Accès au logement des plus précaires
Question de :
Mme Danièle Obono
Paris (17e circonscription) - La France insoumise
Mme Danièle Obono interroge Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement, sur la mobilisation du parc immobilier aux niveaux francilien et national pour permettre l'accès au logement des populations des derniers déciles parmi les plus précaires et vulnérables.
Réponse en séance, et publiée le 13 janvier 2021
ACCÈS AU LOGEMENT DES PLUS PRÉCAIRES
M. le président. La parole est à Mme Danièle Obono, pour exposer sa question, n° 1195, relative à l'accès au logement des plus précaires.
Mme Danièle Obono. « Il est inadmissible de laisser des logements vides alors qu'il y a des gens qui crèvent dans la rue » : ce sont les propos des militants et citoyens qui, le 2 janvier dernier, à Paris, à l'appel de plusieurs associations, ont organisé une marche des réquisitions pour dénoncer l'inaction de l'État en matière de droit au logement.
Alors que, selon la Fondation Abbé Pierre, le nombre de personnes à la rue est passé de 143 000 en 2012 à 300 000 aujourd'hui, l'INSEE évalue à environ 117 000 le nombre de logements inoccupés à Paris et à 400 000 en Île-de-France. La conjonction de la crise sanitaire avec celle du logement a déjà des conséquences dramatiques pour les personnes sans logis et mal logés. Par ailleurs, 2,5 à 2,8 millions de ménages, soit 6 à 7 millions de personnes, connaissent des difficultés financières insoutenables du fait des dépenses liées à leur logement, alors qu'elles font face à une baisse de revenus d'activité.
Or depuis trois ans, madame la ministre déléguée chargée du logement, votre Gouvernement se refuse à prendre les mesures qui s'imposent pour remédier à ce problème, qui est structurel, et non pas simplement conjoncturel. Lancé en 2017, le plan pour le Logement d'abord et la lutte contre le sans-abrisme, qui était censé faire de l'accès au logement une priorité pour la réinsertion des personnes sans domicile, est un échec, de l'avis de tous les acteurs et actrices de terrain. Même vos services le reconnaissent à demi-mot, comme l'indique l'instruction ministérielle du 3 novembre 2020 sur la prise en charge des populations précaires, qui note une baisse importante d'attribution de logements pour ces publics. Les expulsions n'ont jamais été aussi nombreuses ni le coût du logement aussi élevé, et les surprofits du marché immobilier continuent d'augmenter. Un toit, c'est un droit et c'est la loi.
Les associations demandent urgemment l'application de la loi de réquisition – à Paris par exemple, sept sites ont été identifiés comme pouvant loger au moins 1 300 personnes –, davantage de moyens et d'ambition pour une vraie politique du Logement d'abord, la construction d'au moins 150 000 logements sociaux par an pour sortir les centaines de milliers de personnes actuellement à la rue ou en hébergement d'urgence, l'instauration d'un fonds d'indemnisation des loyers et des charges afin d'éviter la bombe à retardement des expulsions locatives. Nous appuyons ces demandes.
Madame la ministre, quand et comment comptez-vous y répondre, et surtout à quel niveau comptez-vous mobiliser le parc locatif en Île-de-France et au niveau national pour permettre l'accès au logement des populations les plus précaires et vulnérables ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du logement.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement. Madame la députée, l'accès au logement des personnes les plus en difficulté est évidemment une priorité de mon ministère. La fondation Abbé Pierre évalue à environ 300 000 le nombre des personnes sans logement, sans domicile, mais ce ne sont pas 300 000 personnes à la rue. En parallèle, nous finançons chaque nuit près de 200 000 nuitées d'hébergement classique de droit commun et près de 100 000 nuitées pour les demandeurs d'asile. Je suis la première à reconnaître qu'il reste des personnes à la rue, mais l'ordre de grandeur est difficile à chiffrer. Je souhaite que nous avancions avec l'INSEE et dans le cadre de la Nuit de la solidarité coordonnée entre les différentes villes en France. Il reste peut-être entre 10 000 et 20 000 personnes à la rue : c'est beaucoup, c'est trop, et nous devons trouver une solution pour chacune des personnes concernées, mais il est important de dire qu'il n'y a en aucun cas 300 000 personnes à la rue.
Dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire et de la prise en charge des personnes les plus fragiles, nous avons ouvert près de 50 000 places d'hébergement temporaire ou pérenne supplémentaires depuis le début de l'année. Cet effort est d'ailleurs très largement reconnu par les associations, que je salue parce qu'elles sont très souvent opératrices de l'ouverture de ces places.
Le plan Logement d'abord a, depuis son lancement à la fin de 2017, permis à 150 000 personnes d'avoir un accès au logement. Il faut encore l'accélérer, construire du logement social et ouvrir des pensions de famille. Néanmoins, l'effort est déjà conséquent. Cette dynamique a permis un véritable changement de politique publique et je souhaite évidemment la renforcer.
Enfin, nous manquons de logement social. Oui, nous avons agréé 90 000 logements sociaux en France cette année alors que notre objectif était de 110 000. Ce n'est pas satisfaisant. Je travaille actuellement avec Action Logement et avec les bailleurs sociaux pour définir un objectif plus ambitieux d'agrément de logement social en 2021 et 2022, sachant que le logement social nécessite des financements – nous serons au rendez-vous –, ainsi que des permis de construire, et donc une volonté politique, ce qui renvoie à la prolongation de la loi SRU et, plus généralement, à la mobilisation des élus locaux, car c'est avec l'accord de ces derniers que le logement social se construira, à Paris, en Île-de-France et dans la France entière.
Comme vous le voyez, le Gouvernement est pleinement mobilisé pour l'accès au logement des plus modestes, à commencer par l'hébergement – mettre un toit au-dessus de la tête de chacun –, puis pour la continuité vers le logement.
Enfin, on n'a jamais aussi peu expulsé en France en 2020 : on a enregistré moins de 5 000 expulsions locatives en 2020, contre près de 20 000 en 2019. C'est un effort important qui a été fait lors de la crise sanitaire et des confinements et je souhaite qu'il n'y ait pas d'expulsion sans solution.
M. le président. La parole est à Mme Danièle Obono.
Mme Danièle Obono. Les évaluations de la Fondation Abbé Pierre font bel et bien état de 300 000 personnes sans domicile en France…
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Mais pas à la rue !
Mme Danièle Obono. Par ailleurs, la préfecture de région Île-de-France a reçu 412 demandes de réquisition portant sur les sites identifiés, sans réponse à ce jour. Vous le voyez, sur le terrain, votre Gouvernement n'est toujours pas à la hauteur de cette crise.
Auteur : Mme Danièle Obono
Type de question : Question orale
Rubrique : Logement
Ministère interrogé : Logement
Ministère répondant : Logement
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 janvier 2021