Question orale n° 1146 :
Préservation des services publics en Corse

15e Législature

Question de : M. Paul-André Colombani
Corse-du-Sud (2e circonscription) - Libertés et Territoires

M. Paul-André Colombani alerte Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur la nécessité de préserver les services publics dans les territoires ruraux et plus particulièrement en Corse. En effet, le Gouvernement vient de mettre en place une réforme qui va notamment supprimer un certain nombre de trésoreries en Corse sans concertation préalable, alors que Mme la ministre, interpellée il y a deux ans à ce sujet par M. le député, avait pourtant assuré que l'État se mobilisait pleinement en faveur des territoires ruraux corses et que la préfète de Corse d'alors, avait fait part de son opposition aux projets de fermeture des trésoreries. Alors même que l'épidémie de la covid-19 a souligné le besoin de la population et des acteurs économiques insulaires, déjà fortement impactés par la crise sanitaire et économique, de pouvoir bénéficier de services publics de proximité, M. le député apprend que sur sa circonscription de Corse-du-Sud les trésoreries de Levie, de Sainte-Marie de Siché, de Bonifacio et de Vico seront supprimées, et que la Haute-Corse subira le même sort. Ces services publics de proximité seront remplacés par des Maisons France Service, structures qui ne seront pas en mesure d'apporter l'aide et le conseil nécessaires aux usagers et aux entreprises dans le domaine de la fiscalité et contrairement aux personnels qualifiés des trésoreries de proximité. Le Président de la République s'était pourtant engagé à prendre en compte les spécificités de la Corse en matière de « Nouveau réseau de proximité ». Or tel n'est pas le cas : ce nouveau réseau de proximité est absolument identique à ceux présentés sur le continent, contrairement à l'esprit des dispositions de la loi Montagne visant à « réévaluer le niveau des services publics et des services au public en montagne et d'en assurer la pérennité, la qualité, l'accessibilité et la proximité ». Aussi, tout comme la préfète de Corse s'y était engagée, d'un commun accord avec les élus de la Collectivité de Corse, il apparaît nécessaire de mettre en place une commission ad hoc chargée de réfléchir à l'organisation des services de l'État et à leur implantation dans l'île. Dans l'attente de la mise en place de cette commission à laquelle l'État doit participer pour travailler sur la question d'une éventuelle réorganisation, il lui demande si elle compte mettre en œuvre un moratoire indispensable sur toute suppression ou réorganisation des services publics.

Réponse en séance, et publiée le 25 novembre 2020

SERVICES PUBLICS EN CORSE
Mme la présidente. La parole est à M. Paul-André Colombani, pour exposer sa question, n°  1146, relative aux services publics en Corse.

M. Paul-André Colombani. Je souhaitais alerter le Gouvernement ainsi que mes collègues sur la nécessité de préserver les services publics dans les territoires ruraux, particulièrement en Corse.

En effet, le Gouvernement vient de décider une réforme qui va supprimer certaines trésoreries en Corse, sans concertation préalable, alors que Mme Jacqueline Gourault, que j'avais interpellée il y a quasiment deux ans à ce sujet, m'avait assuré que l'État se mobiliserait pleinement en faveur des territoires ruraux corses. La préfète de Corse de l'époque avait également fait part de son opposition au projet de fermeture des trésoreries.

Alors même que l'épidémie de covid-19 a souligné le besoin de la population et des acteurs économiques insulaires, fortement affectés, de bénéficier de services publics de proximité, j'apprends que dans ma circonscription de Corse-du-Sud, les trésoreries de Levie, Sainte-Marie-Siché, Bonifacio et de Vico seront supprimées. La Haute-Corse ne sera pas épargnée.

Ces services publics de proximité seront remplacés par des maisons France Services, structures qui, en raison de la fracture numérique et du manque de qualification des personnels, ne seront pas en mesure d'apporter l'aide et les conseils nécessaires aux usagers et aux élus locaux dans le domaine de la fiscalité.

Le Président de la République s'était pourtant engagé à prendre en compte les spécificités de la Corse et l'outre-mer, dans le cadre du nouveau réseau de proximité. Or ce n'est pas le cas : ce nouveau réseau de proximité est absolument identique à ceux du continent, contrairement à l'esprit des dispositions de la loi montagne visant à assurer la pérennité, la qualité, l'accessibilité et la proximité des services publics.

