La Seine-Saint-Denis face à l'épidémie de covid19
Question de :
M. Alexis Corbière
Seine-Saint-Denis (7e circonscription) - La France insoumise
M. Alexis Corbière alerte M. le Premier ministre sur la situation de la Seine-Saint-Denis face à la crise sanitaire de covid-19. Le 17 novembre 2017, Emmanuel Macron annonçait à Tourcoing une « mobilisation nationale pour les villes et pour les quartiers » populaires. Deux ans plus tard, le 31 octobre 2019, l'ancien Premier ministre Édouard Philippe s'est rendu en Seine-Saint-Denis accompagné de nombreux ministres. Il y a aussi prononcé un discours soulignant les difficultés « hors normes » de ce territoire et promettant de « réinvestir massivement dans l'ensemble des services publics du département ». Encore un an après, le 25 octobre 2020, M. le Premier ministre venait à son tour prononcer un discours à Bobigny. Au total, trois années d'annonces, donc. Or, à moins d'être un grand démagogue, force est de constater qu'ici rien n'a changé dans la vie des gens. Pire, la pandémie a plongé la Seine-Saint-Denis un peu plus encore dans la difficulté. Lors de la première vague, la Seine-Saint-Denis était le deuxième département français le plus meurtri. Le Gouvernement avait annoncé qu'il ne fallait plus jamais que cela se reproduise. Pourtant, six mois plus tard, la Seine-Saint-Denis est à nouveau le département le plus touché d'Île-de-France avec une mortalité en hausse de 23 %. M. le député se permet de rappeler qu'ici, il n'y a que deux lits d'hospitalisation complète pour 1 000 habitants, ce qui est presque quatre fois moins qu'à Paris. Lors du Ségur de la santé, Emmanuel Macron s'est engagé à ce que l'État reprenne une partie de la dette des hôpitaux. Six mois plus tard, le budget de l'hôpital André Grégoire de Montreuil reste pourtant plombé par sa dette, qui lui coûte 8 millions d'euros par an et qui empêche le recrutement de personnels supplémentaires pour faire face à l'afflux de patients. S'agissant des établissements scolaires, malgré les promesses faites, les fermetures de classes intervenues à la rentrée ont été maintenues. Il est donc possible de dédensifier les effectifs et de privilégier les petits groupes. Il souhaiterait aborder un autre sujet capital : le Gouvernement s'est félicité de l'ouverture de 1 000 places d'hébergement supplémentaires pour les femmes victimes de violences conjugales. Pourtant, rien qu'à Montreuil, l'association de la Maison des Femmes Thérèse Clerc accompagne encore aujourd'hui trois femmes, confinées avec leur conjoint violent et que le 115 ne peut accueillir faute de place. Il y a quatre ans, Emmanuel Macron choisissait la Seine-Saint-Denis pour annoncer sa candidature à l'élection présidentielle. Depuis, comme l'a souligné M. le député, ministres et premiers ministres y ont multiplié les déplacements et les grands discours. Il lui demande donc quand il va considérer la Seine-Saint-Denis, non plus comme une estrade, mais comme un département en grande souffrance qu'il faut aider vraiment.
Réponse en séance, et publiée le 9 décembre 2020
SITUATION DE LA SEINE-SAINT-DENIS
Mme la présidente. La parole est à M. Alexis Corbière, pour exposer sa question, n° 1161, relative à la situation de la Seine-Saint-Denis.
M. Alexis Corbière. Ma question s'adresse également, à travers vous, monsieur le secrétaire d'État chargé de l'enfance et de la famille, au Premier ministre. Le 17 novembre 2017, à Tourcoing, Emmanuel Macron annonçait « une grande mobilisation nationale pour les villes et pour les quartiers populaires ». Deux ans plus tard, le 31 octobre 2019, Édouard Philippe, alors Premier ministre, s'est rendu en Seine-Saint-Denis, accompagné de nombreux ministres. Il y a aussi prononcé un discours soulignant « les difficultés hors normes de ce territoire » et promettant « de réinvestir massivement dans l'ensemble des services publics du département ». Encore un an après, le 25 octobre dernier, Jean Castex venait à son tour prononcer un discours à Bobigny.
Au total, trois années d'annonces et, à moins d'être un démagogue, force est de constater que rien n'a changé dans la vie des gens. Au contraire, la pandémie de covid-19 a accru les difficultés de la Seine-Saint-Denis. Lors de la première vague, nous avions le triste privilège d'être le deuxième département le plus meurtri. Le Gouvernement avait annoncé qu'il ne fallait plus jamais que cela se reproduise. Six mois plus tard, la Seine-Saint-Denis est à nouveau le département le plus touché d'Île-de-France avec une mortalité en hausse de 23 %. Permettez-moi de rappeler qu'on n'y trouve que deux lits d'hospitalisation complète pour 1 000 habitants, à savoir quatre fois moins qu'à Paris.
Lors du Ségur de la santé, Emmanuel Macron s'est engagé à ce que l'État reprenne une partie de la dette des hôpitaux, ce qui est heureux. Mais, six mois plus tard, le budget de l'hôpital André-Grégoire à Montreuil, dans ma circonscription, reste plombé par sa dette qui lui coûte 8 millions d'euros par an et qui, évidemment, l'empêche de recruter des personnels pour faire face à l'afflux des patients. Les villes de Montreuil et Bagnolet ont d'ailleurs connu une forte mobilisation en faveur de la suppression de cette dette.
