Nuisances sonores liées à la gare de triage de Drancy
Question de :
M. Jean-Christophe Lagarde
Seine-Saint-Denis (5e circonscription) - UDI et Indépendants
M. Jean-Christophe Lagarde appelle l'attention de M. le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports, sur les nuisances sonores très importantes que génère la gare de triage de Drancy. Il lui précise que chaque année c'est un nombre important de wagons de marchandises - nombre qui devrait s'accroitre à l'heure où le Premier ministre a appelé à une reconquête du fret ferroviaire - qui transite par le principal site du fret ferroviaire d'Île-de-France, à savoir la gare de Drancy. Or, cette activité importante génère des nuisances sonores insupportables pour les nombreux riverains de la zone (environ 30 000 habitants dans un rayon autour de la gare de 620 mètres). Celles-ci se traduisent, notamment, par des crissements stridents réguliers particulièrement gênants et anxiogènes, puisque chargés en haute fréquence. D'après une étude phonique de Bruitparif, l'observatoire du bruit en Île-de-France, les niveaux sonores varient entre 66 et 78 dB avec des émergences allant jusqu'à 120 et 140 dB. Ces nuisances qui font suite à l'automatisation des systèmes de freinage de cette gare - la méthode dite du « Tir au but » - durent malheureusement depuis des décennies. Il y a quatre années, après dix ans de combats et de nombreux signalements, la SNCF a fini par accéder aux demandes de la municipalité et des riverains en équipant la gare du système ELPA, et ce de façon expérimentale. Il lui précise que ce système, développé en Slovénie, équipe toutes les grandes gares européennes, ainsi que celle de Chicago. Grâce à ce système, 95 % des bruits de freinage pourraient disparaitre. Dans cette optique, la SNCF a reçu trois millions d'euros afin d'équiper six sillons primaires. Or, pour des raisons inexpliquées et inexplicables, ne remettant absolument pas en cause la qualité du procédé ELPA, l'implantation de ce système n'a pas été réalisée contrairement aux engagements pris par la SNCF et contrairement aux trois millions d'euros mis sur la table. Aussi, il le questionne sur ces manquements et sur ces retards pris dans l'installation d'un système qui a largement fait ses preuves en Europe et sur le continent nord-américain. De même, il lui demande de bien vouloir prendre toutes les mesures qu'il juge opportunes pour qu'après des décennies de souffrance et de gêne, le quotidien et la santé des riverains s'améliorent enfin. Si la reconquête du fret ferroviaire est nécessaire, elle doit néanmoins se faire avec les riverains et non contre eux.
Réponse en séance, et publiée le 25 novembre 2020
NUISANCES LIÉES À LA GARE DE TRIAGE DE DRANCY
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour exposer sa question, n° 1152, relative aux nuisances liées à la gare de triage de Drancy.
M. Jean-Christophe Lagarde. Avec ma question, je souhaite appeler l'attention du Gouvernement – une nouvelle fois, si j'ose dire – sur les problèmes de bruit du tri ferroviaire, en particulier à la gare de triage de Drancy, qui est l'une des plus importantes du pays, en tout cas la première en Île-de-France. Dans cette gare, grâce à un système qu'on appelle le tir au but, automatisé voilà une quinzaine d'années, on trie entre 200 000 et 300 000 wagons chaque année.
Le Premier ministre, dans un souci louable de protection de l'environnement, veut développer le ferroutage, c'est-à-dire le trafic ferroviaire de marchandises, mais il ne semble pas, jusqu'à présent, obtenir de la SNCF qu'elle prenne aussi en considération les voisins des installations de triage. La gare de triage de Drancy est une des plus touchées par les nuisances sonores : dans un rayon de 600 mètres, près de 30 000 habitants doivent subir des niveaux moyens de bruit constant situés entre 66 et 78 décibels selon Bruitparif, mais aussi des émergences de 120 à 140 décibels en haute fréquence, soit un niveau sonore très nettement supérieur à celui du décollage d'un avion de ligne lorsque l'on se trouve à proximité d'un aéroport. Cette situation dure depuis des années et, même à l'intérieur des logements, on entend de plus en plus ce bruit.
Il existe pourtant une solution, que j'ai proposée il y a une dizaine d'années : le procédé ELPA, qui vient de Slovénie et, après un long combat de la municipalité, a été accepté par la SNCF, laquelle a touché 3 millions d'euros pour l'installer sur les six principaux sillons primaires. Ce dispositif, qui permet de réduire de 95 % le bruit, est utilisé dans toutes les grandes gares européennes et même à Chicago. Or, pour des raisons que je ne parviens pas à m'expliquer et qui n'ont pas trait au dispositif lui-même, il n'a toujours pas été installé, quatre ans après la décision et le versement des 3 millions.