Aussi, comme la préfète de Corse s'y était engagée, d'un commun accord avec les élus de la collectivité de Corse, il apparaît nécessaire de mettre en place une commission ad hoc, chargée de réfléchir sur l'organisation et l'implantation des services de l'État en Corse. Vous engagerez-vous à le faire ? Et, dans l'attente de la création de cette commission, comptez-vous adopter un moratoire sur cette suppression de services publics ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable. Il y a un peu plus d'un an, la direction générale des finances publiques – DGFIP – a engagé une démarche de modernisation du réseau et de rééquilibrage géographique de ses services sur le territoire, afin de rapprocher les services publics de nos concitoyens. Ce nouveau réseau de proximité vise à renforcer le service offert aux usagers et à mieux répondre aux besoins de proximité et d'accompagnement des particuliers. L'idée est d'augmenter de 30 % le nombre d'accueils de proximité au niveau national.

La concertation est engagée depuis peu par les directions des finances publiques de Corse-du-Sud et de Haute-Corse. Elle se décline dans le cadre de rencontres et de réunions bilatérales avec les présidents de communautés de communes et les élus. Des réunions de présentation du nouveau réseau de proximité et d'échanges doivent permettre aux élus, aux agents des finances publiques et aux usagers d'exprimer leurs attentes relatives à l'implantation de ces nouveaux services de proximité dans le département.

S'agissant plus particulièrement de la qualité de l'accueil réservé, il convient de rappeler que les maisons France Services réalisent quatre types d'accompagnement pour le compte des partenaires : la délivrance d'informations de premier niveau ; la prise de contact avec un agent spécialisé au sein des réseaux partenaires ; la mise à disposition d'outils numériques et informatiques et d'aide à leur utilisation ; une aide à la compréhension et à la réalisation de démarches administratives.

Des questions fiscales plus pointues, plus spécifiques, continueront à être traitées par les agents de la DGFIP, que ce soit en présentiel ou dans le cadre d'entretien à distance avec les usagers. Dans les maisons France Services, les usagers trouveront des réponses apportées par les agents de la DGFIP, mais aussi des postes informatiques avec accès internet et l'accompagnement nécessaire pour accomplir les démarches administratives. Pour résumer, il s'agit bien d'élargir l'offre de services offerts aux usagers et d'en améliorer l'accessibilité, sans faire de concession sur leur qualité.

Dans ces conditions, on ne peut donc pas parler de recul du service public. Alors que la phase de concertation sur le nouveau réseau de proximité est en train de s'ouvrir en Corse, les projets qui y sont soumis prévoient pour les usagers la possibilité d'accéder à un accueil de proximité dans trente-sept communes, soit dix-huit de plus qu'actuellement. Il est, bien entendu, encore possible de faire évoluer ces projets. Les élus sont invités à s'inscrire dans cette démarche positive de transformation des services de proximité.

Mme la présidente. La parole est à M. Paul-André Colombani.

M. Paul-André Colombani. Merci pour votre réponse, madame la secrétaire d'État.

Il y a quelques jours, j'allais à la rencontre de l'équipe municipale de Sainte-Marie-Siché. Cette commune se situe dans ma circonscription, en Corse, mais elle pourrait être dans n'importe quel autre territoire de montagne, en Corrèze ou dans les Pyrénées. L'équipe municipale y est fortement mobilisée. Sachez que pour se rendre à Ajaccio, à vingt-cinq kilomètres corses de là, un habitant sans voiture doit dépenser quasiment 40 euros.

Il y a quelques années, on a supprimé la gendarmerie et installé une maison de services publics qui n'est pas fonctionnelle : ne serait-ce qu'en raison du manque de confidentialité, les habitants du village ne s'y rendent pas.

Fermer la trésorerie est un nouveau coup de poignard dans le dos, disent les élus. Vous parlez de concertation ; or celle-ci commence alors que les baux des trésoreries sont déjà résiliés. Je ne vois pas où est la concertation, une fois que toutes les décisions sont prises et que nous sommes mis devant le fait accompli !

Enfin, le moment de cette fermeture n'est pas du tout adapté. Lors de son dernier passage en Corse, le Président de la République avait parlé de règlement au cas par cas des situations économiques. Sans ces services de proximité, nous allons avoir du mal à faire face à tout cela.

Données clés

Auteur : M. Paul-André Colombani

Type de question : Question orale

Rubrique : Services publics

Ministère interrogé : Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales

Ministère répondant : Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 novembre 2020

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