J'en viens aux établissements scolaires. Malgré les promesses, les fermetures de classes décidées à la rentrée ont été maintenues. Il est difficile, dans ces conditions, de réduire la densité des effectifs et de privilégier les petits groupes.
Autre sujet capital : le Gouvernement s'est félicité de l'ouverture de 1 000 places d'hébergement pour les femmes victimes de violences conjugales mais, rien qu'à Montreuil, l'association La Maison des femmes Thérèse-Clerc, qui fait un travail formidable, accompagne encore aujourd'hui trois femmes confinées avec leur conjoint violent et que le 115 ne peut accueillir faute de places…
Bref, il y a quatre ans, Emmanuel Macron avait choisi la Seine-Saint-Denis pour annoncer sa candidature à l'élection présidentielle. Depuis, ministres et premiers ministres ont multiplié, dans le 93, déplacements et grands discours – je viens d'en établir la liste et je pourrais encore l'étoffer. Quand va-t-on cesser de considérer la Seine-Saint-Denis non plus comme une estrade mais comme un département en grande souffrance qu'il faut vraiment aider par des mesures concrètes ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles. Loin de considérer le département de Seine-Saint-Denis comme une estrade, le Gouvernement l'accompagne.
Vous avez évoqué le centre hospitalier intercommunal André-Grégoire qui accueille 75 000 personnes chaque année aux urgences, près de 4 000 dans sa maternité de niveau 3. C'est un établissement pivot, un centre de référence en néphrologie, en dialyse ou en cardiologie mais dont la situation financière est en effet très dégradée : le taux d'endettement avoisine 80 % et le service de la dette consomme 8 millions d'euros sur 125 millions d'euros de budget. Cette situation est connue et suivie par l'État.
Or l'hôpital de Montreuil a été très fortement soutenu. En plus de l'allocation budgétaire « normale » aux établissements de santé, près de 30 millions d'euros supplémentaires auront été versés sur deux ans pour l'aide au désendettement ; 2 millions d'euros par an pour financer l'emprunt toxique contracté il y a plusieurs années, en aide à la trésorerie ; 5 millions d'euros en 2019 et 3,5 millions cette année, enfin, en aide à l'investissement et à la rénovation des services.
Le plan de rénovation des urgences est en cours : 7 millions d'euros sur les 10 millions prévus ont déjà été versés par le fonds d'intervention de l'ARS et 4 millions d'euros en plus de ces 10 millions seront versés pour aider l'hôpital à équiper son nouveau service d'urgences. Les surcoûts liés à la crise de covid-19 seront évidemment pris en charge et 1,8 million d'euros ont déjà été versés au printemps. Une compensation complémentaire est en cours de versement. Toutes ces mesures donnent des résultats et la trajectoire financière de l'hôpital s'améliore.
Par ailleurs, avec les mesures engagées dans le cadre du Ségur de la santé, nous pourrons continuer à soutenir l'hôpital de Montreuil, comme de nombreux autres dans le département.
En outre, le projet de loi de finances pour 2021 contient une disposition qui permettra de lancer un plan d'investissement de 19 milliards d'euros pour le système de santé. L'hôpital de Montreuil en bénéficiera également.
J'en viens à l'hébergement d'urgence. Depuis le début du plan hivernal, mi-octobre, ce sont 1 238 places qui ont été ouvertes en Seine-Saint-Denis avec un parc qui atteint 17 000 places dans le département sur les 197 000 places ouvertes à l'échelle nationale, soit près de 10 % de l'ensemble. À la fin 2019, nous nous étions engagés à ouvrir 1 000 places d'hébergement et de logement temporaires pour les femmes victimes de violences. En Seine-Saint-Denis, 41 places en hébergement d'urgence ont déjà été ouvertes en 2020. Un nouvel appel à projets d'ouverture de places dédiées sera lancé en 2021 pour renforcer l'offre dans ce département et 1 000 places seront ouvertes au cours de l'année 2021 pour porter à 7 000 le nombre de places ouvertes au plan national.
Plus généralement, le Gouvernement a pris des mesures pour soutenir la Seine-Saint-Denis, en particulier les populations les plus précaires. Je pense à la distribution de 5 millions de masques gratuits depuis le mois de septembre ou aux moyens supplémentaires consacrés aux associations d'aide alimentaire. Entre avril et juillet, quelque 14 millions de chèques ont été émis à destination de nos concitoyens les plus fragiles. Le Gouvernement, dès le mois d'avril, a déclenché deux plans d'urgence destinés aux opérateurs de l'aide alimentaire à hauteur de 39 millions d'euros.
Voilà quelques éléments de réponse aux problèmes que vous avez soulevés. Le Gouvernement suit évidemment avec attention la situation et, si je puis dire, de façon concrète, au-delà des seuls effets d'estrade.
Auteur : M. Alexis Corbière
Type de question : Question orale
Rubrique : Services publics
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er décembre 2020