Accords locaux sur l'ouverture des commerces : expérimentation, différenciation
Question de :
Mme Claudia Rouaux
Ille-et-Vilaine (3e circonscription) - Socialistes et apparentés
Mme Claudia Rouaux attire l'attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur la nécessité de sécuriser juridiquement les accords locaux régulant l'ouverture des commerces, au titre de l'expérimentation ou de la différenciation territoriale. Depuis 1997, le Pays de Rennes a ainsi développé une culture du dialogue social avec les acteurs du commerce, les partenaires sociaux et les élus locaux pour définir un cadre adapté aux spécificités du territoire. Mais, en l'absence d'une base légale solide, ces accords n'ont pas de valeur juridique contraignante. Or la crise liée à l'épidémie de covid-19 impacte durement les petits commerces, la plupart fermés pendant deux confinements. Au-delà des dispositifs d'aide et dans l'attente de leur réouverture la plus rapide possible, les accords locaux permettent de préserver des équilibres entre les commerces des centres villes ou des cœurs de bourg d'une part, ainsi que la grande distribution souvent en périphérie d'autre part. Leviers d'aménagement du territoire, ils s'inscrivent en cohérence avec les programmes « Action cœur de ville », « Petites villes de demain » et la stratégie nationale pour l'artisanat et le commerce de proximité. En janvier 2020, le Gouvernement s'était engagé à étudier « la possibilité de lancer une expérimentation dans ces territoires, pour permettre l'expression des spécificités territoriales sur le fondement d'un consensus local ». Alors que le projet de loi « 4D » (décentralisation, déconcentration, différenciation, décomplexification) est en cours d'élaboration, elle souhaite donc connaître les engagements que compte prendre le Gouvernement pour garantir la sécurité juridique des accords locaux sur l'ouverture des commerces.
Réponse en séance, et publiée le 9 décembre 2020
ACCORDS LOCAUX SUR L'OUVERTURE DES COMMERCES
Mme la présidente. La parole est à Mme Claudia Rouaux, pour exposer sa question, n° 1185, relative aux accords locaux sur l'ouverture des commerces.
Mme Claudia Rouaux. Je souhaite appeler l'attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur la nécessité de sécuriser juridiquement les accords locaux régulant l'ouverture des commerces au titre de l'expérimentation ou de la différenciation territoriale.
Depuis 1997, le pays de Rennes a ainsi développé une culture du dialogue avec les acteurs du commerce, les partenaires sociaux et les élus locaux, afin de définir un cadre adapté aux spécificités du territoire ; mais en l'absence de base légale solide, ces accords n'ont pas de valeur juridique contraignante. Par ailleurs, en dépit des dispositifs d'aide, la crise sanitaire qui frappe durement les petits commerces de proximité, pour la plupart fermés pendant les deux confinements, accentue les inégalités entre ceux-ci et les grandes surfaces. Il y a là un véritable enjeu en matière de politique de développement économique.
Or les accords locaux permettent de préserver l'équilibre entre les commerces des centres-villes, des cœurs de bourg, et la grande distribution, souvent implantée en périphérie. Leviers d'aménagement du territoire, ils s'inscrivent dans la même logique que les programmes « Action cœur de ville » ou « Petites villes de demain » et que la stratégie nationale pour l'artisanat et le commerce de proximité. En janvier, le Gouvernement s'était engagé à étudier la possibilité d'une expérimentation dans ce domaine, afin que les spécificités territoriales puissent s'exprimer sur le fondement d'un consensus local. Alors que s'élabore le futur projet de loi 3D – décentralisation, différenciation et déconcentration –, par quelles mesures compte-t-il à présent garantir la sécurité juridique des accords locaux portant sur l'ouverture des commerces ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la ville.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée chargée de la ville. Vous m'interrogez au sujet des engagements que compte prendre le Gouvernement, notamment dans le cadre du futur projet de loi 3D, en vue de garantir la sécurité juridique des accords locaux régissant l'ouverture des commerces le dimanche et les jours fériés.
En France, le repos dominical demeure la règle ; il existe des dérogations pour les commerces alimentaires dans le cadre des « dimanches du maire », ou encore dans certaines zones particulièrement touristiques. Certains commerces peuvent également bénéficier d'une dérogation préfectorale, dont les conditions sont très strictes. Inversement, le préfet peut imposer la fermeture des commerces, pour toutes les activités d'un même secteur au sein d'une zone géographique donnée, après accord des acteurs concernés traduisant l'avis de la majorité des professionnels du secteur ; la notion de « majorité » joue un rôle essentiel, puisqu'elle constitue la condition de légalité de cet arrêté et permet donc d'éviter qu'il ne fasse l'objet d'actions contentieuses.
C'est là un outil de régulation de la concurrence à l'initiative des partenaires sociaux ; en l'occurrence, les dérogations concernant le repos dominical ne s'appliquent pas. Ce dispositif, qui figure à l'article L. 3132-29 du code du travail, vise ainsi à éviter, au sein d'une zone géographique déterminée, une concurrence déloyale entre commerces de même nature, selon qu'ils sont assujettis ou non à l'obligation du repos dominical. Elle permet au préfet de réglementer la fermeture hebdomadaire, que celle-ci survienne le dimanche ou un autre jour, de l'ensemble des établissements d'une même profession, quelle que soit leur taille, et qu'ils emploient ou non des salariés dans le territoire concerné.
En outre, des pratiques locales de négociation visant à établir un équilibre, au profit des petits commerces, entre leurs plages d'ouverture et celles des moyennes et grandes surfaces, ont longtemps existé dans certains territoires. Le pays de Rennes les a instaurées dès 1997 et fondées sur une concertation impliquant l'ensemble des parties prenantes. Les textes en vigueur ne permettant pas de sécuriser juridiquement ce système, le préfet d'Ille-et-Vilaine avait pris un arrêté de fermeture dominicale des commerces alimentaires de plus de 700 mètres carrés, annulé par le tribunal administratif de Rennes pour vice de procédure lors du recueil des avis des établissements concernés, et non en raison d'une difficulté juridique posée par la lettre de la loi.
À ce stade, le futur projet de loi 3D ne comprend pas de dispositions autorisant une expérimentation en la matière, car il se concentre sur les politiques publiques annoncées par le Président de la République et le Premier ministre : logement, transition écologique, mobilités, santé et cohésion sociale. En revanche, l'exemple que vous avez évoqué nous invite à mieux sécuriser les procédures par une simplification, laquelle pourra trouver place dans ce texte, si elle est de nature législative.
Mme la présidente. La parole est à Mme Claudia Rouaux.
Mme Claudia Rouaux. Merci, madame la ministre déléguée, de ces précisions. Je peux vous assurer qu'il y a urgence. J'ai reçu tout récemment une pétition signée de 700 petits commerçants ; ils attendent beaucoup de la future loi, car beaucoup d'entre eux risquent de disparaître. L'annonce du Gouvernement remonte à un an : nous vous demandons d'agir au plus vite.
Auteur : Mme Claudia Rouaux
Type de question : Question orale
Rubrique : Commerce et artisanat
Ministère interrogé : Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales
Ministère répondant : Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er décembre 2020