transformation des politiques industrielles et de transition énergétique ; la gouvernance intégrée.
La logistique est un maillon essentiel du circuit marchand et un organe vital pour le fonctionnement de notre société ; nous le mesurons plus encore au cours des crises sociales et économiques que nous traversons. La faiblesse de notre expertise logistique est mise en exergue dans le rapport du général Lizurey, qui a effectué une mission d'audit sur la gestion de la crise sanitaire. Le manque de numérisation de notre économie, s'agissant notamment des TPE, des PME et des commerces, est souligné par le ministre de l'économie Bruno Le Maire. Pourtant, l'accélération de la numérisation était l'un des axes majeurs de la stratégie France Logistique 2025 que je viens d'évoquer.
Le 24 mars dernier, sept jours après la mise en confinement de la France, je posais une question claire au Gouvernement : « N'est-il pas urgent de nommer un expert dédié à la logistique auprès du Premier ministre […] afin de redéfinir les priorités organisationnelles et d'assurer la gestion de crise et la reconstruction à venir ? » Le ministre de la santé m'avait répondu que cela n'était pas nécessaire. Or, le 1er novembre 2020, une annonce publiée au Journal officiel spécifiait que le Gouvernement cherchait son « chef du service de la planification et de la gestion des crises », chargé d'assurer « les fonctions de coordination de la gestion interministérielle des crises au sein du centre interministériel des crises ». Le Gouvernement ne saurait exprimer plus clairement le besoin qui se fait sentir en matière de logistique.
Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous préciser la stratégie du Gouvernement en matière d'expertise logistique, tant pour gérer la crise sanitaire que pour permettre à la France de remonter en puissance sur le plan économique et de protéger ses TPE- PME et ses commerces de proximité ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable.
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable. Vous m'interrogez sur la stratégie du Gouvernement en matière d'expertise logistique, tant pour gérer la crise sanitaire que pour accélérer la relance économique.
Le cadre est posé. En effet, la filière transport et logistique, avec 200 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 1,8 million d'emplois, est un pilier de notre économie. Elle a été mobilisée au premier plan dans la gestion de la crise sanitaire, notamment pour acheminer notre matériel médical et pour approvisionner nos supermarchés. Sa compétitivité est un prolongement de celle de notre industrie, dont elle est indissociable. Contrairement à ce que l'on peut parfois entendre, la filière logistique peut être un formidable levier de transition environnementale, grâce à l'optimisation des flux de marchandises ou à la diffusion de modes de distribution plus sobres et plus propres.
Le Gouvernement s'est porté aux côtés de ces professionnels, notamment les transporteurs, dès les premiers moments de la crise, en prenant des mesures de soutien à la trésorerie, en particulier le remboursement accéléré de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. Il s'est également engagé en partenariat avec les organisations professionnelles de la logistique, regroupées comme vous le savez sous l'égide de la nouvelle association France Logistique, présidée par Mme Anne-Marie Idrac.
Il s'agit d'adopter une démarche de reconquête en matière de performance logistique puisque, comme vous le soulignez, la France est dans ce domaine distancée par ses voisins européens.
Un ensemble de mesures sera annoncé avant la fin de l'année dans le cadre du comité interministériel de la logistique, en présence de la ministre déléguée de l'industrie, Agnès Pannier-Runacher, et du ministre délégué des transports, Jean-Baptiste Djebbari. Ces mesures bénéficieront à l'ensemble des modes de transport logistique et devraient permettre d'engager cette filière – stratégique, faut-il le rappeler – sur un chemin de compétitivité et de transition numérique et environnementale. Elles seront annoncées bientôt et leur lancement est prévu d'ici la fin de l'année.
Mme la présidente. La parole est à M. François-Michel Lambert.
M. François-Michel Lambert. Nous découvrons donc que la France va enfin considérer la dimension logistique comme étant un levier de performance, alors que nous sommes en pleine crise sociale et économique. Je le répète, je regrette fortement que, le 24 mars dernier, aux questions au Gouvernement, M. le ministre Olivier Véran m'ait répondu qu'il n'y avait pas de besoins en la matière. Votre propre réponse et le comité qui va se réunir d'ici à quelques jours montrent bien ce qu'il en est.
Voilà plus de deux ans, j'avais posé la même question et obtenu la même réponse. Madame la secrétaire d'État, ce n'est pas vous qui aviez répondu…
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État. Non, ça ne pouvait pas être moi !
M. François-Michel Lambert. …et c'est donc au Gouvernement que je m'adresse à travers vous. Je crois que la crise que nous traversons oblige à comprendre l'urgence qu'il y a à nous mettre à niveau en matière logistique et à refonder une expertise au sein de l'État. Celle-ci, qui existait encore lorsqu'Emmanuel Macron était ministre de l'économie, a disparu depuis.
Vous venez d'annoncer un rendez-vous prochain ; j'espère qu'il sera à la hauteur. Quoi qu'il en soit, sachez que je suis à disposition, en tant qu'ancien président de la commission nationale de la logistique, nommé à l'époque par le ministre de l'économie Emmanuel Macron, pour accompagner le Gouvernement sur ce sujet, qui constitue, vous l'avez très clairement expliqué, un élément central de notre capacité à reconstruire et aller de l'avant.
Auteur : M. François-Michel Lambert
Type de question : Question orale
Rubrique : Emploi et activité
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 novembre 2020