Question orale n° 1177 :
La pénurie de médecins psychiatres

15e Législature

Question de : Mme Isabelle Valentin
Haute-Loire (1re circonscription) - Les Républicains

Mme Isabelle Valentin attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur la pénurie de psychiatres et la disparité de médecins psychiatres en fonction des territoires, notamment en zone rurale. Certaines régions sont professionnellement plus attractives quand d'autres sont de réels déserts médicaux. Beaucoup de professionnels décident d'exercer dans les grandes agglomérations et les petites villes souffrent donc davantage du manque de psychiatres. En Haute-Loire, les internes en psychiatrie dépendent des CHU de Clermont-Ferrand, Lyon et Saint-Etienne et restent, pour la plupart d'entre eux, exercer dans ces villes. Ainsi, des départements tels que celui de la Haute-Loire ou de l'Allier se retrouvent sans internes, avec, pour les patients, un accès aux traitements qui ne leur est pas toujours assuré. Les psychiatres en départ à la retraite peinent à se faire remplacer et la majorité des offres d'emploi reste sans réponse. Cette situation soulève également le problème de l'intérim puisque, pour assurer la continuité des soins, certains établissements font appels à des médecins psychiatres intérimaires. Le coût journalier, pour ces structures et par intérimaire, s'élève à 606 euros par jour, ce qui met les établissements publics et privés dans des situations financières catastrophiques. Aussi, elle souhaiterait savoir quelles dispositions il compte mettre en œuvre pour réguler les internes en psychiatries dans les territoires qui n'ont pas d'universités (CHU) et ceci pour répondre à une demande croissante de soins.

Réponse en séance, et publiée le 9 décembre 2020

EFFECTIFS DE PSYCHIATRES EN ZONES RURALES
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour exposer sa question, n°  1177, relative aux effectifs de psychiatres en zones rurales.

Mme Isabelle Valentin. La pénurie de psychiatres et la disparité de leur répartition dans les territoires – au détriment des zones rurales – est particulièrement inquiétante. La situation devient de plus en plus critique. Les inégalités entre territoires se creusent et le nombre d'obstacles au recrutement tant de psychiatres que de médecins généralistes s'accroît. De plus, en Haute-Loire comme partout en France, certaines causes viennent aggraver encore le phénomène.

Ainsi la mauvaise répartition des internes, en particulier dans les zones les plus excentrées, illustre le traitement inéquitable de certains territoires. Certaines régions sont professionnellement plus attractives, quand d'autres sont de réels déserts médicaux. En Haute-Loire, les internes en psychiatrie dépendent des CHU – centres hospitaliers universitaires – de Clermont-Ferrand, de Lyon et de Saint-Étienne et ils exercent, pour la plupart, dans les villes.

L'absence de transparence dans l'attribution des postes d'internes et de docteurs juniors, l'inégalité de traitement entre le CHU et les établissements périphériques, de même qu'entre le public et le privé, la non-reconnaissance de l'exercice dans les établissements privés pour le concours de praticien hospitalier, la quasi-impossibilité d'obtenir un détachement du centre hospitalier public vers un établissement privé et l'obligation d'effectuer une année probatoire en établissement public pour les nouveaux praticiens hospitaliers constituent autant de contraintes supplémentaires qui empêchent le processus de recrutement.

Des départements – comme ceux de la Haute-Loire ou de l'Allier – se retrouvent ainsi sans interne, ce qui constitue une profonde injustice pour les patients et les établissements. La pénurie médicale actuelle met en péril la continuité et la sécurité des soins, le développement de futurs projets, voire le maintien de l'activité et la capacité des établissements à répondre aux missions psychiatriques qui leurs sont confiées.

La pénurie, qui s'aggrave au fil du temps, accroît la charge quotidienne de travail de ceux qui restent, la fatigue et le découragement faisant craindre de nouveaux départs. Les psychiatres partant en retraite peinent à se faire remplacer et la majorité des offres d'emploi restent sans réponse. La pyramide des âges concernant les praticiens en poste est une véritable source d'inquiétude.

