Phénomènes électriques sur les élevages agricoles
Question de :
Mme Chantal Jourdan
Orne (1re circonscription) - Socialistes et apparentés
Mme Chantal Jourdan alerte M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les effets de phénomènes électriques sur des élevages agricoles. Plusieurs cas, dont un dans sa circonscription qui a fait l’objet d'un article de presse récent dans le journal « Le Monde » touchent des exploitations agricoles. Dans les exploitations concernées, il est observé des modifications du comportement des animaux évoquant un mal-être et un état de souffrance. Concrètement, chez les éleveurs laitiers, des fragilités sanitaires chez les animaux ainsi qu'une baisse de la qualité et des quantités de production affectant les revenus sont constatées. Afin d'apporter une explication à la survenue de tels problèmes, des analyses conséquentes sur l'hygiène, le fourrage, l'environnement sont engagées par les agriculteurs, souvent encadrés pendant une période par le GPSE (Groupe permanent pour la sécurité électrique) afin de trouver les causes des modifications observées. Dans la plupart des cas, notamment celui qui touche la circonscription de Mme la députée, la relation entre la modification des installations électriques et la survenue des problèmes parait évidente. Dans le cas particulier concernant cette circonscription, l'éleveur a été confronté à la perturbation de son troupeau depuis l'enfouissement d'une ligne électrique de moyenne tension à proximité de son étable. Devant sa détermination, ENEDIS a accepté la modification de l'installation électrique, à savoir la neutralisation de la ligne souterraine remplacée par une ligne aérienne suivant l'ancien tracé et en déplaçant un transformateur, ces travaux à la charge de l'agriculteur. Après quelques mois, le troupeau a retrouvé son bien-être et une production normale. Néanmoins, les conséquences financières et humaines sont lourdes. Un collectif d'éleveurs connaissant les mêmes perturbations liées à des modifications d'installations électriques s'est créé. L'hypothèse de l'effet des perturbations électriques sur les animaux doit être retenue. Du fait de l'évolution rapide des technologies, ces phénomènes s'accentuent et nécessitent des études de fond et indépendantes afin de mieux comprendre les interactions entre la santé animale et l'environnement proche. Aujourd'hui, le GPSE en partie financé par ENEDIS manque d'indépendance pour conduire les enquêtes nécessaires. Malgré les investigations menées confirmant les problèmes des cheptels, les corrélations entre la présence de certaines installations électriques et la dégradation de la santé animale ne sont pas reconnues et laissent surtout les agriculteurs sans solutions viables. Elle l'interroge donc sur deux points. Elle souhaiterait savoir si des études renforcées seront menées afin de travailler l'hypothèse d'un lien entre des perturbations électriques et la santé animale permettant d'éclairer les agriculteurs et si un service public pourrait être mis en place pour assurer la neutralité et l'efficacité des études et enfin si un dédommagement des pertes occasionnées est envisagé.
Réponse en séance, et publiée le 25 novembre 2020
PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES ET ÉLEVAGES AGRICOLES
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Jourdan, pour exposer sa question, n° 1149, relative aux phénomènes électriques et élevages agricoles.
Mme Chantal Jourdan. Cela fait plusieurs années que des élevages agricoles sont perturbés par des phénomènes électriques, notamment dans ma circonscription de l'Orne. Dans les exploitations concernées, on observe une modification du comportement des animaux, qui manifestent du mal-être et de la souffrance. Plus concrètement, les éleveurs laitiers constatent l'apparition de fragilités chez leurs animaux ainsi qu'une baisse de la qualité et de la quantité de lait produit, qui affecte leurs revenus.
Face à ces anomalies, les agriculteurs engagent le plus souvent des analyses de l'hygiène du fourrage et de l'environnement, guidés dans ces démarches par le GPSE – groupe permanent pour la sécurité électrique. Dans la plupart des cas, la relation entre la modification des installations électriques et la survenue des problèmes paraît évidente. Dans le cas particulier de l'éleveur touché dans ma circonscription, la perturbation du troupeau a coïncidé avec l'enfouissement d'une ligne électrique de moyenne tension à proximité de l'étable.
Devant sa détermination, Enedis a accepté de modifier ses installations électriques, tout en laissant les travaux, conséquents et coûteux, à la charge de l'agriculteur. Après quelques mois, le troupeau a retrouvé son bien-être et une production normale. Cependant les conséquences financières et humaines de cet épisode sont lourdes.
L'hypothèse de perturbations électriques sur les animaux doit être retenue. Avec l'évolution rapide des technologies, ces phénomènes s'accentuent. Des études approfondies et indépendantes doivent être réalisées afin de mieux comprendre les incidences de l'environnement proche sur la santé animale.
Aujourd'hui, le GPSE, en partie financé par Enedis, manque de l'indépendance nécessaire pour conduire ces enquêtes. La corrélation entre la présence de certaines installations électriques et la dégradation de la santé animale n'est pas reconnue et laisse les agriculteurs sans solutions.
Des études approfondies vont-elles enfin être conduites pour confirmer l'hypothèse selon laquelle certaines installations électriques pourraient perturber la santé des animaux ? Un service public ne pourrait-il pas les mener, afin d'en assurer la neutralité et la pertinence ? Enfin, un dédommagement pour les pertes occasionnées est-il envisagé ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Je prends très au sérieux la question de l'impact des ondes électromagnétiques sur les élevages, dans le beau département de l'Orne comme dans les autres. Dès mon arrivée au ministère, j'ai demandé un état de la science sur le sujet à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail – ANSES.
L'étude la plus complète dont nous disposions date de 2013 et, dans un avis du 28 août 2015, l'ANSES conclut que bien que de rares effets aient été observés chez les animaux, il reste difficile de se prononcer quant aux effets sanitaires directs des champs électromagnétiques d'extrême basse fréquence sur les animaux d'élevage, ajoutant que, si les effets des courants parasites sont eux bien connus, leur impact sur le niveau de performance et l'état sanitaire des animaux dans le contexte multifactoriel des élevages reste mal connu.
Cela étant posé, au-delà de la question des lignes électriques, se pose également celle des effets sur l'élevage des éoliennes. Nous avons donc demandé à l'ANSES en 2019 une étude sur les éoliennes ; les résultats sont attendus mi-2021. Par ailleurs, nous devons accompagner les instituts de recherche compétents et faire, en toute transparence, le bilan de toutes les études existantes afin de diligenter, là où c'est nécessaire, des analyses complémentaires.
En résumé, s'agissant des lignes électriques, l'état actuel de la science nous montre que le risque n'est pas caractérisé, tandis que sur les nouvelles technologies comme l'éolien, la science doit encore se prononcer. En tout état de cause, je continuerai à demander les études nécessaires pour écarter tout risque ou, le cas échéant, apporter des solutions.
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Jourdan.
Mme Chantal Jourdan. Je vous remercie de prendre au sérieux cette question. J'aimerais par ailleurs que l'on n'oublie pas les agriculteurs qui, en raison de perturbations avérées, se trouvent dans des situations dramatiques pour avoir dû, après avoir investi dans leur exploitation, assumer des travaux liés aux problèmes rencontrés. Lorsque les effets des installations électriques auront été prouvés, il faudra songer à les dédommager.
Auteur : Mme Chantal Jourdan
Type de question : Question orale
Rubrique : Élevage
Ministère interrogé : Agriculture et alimentation
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 novembre 2020