Je demande au Gouvernement – qui a, je crois, quelque pouvoir auprès de la SNCF –, de faire en sorte qu'elle accepte aussi, pour développer le ferroutage, de protéger les riverains. L'argent et la technique sont là mais, manifestement, la volonté de la SNCF n'y est pas ; j'espère que celle du Gouvernement y sera.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du logement.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement. Monsieur le député, je vous répondrai au nom de M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports, à qui s'adresse votre question. SNCF Réseau s'est engagée depuis 2003 dans la lutte contre le bruit, pour limiter l'impact des mouvements ferroviaires. Comme vous l'avez rappelé, le triage du Bourget-Drancy est important pour le transport de marchandises, particulièrement pour l'activité de tri des wagons isolés, et nécessaire pour le développement de ce service dans le pays.
Pour lutter contre les nuisances sonores, qui sont identifiées depuis longtemps, vous mentionnez le dispositif expérimental et inédit, développé par la société slovène ELPA, dont le principe est d'injecter un liquide au passage des roues, le fluide limitant le bruit généré au freinage. La décision d'installer ce dispositif, dont le coût est d'environ 7 millions d'euros, a bien été prise en décembre 2015 par SNCF Réseau, avec un financement pris en charge à 100 % par l'entreprise. Une expérimentation a débuté en 2017 sur le site du Bourget-Drancy, mais un incident technique a amené la SNCF à suspendre les essais pendant plus d'un an. Finalement, au vu des résultats obtenus, les gains en matière de réduction de bruit n'ont pas répondu aux attentes.
L'adaptation de ce système au processus de tri tel qu'il est pratiqué au Bourget-Drancy est très complexe ; le freinage, entièrement automatisé, prend en compte de nombreux paramètres tels que la charge, la vitesse ou le vent. Par ailleurs, selon SNCF Réseau, les mesures de bruit effectuées sur un cycle de vingt-quatre heures montrent une baisse sensible des niveaux sonores depuis trois ans.
Dans ce contexte, l'entreprise reste mobilisée et examine des solutions alternatives, comme des murs antibruit, qui pourraient se révéler plus rapides à installer et à maintenir ; des études sont donc en cours. La question du bruit ferroviaire réunit un comité de suivi composé de l'État, de la région, de la métropole du Grand Paris et de SNCF Réseau, et fait l'objet de relations suivies avec la métropole, qui depuis 2018 a compétence sur le bruit et avec laquelle un budget de 4 millions d'euros est actuellement en discussion au bénéfice du site du Bourget-Drancy. Le Gouvernement investit fortement dans le cadre du plan de relance en faveur du fret ferroviaire. Comme vous le mentionnez, cela doit se faire avec les riverains, et non contre eux. Nous y veillons.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
M. Jean-Christophe Lagarde. Contrairement à Mme Annie Chapelier, qui posait la question précédente, je suis effondré par cette réponse. Premièrement, parce que, manifestement, la SNCF continue à dire n'importe quoi au Gouvernement : il n'y a pas eu d'incident technique pendant les essais, mais un sabotage de la part d'un cheminot, reconnu par la SNCF elle-même. Mais quand on écrit au cabinet du ministre, on dit n'importe quoi.
Deuxièmement, on nous dit que le bruit mesuré par la SNCF diminue, mais figurez-vous qu'habitant juste à côté, je peux vous garantir qu'il ne diminue pas : fenêtres et volets fermés en pleine nuit, on constate les émergences que j'ai évoquées. Vous n'y êtes pour rien, madame la ministre, et je vous demande pardon pour ma colère, mais elle est légitime.
Troisièmement, je suis effaré que la SNCF ose encore prétendre, dix ans après, que ce qui fonctionne à Chicago ou à Nuremberg – je les ai envoyés le constater sur place – ne fonctionnerait pas. Nos trains et nos systèmes de tri sont-ils si différents ? Il faut arrêter de se moquer du monde ! Voilà dix ans qu'on attend qu'enfin ils se décident : depuis cinq ans, ils doivent faire le test ; en 2017 il y a eu un sabotage, et on nous parle aujourd'hui de murs antibruit ! Je demande au ministère de l'environnement de mener une étude, tout simplement. Il est évident qu'un mur antibruit serait totalement inefficace contre le bruit ferroviaire sur un espace aussi large.
Je vais donc demander un rendez-vous au ministre délégué chargé des transports, pour qu'on arrête de lui raconter des bobards et qu'il puisse faire son travail.
Auteur : M. Jean-Christophe Lagarde
Type de question : Question orale
Rubrique : Nuisances
Ministère interrogé : Transports
Ministère répondant : Transports
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 novembre 2020