Pour assurer la continuité des soins, de nombreux établissements font appel à des médecins psychiatres intérimaires. Avec un coût journalier qui s'élève à 606 euros, cela met les établissements – publics et privés – dans des situations financières catastrophiques. En outre, l'implication des intérimaires dans les établissements est limitée : peu ou pas de participation à la vie de l'institution, réticence à assurer les gardes et les astreintes, absence de vision à long terme pour les patients. L'intérim participe au développement d'une médecine psychiatrique à deux vitesses qui ne garantit ni la qualité du suivi des patients ni le caractère adapté des soins. À cet égard, les internes étrangers constituent une vraie richesse qui nécessite toutefois un effort important de formation de plusieurs mois à leur arrivée. Si, souvent, ils ne restent pas dans l'établissement, ils représentent tout de même un véritable appui.

Au cours de la dernière année, dans mon département, de nombreux praticiens ont quitté les établissements pour s'installer en libéral. Ces défections ont été, en grande partie, liées au classement des zones de revitalisation rurale de la Haute-Loire.

Toutes ces contraintes viennent enrayer le bon fonctionnement des établissements spécialisés en psychiatrie, alors qu'ils s'inscrivent dans des dynamiques de changement très positives, avec des modalités de prise en charge plus en phase avec la psychiatrie d'aujourd'hui et plus orientées vers les soins ambulatoires. Cette dynamique ne pourra être maintenue que si elle est soutenue par un corps médical suffisamment nombreux, disponible et motivé.

Nous le savons tous : malheureusement, la crise du covid-19 va fortement accentuer les besoins en psychiatrie. Or de nombreux départements ne seront pas en mesure de gérer l’augmentation des patients ni d'assurer un suivi de soins adapté. Monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures comptez-vous mettre en œuvre pour remédier au manque cruel de médecins psychiatres, au niveau national mais aussi et surtout dans les territoires plus excentrés ou plus ruraux ? Que comptez-vous faire pour assurer le placement d'internes en psychiatrie dans des départements dépourvus d'université, afin d'apporter plus d'égalité dans l'offre de soins sur l'ensemble du territoire ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles. Vous évoquez sans doute plutôt la psychiatrie pour les adultes, madame la députée, mais nous pourrions constater les mêmes difficultés s'agissant de la pédopsychiatrie. Vous connaissez bien le sujet ; vous savez donc que les difficultés rencontrées par la psychiatrie ne datent pas de la crise de la covid-19. À très court terme, cependant, et afin de répondre à l'urgence, le Gouvernement a porté une attention particulière à l'offre de soins en psychiatrie, avec la mise en place d'une cellule de crise nationale dont l'objectif était de permettre un suivi rapproché et d'apporter les réponses institutionnelles nécessaires en fonction de l'évolution de la situation.

Pour capitaliser sur les expériences révélées par la crise – car, ici comme ailleurs, je suis convaincu que nous pouvons tirer de celle-ci quelque chose de positif –, nous avons recensé les activités alternatives proposées par les établissements de psychiatrie – en présentiel ou à distance – et le ministère a organisé un retour d'expérience pour mieux appréhender les transformations qui contribueront à améliorer encore l'accès aux soins en psychiatrie.

Le déficit démographique des psychiatres en ville est en effet important. L'ordre des médecins avait déjà dressé ce constat, en 2015, dans son atlas démographique régional qui, par exemple, dénombrait 111 psychiatres en activité régulière – libérale ou mixte – en Auvergne, avec une présence de ces professionnels autour des grandes agglomérations, alors que le Cantal ne comptait aucun psychiatre libéral.

Mme la présidente. Veuillez conclure.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État . Pour répondre aux craintes rencontrées par les jeunes professionnels à l'occasion de leur installation en libéral, des aides ont été mises en place par l'assurance maladie et les agences régionales de santé. Le contrat de début d'exercice concernera, à partir de 2021, toutes les spécialités médicales – dont la psychiatrie – en permettant à un jeune, diplômé de moins d'un an, de s'installer en libéral dans une zone en manque de médecins et de bénéficier d'un soutien financier la première année, ainsi qu'en cas de congé maladie.

Pour conclure, s'agissant de l'intérim, l'article 10 de la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dont la députée Stéphanie Rist est rapporteure et que l'Assemblée a voté en première lecture, prévoit la mise en place d'un nouvel arsenal pour combattre les pratiques inadaptées et réguler les tarifs abusifs constatés en matière d'intérim médical.

Données clés

Auteur : Mme Isabelle Valentin

Type de question : Question orale

Rubrique : Professions de santé

Ministère interrogé : Solidarités et santé

Ministère répondant : Solidarités et santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er décembre 2020

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